Aller au contenu principal
x

Transition obligée vers des bâtiments encore plus performants

2 mai 2019

Bâtiment durable Québec CHRONIQUE DE BÂTIMENT DURABLE QUÉBEC
Consulter toutes les chroniques

« On ne change jamais les choses en se battant contre la réalité existante. Pour effectuer un changement, il faut bâtir un nouveau modèle qui rend celui qui existe obsolète.[1] »

˗ Buckminster Fuller

À quelques jours des élections provinciales, plusieurs réclament un débat axé sur l’environnement afin d’en assurer la préservation. Bien qu’il en soit question, force est d’admettre que les interventions et discussions portant sur le sujet demeurent timides et trop peu nombreuses. Alors que la sauvegarde de la planète et de notre qualité de vie telle que nous la connaissons (et l’apprécions) se présente comme l’un des plus grands défis auxquels l’humanité aura eu à faire face, comment expliquer que les leaders de demain n’osent pas aborder cette question de front? Malheureusement, comme le veut le vieil adage, il semblerait que nous ayons les dirigeants que nous méritons !

Transition sociale

Publié en novembre 2017, le livre Trop tard de l’auteur Harvey L. Mead[2] dresse un portrait inquiétant de la situation, de notre sommeil collectif profond. Venant d’un expert de la trempe de M. Mead, l’appel à la mobilisation mérite d’être entendu et écouté. Acteur majeur des milieux de l’environnement et du développement depuis près de 50 ans au Québec et à l’échelle internationale, il a entre autres servi comme premier sous-ministre adjoint au Développement durable du Québec en 1990-1991 et comme premier Commissaire au développement durable du Québec en 2007-2008.

Son livre vulgarise et explique en profondeur que le réel défi de la transition à effectuer n’est pas tant environnemental, mais bien, d’abord et avant tout, social. À la lecture de la réflexion de l’auteur, on comprend mieux pourquoi les environnementalistes, malgré qu’ils militent depuis près de 50 ans, aient échoué dans leur tentative de nous rallier autour d’un modèle de société davantage axé sur la sobriété. On mesure mieux notre peur collective face au besoin de remettre en question notre modèle et nos indicateurs de performance économique exclusivement fondés sur la « nécessité » d’une croissance infinie. Pour M. Mead, le défi de la transition ne pourra être relevé que lorsque nous reconnaîtrons que la société de l’avenir se trouve plutôt inscrite au sein du mouvement social et lorsque le bien-fondé de ce dernier ne sera plus sujet à débat. Pour y parvenir, encore faut-il que nos objectifs soient clairement définis et que les moyens employés pour parvenir à nos fins soient adaptés. Est-ce vraiment le cas?

Développement durable?

Tel que nous le définissons actuellement, le développement durable s’appuie sur une vision à long terme qui prend en compte le caractère indissociable des dimensions environnementale, sociale et économique. En d’autres mots, nous visons l’efficience économique afin de créer une économie innovante et prospère, écologiquement et socialement responsable[3].

Notre erreur aura entre autres été de s’entêter à poursuivre cet idéal durable qui ne pourra faire de sens tant et aussi longtemps que le volet économique, que nous voulons prospère et qui forcément encourage la surconsommation, sera traité sur un pied d’égalité avec la dimension environnementale. Bref, il ne suffit plus de relever les dérapages du système tel que nous le connaissons, il faut le réinventer. Évidemment, nous aurions tout avantage à compléter cette refonte avant l’effondrement du système actuel!

Mais n’est-il pas trop tard?

Comme le souligne Graham M. Turner, chercheur reconnu au Melbourne Sustainable Society Institute de l’Université de Melbourne, il est probablement trop tard pour éviter un réchauffement climatique d’environ 2o C au cours du présent siècle. Trop tard même pour éviter les millions de réfugiés climatiques, pour éviter la disparition de certaines espèces vivantes. Mais pas trop tard pour éviter le pire. Il y a toutefois urgence[4]. Il y a quelques années, nous avions encore le luxe de pouvoir prendre le temps de réfléchir et d’organiser une transition progressive. Malheureusement, à ce moment, nous étions trop préoccupés à croître économiquement… Aujourd’hui, il faut se mettre à l’ouvrage, et vite!

En tant que professionnels impliqués dans le développement des milieux bâtis, qu’il s’agisse de villes, de réseaux de services ou de bâtiments, du plus petit au plus grand, nous avons la responsabilité d’exposer à nos clients l’impact potentiellement négatif et positif de leurs projets. Nous avons l’obligation de nous élever au-dessus de la mêlée et de travailler dans l’optique d’une transition vers des bâtiments encore plus performants et plus économes (énergie et ressources), élaborés à partir de programmes fonctionnels et techniques pertinents.


1 Buckminster Fuller Institute, Buckminster Challenge, www.bfi.org/challenge 2 Mead, H.L. (2017), Trop Tard, la fin d’un monde et le début d’un nouveau, Montréal (Québec) : Écosociété, 280 p. 3 http://www.mddep.gouv.qc.ca/developpement/defini- tion.htm 4 Turner, G.M. On the Cusp of Global Collapse?


François Cantin

Par François Cantin, M. Sc. Arch.
L’auteur est chargé de projet chez Coarchitecture, spécialiste des stratégies d’occupation et du confort de l’occupant au sein des environnements de travail, formateur pour le Centre de formation en développement durable de l’Université Laval ainsi que bénévole pour le Conseil du bâtiment durable - Québec (CBDCa-Qc).