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Bâtiment vert : la ville en tête

1 juin 2012

Léa Méthé*

L’édition 2012 de la conférence annuelle du Conseil du bâtiment durable du Canada se déroulait à Toronto, la semaine dernière, sous le thème Au-delà des bâtiments, les villes vertes. Selon Ray Cole, conférencier d’honneur et professeur au département d’architecture et d’architecture du paysage de l’Université de la Colombie-Britannique, « au-delà des performances écologiques, on s’attend aujourd’hui à ce que les bâtiments soutiennent des modes de vie durables ».

Le bâtiment seul ne peut pas répondre à cette nouvelle exigence. La communauté professionnelle reconnaît qu’il faut prendre un recul pour considérer l’environnement bâti à une autre échelle. Qu’à cela ne tienne, la plupart des institutions phares de la construction écologique ont élaboré ces dernières années des systèmes de certification applicables aux collectivités. On pense à LEED for Neighborhood Development, BREEAM Communities, CASBEE for Urban development et CASBEE for Cities, ainsi qu’au Living Building Challenge Neighborhood. Le bâtiment est désormais considéré comme l’unité de base d’un développement urbain durable.

Dans cette dernière incarnation, une construction doit entretenir des synergies avec son milieu. L’événement annuel du CBDCa a été l’occasion de se familiariser avec des exemples nord-américains inspirants. En revitalisant des zones centrales et en misant sur le partage de ressources, Edmonton et Toronto développent des quartiers compacts, favorisent la mobilité durable et revitalisent des zones détériorées. Trenton, au New-Jersey, participe à la création de communautés animées et prospères avec une grille de rues modifiée, un quartier offrant une mixité d’usage et un nouvel accès aux berges de la rivière Delaware.

Du côté de Fort McMurray, porte d’entrée des sables bitumineux de l’Alberta, la municipalité se lance dans un audacieux plan de chauffage urbain, de verdissement et de récupération des eaux usées : « Il y a trois choses en abondance dans cette ville, blague Peter Busby, de la firme de consultants Busby, Will + Perkins. De l’argent, le sentiment que rien n’est à leur épreuve et… beaucoup de culpabilité. Nous leur vendons des indulgences, en quelque sorte ! »

Loin de délaisser les critères de performances traditionnelles, les grandes certifications resserrent constamment leurs exigences, notamment en termes d’économies d’eau et d’énergie. Au lieu de limiter la pression exercée sur les réseaux, on s’attend aujourd’hui à des performances nette-zéro, voir positives.

Le Center for Interactive Research on Sustainability (CIRS) de l’Université de la Colombie-Britannique prévoit une production d’énergie excédentaire de un million de kW par année grâce à des mesures passives, de la récupération de chaleur auprès du bâtiment voisin et la production d’énergie renouvelable. L’eau potable provient de la collecte des eaux de pluie et les eaux noires sont traitées et utilisées pour l’arrosage et les installations sanitaires. L’équipe de conception du CIRS sollicite à la fois la certification LEED Platine et Living Building Challenge.

« Les obstacles ne sont plus d’ordre technologiques ou financiers, affirme David Ramslie, gestionnaire en développement durable à la Ville de Vancouver, ils sont plutôt organisationnels et institutionnels. » L’homme en connaît un bout sur la question puisqu’il a veillé à la tenue des premiers Jeux olympiques carboneutres à l’hiver 2010. « Les chefs des départements de la municipalité ont rapidement réalisé qu’ils devraient mettre leurs ressources en commun pour y arriver », dit-il.

Alors que les gouvernements fédéraux se désintéressent des enjeux environnementaux, ce sont les villes qui prennent la relève et mènent la tendance en faisant appel à la mobilisation citoyenne et au sens moral de la population. « Elles réussissent en parlant d’emplois verts, de communautés vigoureuses, de revitalisation, d’économie propre, ajoute David Ramslie. Elles présentent le développement durable avec un vocabulaire positif plutôt que de tomber dans l’alarmisme et le pathos. »

Vancouver a mis en œuvre son plan d’action Greenest City pour être la ville la plus verte au monde en 2020. La Municipalité compte atteindre une réduction de 5 % des émissions de gaz à effet de serre par rapport à 1990, en dépit d’une augmentation de la population de 27 %. L’une des stratégies prévoit aussi la construction obligatoire de bâtiments carboneutres à partir de 2020.

Plus proche de nous, la Ville de Toronto s’est dotée d’un outil de mesure de sa propre santé environnementale : le Living City Report Card 2011. Les autorités et les citoyens peuvent s’en servir pour prioriser les interventions publiques, et ce, à travers six catégories thématiques : carbone, qualité de l’air, eau, matières résiduelles, aménagement du territoire et biodiversité. Pour télécharger l’outil : http://www.thelivingcity.org/lcrc4/

Les villes font en effet un travail admirable en prenant le relais des politiques fédérales et provinciales de développement durable. Il ne faut cependant pas se laisser distraire par les projets exemplaires au point de sous-estimer ce qu’il reste à accomplir. Afin d’assister à l’émergence de collectivités véritablement durables, l’adhésion et le soutien de tous les paliers de gouvernement seront cruciaux.

Par Léa Méthé, chargée de projets chez Écobâtiment