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Une conception de l’éclairage qui évolue

4 juillet 2019

Bâtiment durable Québec CHRONIQUE DE BÂTIMENT DURABLE QUÉBEC
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La sécrétion de nos hormones, la température de notre corps, nos périodes d’éveil et de sommeil suivent des rythmes circadiens [1].

Ces rythmes sont endogènes, c’est-à-dire qu’ils sont générés par notre organisme. D’autre part, il a été démontré qu’ils ne sont pas expliqués par le cycle lumière-obscurité de l’environnement, car ceux-ci persistent même chez des individus ou des animaux isolés dans l’obscurité complète pendant de longues périodes. Ceci dit, bien que la lumière n’explique pas les rythmes biologiques, elle a toutefois un effet très important sur leur régulation, et ce, sur une base quotidienne. Cette régulation s’effectue naturellement puisque notre corps extrait de son environnement des signaux qui informent notre horloge biologique. Parmi les synchronisateurs, le cycle lumière-obscurité demeure l’un des plus puissants.

Effets non visuels de la lumière

La recherche a montré que les effets non visuels de la lumière sur le corps étaient étroitement liés à l’exposition à une lumière présentant des caractéristiques spectrales différentes de celle causant une stimulation visuelle impliquant les photorécepteurs rétiniens bien connus que sont les cônes et les bâtonnets. En fait, la pointe de sensibilité circadienne de l’œil se situe dans la portion visible du spectre électromagnétique avoisinant 460 nanomètres, soit une lumière de couleur bleue. Une exposition à ce type d’éclairage en soirée, entre autres par le biais de l’utilisation d’un téléphone intelligent ou d’une tablette numérique, peut avoir d’importants impacts à court terme sur le sommeil.

Concrètement, la lumière bleue inhibe la production de la mélatonine, l’hormone du sommeil, retardant l’endormissement. On estime qu’une exposition de deux heures à la lumière bleue en fin de journée peut entrainer une baisse de la production de mélatonine de l’ordre de 20 %.

Lumière et santé

Ultimement, un sommeil perturbé peut entrainer un lot de complications : fatigue, troubles de concentration et de mémoire, risque augmenté d’obésité et de maladies métaboliques ainsi qu’un risque accru de dépression. Ajoutons qu’une forte corrélation entre des horaires de travail inhabituels impliquant une exposition à la lumière en période nocturne et le cancer a été observée, en particulier chez la femme pour le cancer du sein. D’autres cancers et d’autres maladies physiques et mentales seraient également potentiellement concernés [2]. En octobre 2007, le Centre international de recherche sur le cancer a d’ailleurs ajouté ce facteur à la liste des 58 agents ou composés « probablement cancérigènes », pour lesquels, en dépit de l’absence d’une preuve formelle des effets cancérigènes chez l’homme, les expérimentations animales sont déjà suffisantes pour justifier une telle classification.

Conception

Que ce soit en raison des avancées technologiques dans le secteur de la lumière DEL ou encore de la progression de la science relative aux processus de régulation de l’horloge biologique humaine, les designers, architectes et ingénieurs devront rapidement ajuster leur pratique en ce qui a trait à la conception de l’éclairage, peu importe son échelle (urbaine, bâtiment et aménagement intérieur) et son type (architectural ou simplement fonctionnel).

En aménagement intérieur, la sélection des sources d’éclairage artificiel caractérisées par un spectre d’émission complet (incluant aussi le bleu) permettra de stimuler la réponse circadienne pendant le jour, assurant ainsi un bon niveau d’éveil et un bien-être accru chez les occupants. En situation nocturne, une sélection de sources affichant une température de couleurs chaudes présentant un spectre davantage porté vers les couleurs orange et rouge permettra de minimiser les impacts négatifs de la lumière sur le sommeil.

 


1 Les rythmes circadiens sont des cycles biochimiques, physiologiques et comportementaux qui oscillent selon une périodicité d’environ 24 heures. La racine latine du mot circadien (circa, environ, et dies, jour) prend ici tout son sens, puisque c’est l’entrainement lumineux qui permet à notre horloge centrale de suivre avec précision l’alternance du jour et de la nuit.

Wang XS, Armstrong ME, Cairns BJ et al. (2011) Shift work and chronic disease: the epidemiological evidence. Occupational Medecine (London), vol. 61, no. 2, pp. 78-89.


François Cantin

Par François Cantin, M. Sc. Arch.
L’auteur est chargé de projet chez Coarchitecture, spécialiste des stratégies d’occupation et du confort de l’occupant au sein des environnements de travail, formateur pour le Centre de formation en développement durable de l’Université Laval ainsi que bénévole pour le Conseil du bâtiment durable - Québec (CBDCa-Qc).