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Créativité en milieu de travail

29 mars 2017

Bâtiment durable Québec CHRONIQUE DE BÂTIMENT DURABLE QUÉBEC
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Creativity is not a divine gift of a given person presenting certain abilities…

- Zhan Zhang

Pour plusieurs organisations, produire davantage, plus rapidement et avec moins de ressources est désormais insuffisant pour assurer leur pérennité[1]. Dans le contexte économique actuel, alors que plusieurs procédés manufacturiers ont été relocalisés à l’extérieur de nos frontières, les travailleurs de la connaissance sont quant à eux appelés à occuper une place grandissante. 

De ce fait, offrir des milieux de travail favorisant la créativité, essentielle à l’innovation, semble une approche incontournable pour une entreprise œuvrant au sein de marchés de plus en plus compétitifs. Plus facile à dire qu’à faire, entre autres, en raison de la complexité inhérente à la notion de créativité. 

Tel que l’exprime De Miranda[2], faire preuve de créativité implique une grande préparation, de la discipline et un effort conscient de la part d’un individu. En quelques mots, la créativité peut être définie comme étant la capacité d’une personne ou d’un groupe à aborder une situation donnée d’un angle nouveau, à jumeler divers concepts pour lesquels aucun rapprochement n’a été fait précédemment, à saisir une opportunité ou encore à générer des idées inattendues permettant de résoudre efficacement un problème[3].

Créativité étouffée

Encore aujourd’hui, bien qu’ils soient conçus avec soin et qu’ils parviennent à assurer la productivité des occupants, plusieurs environnements de travail font malheureusement abstraction de la dimension créative. Bien que la productivité demeure un facteur de réussite, il est faux de croire que les configurations spatiales qui la facilitent parviendront à en faire tout autant avec la créativité. Celle-ci est pourtant plus que jamais nécessaire pour avoir du succès en affaires dans la société du savoir actuelle. 

Alors que la productivité nécessite généralement des espaces et des installations standardisés et optimisés en fonction de l’exécution de tâches précises, la créativité se trouve bien souvent étouffée par de tels environnements. 

À la défense des concepteurs de ces espaces écrasants, force est de constater que par le passé, relativement peu de recherches se sont intéressées aux facteurs environnementaux influençant la créativité. Du moins, c’est ce qu’en conclut Zhang à la suite d’une recension exhaustive de la littérature portant sur le sujet. L’auteur constate qu’en raison de sa nature imprévisible, la créativité est souvent perçue comme étant difficile à étudier scientifiquement avec toute la rigueur que cela implique.

Stratégies influençant la créativité

Malgré tout, Zhang souligne quelques études[4,5] ayant démontré l’impact de certains facteurs environnementaux sur la créativité au travail. Le premier est l’encouragement à la créativité, soit la capacité des aménagements à contribuer efficacement au transfert vertical de l’information au sein d’une entreprise, en partant de la haute direction, en passant par les superviseurs, jusqu’aux groupes de travail et vice versa. Encore faut-il que cet aspect fasse partie de la culture et la vision de l’organisation !

Quand c’est le cas, de bonnes stratégies de conception peuvent inclure la mise en place d’environnements décloisonnés et visuellement perméables ainsi qu’une variété d’espaces propices aux rencontres et discussions informelles localisés en marge des lieux dédiés aux tâches nécessitant de la concentration. Le plus récent studio d’Ubisoft à Québec constitue un bel exemple d’écosystème de création déployant ce type d’approche.

Le degré de liberté offert aux occupants constitue un autre facteur influençant positivement la créativité en milieu de travail. Au-delà d’objectifs clairs, les personnes exerçant un métier créatif ont besoin d’autonomie afin de bien performer sur le plan professionnel[6].

Lorsque cela est possible, il peut s’avérer très avantageux de permettre à la force de travail de gérer son emploi du temps en plus de lui donner l’opportunité de s’approprier les espaces dont elle dispose. Concrètement, une telle appropriation implique un minimum de contrôle sur les paramètres physiques tels que l’éclairage naturel et artificiel, la ventilation mécanique ou naturelle, le chauffage, etc. D’autre part, la polyvalence et la disponibilité des locaux ainsi que leur flexibilité en matière de configuration permettront à tous d’optimiser leur potentiel créatif.

Si la complémentarité et la diversité des membres composant une équipe peuvent favoriser la créativité et la capacité à innover de cette dernière[7], il est logique de croire qu’un environnement de travail sera lui aussi performant dans la mesure où il pourra offrir une foule de possibilités tout en étant adapté aux besoins spécifiques de ses occupants et de leurs tâches.


[2] De Miranda, P.C., Aranha, J.A. et Zardo, J. (2009). Creativity: people, environment and culture, the key elements in its understanding and interpretation. Science & Public Policy (SPP), vol. 36, no 7, pp. 523-535.

[3] Stegmeier, D. (2008). Innovations in office design: The critical influence approach to effective work environments, NJ: Wiley.

[4] Amabile, T.M., Conti, R., Coon, H., Lazenby, J. et Herron, M. (1996) Assessing the work environment for creativity. Academy of Management Journal, vol. 39, no 5, pp. 1154-1184.

[5] Amabile, T.M. et Conti, R. (1999) Changes in the work environment for creativity during downsizing. Academy of Management Journal, vol. 42, no 6, pp. 630-640.

[6] West, M.A. (2000). Creativity and innovation at work. Innovative Theories, Tools, and Practices in Work and Organizational Psychology. Gottengen: Hogrefe & Huber.

[7] Jackson, S.E. (1996). The consequences of diversity in multidisciplinary work teams. In M. West (Ed.), Handbook of work group psychology, Chichester, UK: Wiley.

[1] Zhang, Z. (2011) Design Guidelines to Facilitate Creativity in Workplace, Thèse de doctorat, Graduate Faculty of Auburn University


François Cantin

Par François Cantin, M. Sc. Arch.
L’auteur est chargé de projet chez Coarchitecture, spécialiste des stratégies d’occupation et du confort de l’occupant au sein des environnements de travail, formateur pour le Centre de formation en développement durable de l’Université Laval ainsi que bénévole pour la section de Québec du CBDCa.