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Le PCI, bien plus que la saveur du jour !

14 octobre 2015

Centre de formation en développement durable CHRONIQUE DU CENTRE DE FORMATION EN DÉVELOPPEMENT DURABLE
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Quiconque s’intéresse au bâtiment vert a fort probablement entendu parler de processus de conception intégrée (PCI).

Plusieurs ont même participé à une ou plusieurs charrettes de conception intégrée. Le PCI fait tellement jaser dans le domaine de la construction que plusieurs se demandent si ce n’est pas qu’une mode passagère. Mais derrière tout ce bruit, qu’en est-il vraiment de ce mode de conception que l’on dit mieux adapté à la réalité des projets ?

Qu’est-ce que le PCI ?

Le PCI a été développé au cours des 20 dernières années par des architectes canadiens et américains qui souhaitaient se doter d’un processus collaboratif efficace pour la conception de bâtiments de haute performance, aussi appelés bâtiments verts.

Le PCI se démarque du processus traditionnel de conception en proposant une façon de travailler en collaboration entre les différentes disciplines. Traditionnellement (c’est encore la norme), le travail de conception est linéaire et fragmenté. Les différents intervenants (donneurs d’ouvrage, architectes, ingénieurs, entrepreneurs et autres spécialistes) apportent leur contribution de manière séquentielle et leur travail est réalisé le plus souvent en vase clos.

Lorsqu’un projet suit les étapes d’un processus de conception intégrée, les différents acteurs du projet sont conviés à participer à des charrettes. Celles-ci sont des ateliers de travail collaboratif qui permettent aux professionnels et aux autres parties prenantes du projet (utilisateurs, voisins, communauté élargie, politiciens, etc.) de se rencontrer pour échanger de manière productive afin de dégager une vision commune et des principes directeurs en lien avec le projet. Ces charrettes permettront également de remettre en question le programme, d’explorer différentes possibilités et d’identifier des synergies issues du travail collaboratif des différents intervenants.

La forme des charrettes ainsi que leur nombre varient en fonction de la complexité du projet et du climat de travail. Ainsi, on pourrait ne faire qu’une seule charrette de deux jours en début de projet afin de créer un climat de confiance entre les différents intervenants, préciser la vision et revoir le programme. On peut aussi varier le nombre, la durée et le thème des charrettes. Bref, ce n’est pas une recette, mais un processus dynamique que l’on doit adapter à chacun des projets.

Pourquoi le PCI est-il de plus en plus populaire ?

D’abord imaginé pour des projets de bâtiment verts, le PCI s’applique à tout type de projet d’infrastructure. Les processus traditionnels de gestion de projets se basent sur une planification en amont et une organisation linéaire du travail. La complexité des projets, l’impossibilité de tout prévoir et l’accélération des délais de construction rendent de plus en plus inefficaces ces façons de travailler qui ne permettent pas aux professionnels de s’adapter rapidement et de collaborer pour résoudre les problèmes. Le PCI est alors vu comme une manière efficace de mener des projets.

Cette tendance à adopter des processus plus adaptés à notre époque s’observe dans la plupart des domaines où plusieurs experts et professionnels ont à collaborer pour réaliser des projets. On n’a qu’à penser aux méthodes agiles pour le développement de logiciels ou encore à l’approche Lean pour le management et la production.

Quels sont les facteurs de succès d’un PCI ?

D’abord, il ne suffit pas de dire que l’on fait du PCI pour changer les choses ! Trop souvent, on maquille les façons de faire traditionnelles avec quelques termes à la mode et on se retrouve à participer à une « charrette de PCI » qui est en fait une réunion dont l’issue est prévue, avec un ordre du jour fixe et ne laissant pas de place à la création d’un climat de collaboration ni aux synergies.

Pour réussir à travailler différemment, il faut que la démarche soit appuyée par un ou une leader qui est en position d’autorité ou d’influence. C’est cette personne qui pourra maintenir le cap quand, particulièrement lors du démarrage du projet, les professionnels et autres participants se retrouveront hors de leur zone de confort et souhaiteront reprendre leurs bonnes vieilles habitudes. C’est aussi ce leader qui établira le cadre dans lequel le travail collaboratif et créatif pourra se dérouler, rendant possibles le questionnement du programme et l’intégration au projet des synergies qui pourront émerger du PCI.

Ensuite, pour assurer le bon déroulement du PCI et des charrettes, il est important de pouvoir compter sur de bons facilitateurs. Les facilitateurs sont des experts des processus de collaboration et de l’animation de rencontres. Leur travail consiste à assurer que chacune des étapes du processus est pertinente et contribue à créer un résultat positif. Lors des rencontres, ils adoptent une posture neutre et font appel à plusieurs outils de travail collaboratif pour créer un climat qui favorise les échanges, rendre visibles les consensus et assurer la convergence des discussions vers des décisions claires et partagées. Plusieurs architectes ont développé un savoir-faire en lien avec la facilitation, mais de plus en plus de facilitateurs professionnels peuvent aussi intervenir dans des PCI.

Enfin, pour tirer le plein potentiel d’un processus dynamique comme le PCI, il est important de pouvoir adapter en continu certains paramètres du projet et d’accepter de ne pas toujours tout contrôler. Or, le mode d’attribution des contrats publics, par la rigidité du programme qu’il impose ainsi que par la concurrence et la méfiance qu’il peut engendrer entre les professionnels est un frein important à l’adoption et au succès du PCI.

Que peut-on prévoir pour le futur du PCI ?

L’intérêt grandissant pour le PCI a comme conséquence que de plus en plus d’expériences positives sont vécues sur le terrain. Plusieurs importants donneurs d’ordres publics et privés se questionnent sur comment ils pourraient travailler plus souvent en PCI et cherchent à adapter leurs façons de faire en conséquence. Ceci amènera assurément une évolution dans la manière d’attribuer les contrats et de réaliser les projets.

Encore aujourd’hui, on aimerait bien avoir une recette magique qui permette d’assurer une réalisation de projets sans risques ni imprévus. Or, le propre de tout problème complexe est qu’aucune recette simple ne peut le résoudre de manière satisfaisante. C’est la collaboration, l’innovation et l’adaptabilité qui peuvent permettre d’apporter des réponses à ces problèmes que l’on rencontre de plus en plus souvent dans nos projets. C’est pourquoi le PCI est promis à un bel avenir. Et c’est tant mieux, tant pour le climat de travail qu’il permet de créer auprès des professionnels que par la qualité des résultats qu’il peut générer.

La prochaine fois que vous recevrez une invitation pour participer à une charrette de conception intégrée, assurez-vous d’abord que ce sera vraiment une rencontre de travail collaboratif et si c’est le cas, allez-y avec ouverture et curiosité. Ce sera peut-être le début d’une belle aventure !

Pour en apprendre plus sur le PCI : Zimmerman, Alex. 2006. Guide sur le processus de conception intégrée. Société́ canadienne d’hypothèques et de logement.18 p.


Par Jean-Sébastien Bouchard

Par Jean-Sébastien Bouchard, associé, En mode solutions, et formateur, Centre de formation en développement durable de l’Université Laval