Aller au contenu principal
x

Vers une évaluation intégrée du design urbain durable : exemple du secteur immobilier britannique

5 avril 2018

Bâtiment durable Québec CHRONIQUE DE BÂTIMENT DURABLE QUÉBEC
Consulter toutes les chroniques

Not Everything That Counts Can Be Counted.
- Albert Einstein

 

Les bâtiments durables ont connu une évolution notable avec 406 certifications LEED au Québec et 2 584 dans le reste du Canada pour l’année 20161. Toutefois, on ne peut en dire autant pour la certification Quartier durable LEED-ND, qui totalise actuellement six certifications au Québec et 36 dans le reste du Canada, et ce, depuis 20092

De toute évidence, il y a asymétrie bâtiment vs quartier dans l’intérêt de l’industrie quant à ces deux certifications. La plus-value d’un bâtiment LEED est beaucoup plus facile à chiffrer en termes monétaires, notamment grâce à l’économie d’énergie engendrée, ce qui a contribué à sa popularité. En effet, l’échelle plus complexe des éléments à intégrer au niveau du quartier LEED rend plus difficile l’expression de la valeur ajoutée de celui-ci en ces mêmes termes monétaires. Des éléments de réponses sont explorés dans cet article en se basant sur une étude britannique.

La firme britannique Trowers & Hamlins a mandaté la School of Built Environment de l’Université Oxford Brookes pour étudier le principe d’évaluation intégrée de la valeur immobilière. Publié en 2016, le rapport intitulé Highly Valued, Hard to Value explore les différentes voies possibles pour l’évaluation du design urbain durable.

Qu’est-ce qu’un bon design urbain ?

Dans un premier temps, le groupe de recherche a procédé à une analyse croisée de la définition d’un bon design urbain en se basant sur trois sources d’information : la perception du grand public par le biais d’un questionnaire diffusé par la plateforme gouvernementale YouGov, la perception des professionnels de l’immobilier et finalement une revue de la littérature scientifique à ce sujet. 

Une convergence des perceptions est observée. Ainsi, la qualité d’un bon design urbain peut se résumer comme suit : caractère, continuité, complétude, qualité du domaine public, lisibilité, adaptabilité, diversité, propreté, santé et sécurité, participation des parties prenantes, vitalité économique et génération de revenus3.

Quelle est la volonté de payer pour jouir ou éviter des éléments de design urbain ?

Plusieurs recherches se sont penchées sur la question à l’échelle de la propriété grâce à la méthode des prix hédoniques, surtout dans le secteur résidentiel. Cette méthode statistique porte sur la relation entre chaque attribut d’une propriété et son prix pour en déduire la volonté de payer pour un attribut donné. Ainsi, certaines caractéristiques influencent la valeur de la propriété à la hausse, comme la proximité d’arbres (+ 20 à 34 %)4, et d'autres à la baisse, comme une vue donnant sur un bâtiment multiétage (- 39 %)5.

En bref, les facteurs environnementaux considérés individuellement sont relativement faciles à évaluer dans le contexte où un attribut est comparable à un autre pour déduire la différence du prix. Cependant, l’accès aux données représente parfois un enjeu de taille. Alors que les données relatives aux prix de vente sont plutôt faciles à obtenir en Grande-Bretagne et au Québec, les informations en lien avec le prix de location sont moins accessibles, ce qui rend cette méthode caduque dans ces contextes. De plus, le traitement isolé des différents éléments se prête moins à la complexité de l’échelle du quartier.

Les certifications LEED-ND et BREAM Community dans l’évaluation immobilière intégrée

En réponse à la limite de la précédente méthode, le groupe de recherche a décidé d’aborder la question de façon intégrée en utilisant les certifications LEED-ND et BREAM Community. La difficulté d’assigner une valeur monétaire à des éléments qui ne font pas l’objet d’une transaction directe est abordée de deux façons. Premièrement, en utilisant des méthodes de monétarisation contingentes basées sur des questionnaires faisant ressortir la valeur attribuée aux éléments urbains6. Deuxièmement, en privilégiant une approche plus objective découlant des travaux de Cooper, Watkinson & Oskrochi (2010). Ces derniers ont démontré une corrélation entre la valeur monétaire, la perception des prix des maisons et l’analyse mathématique de la complexité visuelle de trois villes britanniques7.

 Les certifications LEED-ND et BREAM Community se sont avérées des outils adaptés à la structuration des éléments de conception et à la mise en place de références (Benchmark), ce qui faciliterait des analyses coûts-bénéfices. Ceci est très important dans le contexte où les promoteurs veulent se comparer aux compétiteurs et aux tendances du marché.

Le LEED-ND a été préféré au BREAM Community pour son caractère plus exhaustif. De plus, les auteurs ont suggéré la création d’un outil parallèle, le LEED-NV (pour Neighborhood Value). Ce dernier sera utile pour l’évaluation financière en amont des projets. Ceci pourrait changer le visage du développement immobilier.


François Cantin

Par Leyla Lardja, M. Sc. A. PA LEED-ND 
L’auteure est chargée de projet en développement durable chez Ædifica, spécialiste en certification de quartiers durables, en processus de conception intégrée et en outils d’analyse du cycle de vie économique, sociale et environnementale. Elle est également bénévole pour le Conseil du bâtiment durable – Québec.

 

RAPPORT D’ACTIVITÉS 2017. 
2 CaGBC (2018), http://leed.cagbc.org/LEED/projectprofile_EN.aspx (visité mars 2018)
3 Cabe Space (2005), “The Impact on Physical and Mental Health”, Exchange Organizational Behavior Teaching Journal
4 Cabe Space (2004), Green space strategies: a good practice guide, 1–22. 
5 Trowers & Hamlins (2016), Highly Valued, Hard to Value: Towards an integrated measurement of real estate development. 
6 Carson, R., & Hanemann, M. (2006), Contingent Valuation, In K. G. Mäler & J. R. Vincent (Eds.) (Vol. 2, p. 821–936 BT–Handbook of Environmental Economics), Elsevier. 
7 Cooper, J., Watkinson, D., & Oskrochi, R. (2010), “Fractal Analysis and Perception of Visual Quality in Everyday Street Vistas”, Environment and Planning B: Planning and Design, 37(5), 808–822.