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29 juin 2016
Par Marie Gagnon

Regard sur l’utilisation du béton dans la construction écologique. Applications et bénéfices.

Pierre angulaire des projets les plus audacieux, le béton est le matériau phare de l’architecture moderne. Pourtant, il n’a pas toujours eu la cote auprès des concepteurs. Longtemps confiné dans des fonctions strictement structurales, ce n’est qu’à partir de la Révolution tranquille que le béton, qu’il soit coulé ou préfabriqué, commence à s’imposer dans le paysage urbain du Québec. D’abord par sa polyvalence architecturale puis, plus récemment, par ses atouts environnementaux. Au point de constituer aujourd’hui à la fois la peau et le squelette de bâtiments comptant parmi les plus durables.

« Au cours des années soixante et soixante-dix, l’utilisation du béton à des fins architecturales était innovatrice, rappelle l’architecte Azad Chichmanian, associé chez Neuf Architect(e)s. Cette tendance coïncide avec l’apparition du béton préfabriqué. On l’a vu entre autres à Expo 67 et au Parc olympique. Ce sont des systèmes relativement économiques. Avec des panneaux préfabriqués, on ferme l’enveloppe en une seule étape. On élimine du coup l’intervention de sous-traitants et on réalise les travaux plus rapidement. »

Azad Chichmanian

Si Azad Chichmanian dit privilégier le béton dans les édifices en hauteur, il souligne du même souffle que ses bénéfices environnementaux le désignent tout autant comme matériau de choix dans les projets de bâtiment durable. À commencer par sa résistance à l’usure du temps, avec une durée de vie utile variant entre 60 ans et 100 ans. Puis par sa disponibilité régionale. « Dans LEED, on obtient un point si le projet inclut 10 % de matériaux de fabrication régionale, et un autre point si la proportion passe à 20 %, note-t-il. C’est des points vite gagnés avec le béton. »

Démonstration durable

Pour soutenir l’utilisation du béton dans le bâtiment durable, l’Institut canadien du béton préfabriqué et précontraint (CPCI) publiait en 2008 une analyse du cycle de vie (ACV) des produits de l’industrie. « C’était un premier pas vers la transparence et l’évaluation de l’empreinte écologique de nos produits pendant toute leur vie utile, du berceau au tombeau, dit le directeur technique de Béton préfabriqué du Lac (BPDL), Guy Tremblay. »

Guy Tremblay

Il précise que le CPCI a également été le premier dans l’industrie à obtenir une Déclaration environnementale de produit, ce document standardisé, vérifié par une tierce partie, qui fournit un bilan écologique détaillé sur l’utilisation des ressources, les répercussions sur l’environnement, comme les émissions de gaz à effet de serre, ainsi que la production de déchets.

« L’industrie du ciment cherche aussi à être plus verte, poursuit Guy Tremblay. On voit aujourd’hui des ciments qui incorporent jusqu’à 30 % de matières recyclées. Dans les produits structuraux, on voit des ajouts comme la fumée de silice, les cendres volantes ou le laitier de haut fourneau. En substituant une fraction du ciment par du métakaolin, on obtient un béton moins poreux avec un albédo d’environ 0,75. Au CHUM, on l’a utilisé sur certaines portions de toiture pour réduire l’effet d’îlot de chaleur. »

Économies multiples

Des avancées que salue également l’ingénieur Normand Lebœuf, qui y voit en outre une réduction de la pression sur les ressources. « À la Maison du développement durable, un projet certifié LEED Platine, on a utilisé des bétons dans lesquels jusqu’à 20 pour cent du ciment a été remplacé par des déchets issus d’autres procédés, indique celui qui est directeur de projet chez Pasquin St-Jean.

Normand Lebœuf

« Aussi, avec le béton, on peut faire des planchers très minces, de l’ordre de 260 millimètres d’épaisseur, fait-il valoir. Dans une tour, les planchers minces font gagner sur les hauteurs de plancher. Au bout du compte, on utilise moins de matériaux pour l’enveloppe mais aussi sur l’ensemble du projet. Certains éléments structuraux, comme les colonnes, les murs et les planchers, peuvent aussi être laissés à nu, ce qui représente encore une économie de ressources. Par contre, ses portées sont limitées, donc ça prend plus de supports, et tout ce poids va se répercuter sur les fondations. »

L’efficacité énergétique étant indissociable de l’architecture durable, cet inconvénient peut se transformer en avantage grâce à l’inertie thermique du béton. À condition d’en faire bon usage, prévient Azad Chichmanian. « La masse thermique du béton peut être poussée à plus d’un niveau pour réduire les charges de chauffage et, du coup, la puissance et les coûts d’achat et de fonctionnement des équipements mécaniques, mentionne-t-il. Avec un bon ensoleillement, le béton peut agir comme un mur solaire, en emmagasinant la chaleur pour ensuite la diffuser. »

De l’avis des trois experts, le béton est aussi un matériau stable et inerte ne dégageant aucun composé organique volatil autre que les gaz émis pendant sa cure. Il reste que le matériau n’est pas facile à modifier ou à remplacer une fois en place. « Pour éviter les problèmes futurs, il faut tout prévoir dès le début, insiste Azad Chichmanian. Parce que si les panneaux préfabriqués se remplacent plutôt bien, il en va autrement avec les éléments structuraux, qu’ils soient coulés ou préfabriqués. Comme on dit toujours, il faut mettre le bon matériau au bon endroit. On s’évite des soucis. »

Cinq avantages durables
  • Provenance locale : les constituants du béton se trouvant presque partout, le béton peut être produit à proximité de tout chantier, un minimum d’énergie est donc consommé pour son transport.
  • Économies de ressources : certains bétons intègrent des déchets ou des sous-produits industriels. Le béton usagé peut être recyclé à 100 % comme granulat dans les fondations routières et fournir de 45 à 80 % des granulats nécessaires à la production de nouveau béton.
  • Réapprovisionnement de la nappe phréatique : le béton drainant, les pavés de béton perméables et les dalles de sol alvéolées peuvent limiter le ruissellement de surface en permettant à l’eau de retourner à la nappe phréatique.
  • Durabilité : le béton résiste au feu, à l’eau, à l’usure, aux intempéries, à la pourriture et aux insectes. Une enveloppe de béton, qu’elle soit fabriquée de béton structural ou de panneaux structuraux ou architecturaux préfabriqués, pourra être conservée advenant la conversion du bâtiment.
  • Efficacité énergétique : les panneaux muraux préfabriqués de type sandwich offrent des résistances thermiques élevées et réduisent les charges en termes de CVC. Les plus grands panneaux supposent moins de joints d’assemblage, ils présentent donc moins de risques d’infiltration.