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Contrer les îlots de chaleur urbains

22 janvier 2015

Les îlots de chaleur urbains posent un problème de santé publique grandissant au Québec. D’où l’importance de s’y attaquer sur tous les fronts sans plus tarder.

Le réchauffement climatique est un phénomène global qui émane nécessairement de sources locales et catalyse des impacts locaux. Les hausses de température mesurées cet été encore aggravent notamment un problème de mieux en mieux documenté : l’effet d’îlot de chaleur urbain. Ces îlots se caractérisent par des températures estivales plus élevées, de 2 à 12°C, en milieux urbains que dans les zones rurales environnantes.

Il est aujourd'hui reconnu que cette différence de température est attribuable à l'environnement bâti urbain et qu’elle représente une menace pour la qualité de vie de la population. Si les autorités et les citoyens de villes comme Paris et Chicago l’ont réalisé avec des canicules qui ont causé plusieurs morts, les villes du Québec se doivent de prendre action pour pallier ces réalités climatiques.

Les principales causes reconnues des îlots de chaleur urbains sont les émissions de gaz à effet de serre, la perte progressive du couvert forestier dans les milieux urbains, l'imperméabilité et les propriétés thermiques des matériaux de construction, la morphologie urbaine et la taille des villes, puis la chaleur anthropique (créée par l'homme, par exemple avec le chauffage des bâtiments et le parc automobile).

Il faut noter que l’intensité des îlots de chaleur varie selon les jours et les saisons en fonction de la météo et de facteurs humains. Les plus grandes différences d’intensité sont enregistrées la nuit alors que la ville a accumulé davantage la chaleur du jour pour la diffuser graduellement ensuite. Des outils géomatiques permettent de cibler ce qu'on appelle les îlots de chaleur urbains de surface, par exemple grâce à l'analyse d'images satellites.

Le sujet préoccupe les scientifiques et les gouvernements puisque plusieurs recherches sont notamment menées à l'Université du Québec à Montréal, à l'Université McGill, à l'Université Concordia et à l'Institut national de santé publique du Québec pour mieux en comprendre les tenants et aboutissants, puis développer des outils prédictifs ou d'intervention.

Nous savons aujourd'hui que les principaux impacts des îlots de chaleur urbains sont la détérioration de la qualité de l’air extérieur, la détérioration de la qualité de l’air intérieur, la hausse de la demande en énergie et la hausse de la demande en eau potable. Ce sont donc notre santé et notre environnement qui sont touchés négativement par un phénomène que nous pouvons prévenir et combattre.

Situation au Québec

La zone géographique concernée au Québec par la problématique d’îlots de chaleur urbains est la partie sud de la province, qui est susceptible de connaître des épisodes de canicules estivales. Les principales villes touchées (sans ordre précis) sont Québec, Lévis, Trois-Rivières, Saint-Jean-sur-Richelieu, Drummondville, Sherbrooke, Montréal, Gatineau, Laval, Terrebonne, Saint-Jérôme et Longueuil, mais aussi les autres municipalités de leur région.

Le phénomène est donc loin d'être mineur ou unique à la métropole. Les villes québécoises doivent instaurer des mesures de lutte aux îlots de chaleur urbains et créer des zones de fraîcheur urbaines. De telles initiatives protègent la population en augmentant sa capacité d’adaptation à de tels phénomènes.

Parmi les mauvais exemples des dernières années, on enregistre à Terrebonne, à Boisbriand, à Candiac et à Brossard de nouvelles zones de chaleur intense. De grands développements commerciaux, comme le quartier DIX30 et les intersections d'autoroutes toujours plus achalandées, ont participé à cette escalade des températures qui aurait pu être limitée par la végétalisation et une planification plus soignée.

À Montréal, malgré de nombreux efforts, un Plan de verdissement et l'activité de Soverdi, qui travaille avec la ville à planter des arbres, le couvert forestier serait encore en diminution après avoir été historiquement réduit de près de 90 % sur l’île. Rien de bien rassurant.

Quelques exemples de réactions politiques positives sont venus d’arrondissements montréalais cette année. Ainsi, l’arrondissement Rosemont – Petite-Patrie annonçait en juin dernier vouloir mettre de l’avant différentes mesures au cours des prochains mois. Comme une réglementation exigeant l'installation de matériaux éconergétiques pour la construction ou la rénovation complète des toits plats résidentiels et inclusion d'un minimum d’espace de verdissement pour les stationnements du secteur ICI.

L'arrondissement de Verdun annonçait également au début de l’été dernier un programme triennal de verdissement, en collaboration avec Nature-Action Québec. Le programme Verdun fait sa fraîche vise plus précisément à augmenter le couvert végétal en mettant en œuvre des projets de murs végétalisés, de plantations d'arbres et de ruelles vertes.

Mesures de lutte

Nous pouvons regrouper les mesures de lutte aux îlots de chaleur urbains en quatre catégories : la végétalisation, l'aménagement urbain durable, la gestion des eaux pluviales et la diminution de la chaleur anthropique. Pour limiter les causes du phénomène et en réduire les impacts sur la santé et l'environnement, une stratégie efficace et complète devrait donc couvrir ces quatre aspects complémentaires.

Pour bénéficier de la fraîcheur que fournit un couvert végétal et ainsi créer des « îlots de fraîcheur », il faut donc élaborer une stratégie urbaine de végétalisation des stationnements et des bâtiments. Les plantes, ces recycleurs de carbone, sont une des clés maîtresses du contrôle climatique. Les terre-pleins végétalisés qui aèrent les stationnements, les arbres ornementaux qui projettent leur ombre et les toits verts qui coiffent les bâtiments sont quelques-uns des moyens de rafraîchir nos environnements construits.

Selon une étude réalisée par Ressources naturelles Canada, plus le pourcentage de surface végétalisé d'un site augmente, plus la température diminue, et ce, jusqu'à huit degrés. La végétation procure donc des avantages semblables à ceux des matériaux à albédos élevés, en plus de bénéfices pour la santé, la biodiversité et la gestion des eaux pluviales.

L'aménagement urbain durable requiert la conception et la construction d'infrastructures municipales qui limitent l'accumulation thermique (les gradients de chaleur de surface), qui limitent la prolifération du parc automobile et qui favorisent la végétalisation. Des rues moins larges, des arbres en bordure de routes, des matériaux à albédos élevés, des parcs plus nombreux et des transports en commun efficaces sont autant de moyens pour les municipalités d'investir dans un urbanisme véritablement plus vert.

La gestion durable des eaux pluviales s'avère aussi incontournable pour limiter notre impact sur cette précieuse ressource qu'est l'eau. Parmi les meilleurs moyens à notre disposition, comptent encore la végétalisation des sols et des surfaces, mais aussi l'installation d'autres revêtements perméables comme les pavés alvéolés. Des techniques de rétention par bassins et d'infiltration des eaux en tranchées sont d'autres exemples qui permettent de compenser pour de trop grandes surfaces imperméables sur les sites ; l'eau peut alors servir à irriguer la végétation.

Une des stratégies de lutte aux îlots de chaleur qui pose le plus grand défi est certes la diminution de la chaleur anthropique. Pour ce faire, une des deux principales mesures est de réduire la demande de chauffage et de climatisation des bâtiments ; par une meilleure isolation, des techniques de ventilation passives, des modifications de comportement des occupants et des gestionnaires immobiliers, etc. L'autre mesure est de réduire le parc automobile ; diminuer le nombre de véhicules, l'intensité du trafic et les contraintes en infrastructures de transport permettraient de freiner le dégagement de chaleur des véhicules en plus des émissions de gaz à effet de serre.

Défi collectif

Le climat local est influencé par différentes variables météorologiques comme la température, l’humidité relative et le vent, mais aussi par plusieurs causes de source anthropique qui favorisent l’émergence et l’intensification des îlots de chaleur urbains. Il revient donc aux institutions, entreprises et municipalités, tout comme aux particuliers, de faire des choix favorisant les gains de fraîcheur. Les bénéfices collatéraux de ces améliorations écologiques ne pourront que réduire les coûts sociaux que nous assumons tous.
Il s'agit bien là d'un défi collectif auquel nous faisons face et chacun doit faire sa part pour rendre notre environnement urbain plus vivable, plus viable. Le mauvais timing économique et autres objections ne peuvent tenir plus longtemps alors que la température monte, l'eau s'évapore et l'air se charge.

Un combat, quatre fronts

La lutte aux îlots de chaleur urbains doit être menée sur quatre fronts :

  • la végétalisation
  • l'aménagement urbain durable
  • la gestion des eaux pluviales
  • la diminution de la chaleur anthropique

 

Guide sur le verdissement

Le Conseil régional de l'environnement de Montréal a publié un guide sur le verdissement à l'intention des propriétaires institutionnels, commerciaux et industriels, et ce, spécifiquement pour contrer les îlots de chaleur urbains. Selon la directrice de l'organisme, Coralie Deny, le privé doit aussi faire sa part et cibler les stationnements comme des espaces d'interventions privilégiés. En partenariat avec l’Office municipal d’habitation de Montréal (OMHM), le CRE-Montréal offre aussi un nouveau service aux entreprises de Montréal, qui peuvent bénéficier d’un diagnostic gratuit sur le potentiel de verdissement de leur terrain afin de mieux évaluer les coûts de tels projets.

Projet pilote

Le Centre d'écologie urbaine innove en visant principalement les particuliers avec un projet de démonstration de verdissement des galeries et toitures à petit budget. Son président, l'architecte Owen Rose, précise que le projet réalisé cet automne sur le toit du centre a pour but de promouvoir les bienfaits des bacs de jardinage (comme ceux de Biotop et d'Alternatives) et de démystifier le recours aux plantes grimpantes. Selon lui, ce sont là deux solutions efficaces à la portée de la majorité des citoyens et adaptées aux bâtiments existants : elles ne nécessitent pas de modification de structure, mais fournissent fraîcheur, contrôle d'humidité et biodiversité entre autres avantages.