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4 juin 2010
Par Marie Gagnon

Pratiquer le greenwashing, sciemment ou non, c’est risquer d’entacher sa réputation. Et aussi de discréditer le mouvement vert dans son marché.

Le terme greenwashing vient de la contraction des mots green (vert) et brainwashing (lavage de cerveau). Il apparaît pour la première fois en 1991 dans le titre d’un article paru dans la revue américaine Mother Jones[1]. Greenwashing, écoblanchiment, désinformation verte… Peu importe le terme utilisé, la définition demeure la même. Il s’agit d’un procédé de marketing employé par une organisation dans le but de donner à l’opinion publique une image environnementale responsable. 

D’une manière plus précise, l’écoblanchiment se définit comme étant l’acte de transmettre au public de l’information qui est, dans le fond comme dans son expression, une présentation erronée des faits. À la limite de la publicité mensongère, donc, le greenwashing tend malheureusement à se répandre. De plus en plus d’organisations surfent sur la vague d’intérêt suscitée par le développement durable, s’attribuant ces valeurs pour mousser leur entreprise et leurs produits auprès d’un public cible. Dans la construction comme ailleurs. 

La face cachée

Spécialiste des stratégies d’affaires écologiques, Réal Migneault en sait quelque chose. « Prenons l’exemple d’une société internationale qui se targue d’être écologique parce ce que son siège social arbore une certification environnementale, mais dont les activités dans les pays en voie de développement sont à l’origine de désastres écologiques, quand elles ne conduisent pas à l’appauvrissement des populations locales, illustre-t-il. On voit tout de suite la contradiction dans le message. » 

Comme le greenwashing est souvent insidieux, voire invisible, il est par conséquent difficilement identifiable. « Il prend habituellement la forme d’affirmations vagues, à saveur écologique, poursuit le président de RPM Développement durable, une entreprise qui a pour mission de promouvoir l’adoption des principes du développement durable au sein des entreprises canadiennes. C’est le cas de l’entreprise qui vante l’absence de chlorofluorocarbures dans ses produits, alors que les CFC sont interdits depuis des années… » 

Dans l’univers du bâtiment, l’écoblanchiment prend un visage tout aussi trompeur. Que dire en effet d’un édifice qui met de l’avant des éléments de conception durable, comme des technologies faisant appel à une source d’énergie renouvelable, mais qui ne tient aucunement compte de la gestion responsable de l’eau ni de la santé et du bien-être de ses occupants ? Peut-on affirmer qu’il s’agit là d’un bâtiment vert, dont la conception colle aux principes du développement durable ? 

Pour l’architecte Daniel Pearl, associé-fondateur de l’ŒUF (Office de l’éclectisme urbain et fonctionnel), poser la question, c’est y répondre : « La notion de bâtiment durable va bien au-delà de la simple efficacité énergétique. Il s’agit d’un concept beaucoup plus large qui s’appuie sur trois piliers complémentaires, mais indissociables. À savoir la solidarité sociale, l’efficacité économique et la responsabilité écologique », rappelle celui qui est aussi professeur agrégé à la Faculté de l’aménagement – Architecture de l’Université de Montréal. 

Pour être compatible avec le développement durable, le bâtiment devra donc répondre à un besoin clairement identifié, s’avérer économique, sur le plan de sa construction et de son exploitation, et conduire au plus faible impact environnemental possible. Cette définition peut sembler une évidence, pourtant elle renferme un grand nombre d’exigences que l’on a trop souvent tendance à oublier et dont certaines peuvent s’avérer contradictoires. 

Si plusieurs des éléments évoqués ci-dessus font déjà partie de la démarche habituelle de l’architecte, les principes de la construction durable conduisent toutefois à une approche à la fois plus globale et plus systématique. « Il s’agit avant tout d’un travail d’équipe, qui met à contribution diverses disciplines et tient compte de divers facteurs socioéconomiques, observe Daniel Pearl. De plus, le bâtiment devra pouvoir évoluer en fonction des besoins futurs de ses occupants et laisser place à l’innovation technologique. » 

Pécher par ignorance

Partant, peut-on taxer de greenwashing toutes les publicités faisant la promotion de supposés bâtiments verts, mais qui ne correspondent pas en tout point aux critères de la construction durable ? Il faut ici nuancer, car les promoteurs qui tentent de mousser leurs ventes ou leurs prix de location en faisant référence à un sceau environnemental, par exemple LEED, ne se sont pas nécessairement mal intentionnés. 

Beaucoup le font par ignorance, car ils ne connaissent tout simplement pas la véritable définition du bâtiment durable. Cette méconnaissance se révèle notamment dans les publicités par des formules comme « conforme au standard LEED », alors que LEED n’est pas un standard, mais bien un système d’évaluation des bâtiments issu d’un consensus international. 

Cependant, le principal danger de l’écoblanchiment réside dans le fait qu’il discrédite la démarche écologique et minimise la nécessité de changer les comportements de consommation. En conduisant au scepticisme, le « vernis écologique » entrave l’essor même du développement durable. Voilà donc une pratique dangereuse dont il faut à l’évidence s’abstenir de pratiquer, au risque de se tirer soi-même dans le pied et de nuire à toute son industrie. 

[1] Source : Wikipédia

Cinq formes de greenwashing
  • Offrir des produits en les disant certifiés LEED, alors qu’il ne peut y avoir de sceau LEED sur un produit
  • Présenter ses produits comme étant écologiques, sans préciser la certification obtenue
  • Vanter l’absence de CFC dans ses produits, alors que ceux-ci sont interdits depuis des années
  • Affirmer vouloir réaliser un projet immobilier vert sans même s’être engagé dans cette voie
  • Dire d’un projet qu’il est conforme au standard LEED : ce n’est pas un standard, mais un système d’évaluation
Trois grands dangers
  • Perte de réputation dans son marché
  • Perte de crédibilité auprès des bailleurs de fonds et des partenaires
  • Risque de perte de revenus