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Matériaux à contenu recyclé : faire les bons choix

15 février 2017
Par Marie Gagnon

L’offre de matériaux et de produits de construction à contenu recyclé ne cesse de s’élargir. Mais encore faut-il savoir faire les bons choix.

Isolants thermiques et acoustiques, panneaux architecturaux, revêtements de sol… La liste des catégories de matériaux et de produits de construction intégrant aujourd’hui un contenu recyclé pourrait se décliner encore longtemps, très longtemps même. La bonne nouvelle : l’offre de telles composantes destinées aux bâtiments et à leur aménagement est plus que jamais abondante sur le marché, au plus grand bénéfice de la préservation des ressources naturelles ; le hic : il est plus souvent qu’autrement difficile de s’y retrouver et de faire des choix éclairés. 

Procédé visant la réintroduction de matières issues de la récupération dans la fabrication d’un produit, le recyclage est sans contredit une approche auréolée de vertus écologiques. D’une part, il participe à la préservation des matières premières vierges. De l’autre, il contribue à réduire la consommation d’eau et d’énergie ainsi que les émissions de gaz à effet de serre liées à la production industrielle. Sans oublier les tonnes et les tonnes de matières résiduelles qu’il détourne de l’enfouissement. 

« Beaucoup de produits et de matériaux destinés au bâtiment intègrent maintenant du contenu recyclé, constate Guillaume Martel, coordonnateur en développement durable au sein de la firme d’architecture montréalaise Provencher_Roy, mais ils sont bien loin de tous afficher la même valeur écologique. 

Certains sont issus d’un recyclage post-industriel, comme le gypse synthétique qui provient de la désulfurisation des gaz des centrales thermiques pour ne citer que cet exemple. « Certains intègrent une grande proportion de résidus de production internes, poursuit-il, alors que d’autres intègrent davantage de matières résiduelles issues de la récupération des déchets sur les chantiers ou de la collecte sélective. C’est sans compter que la teneur en contenu recyclé peut grandement varier d’un manufacturier à l’autre, diffère grandement de l’un à l’autre, tout comme la provenance des matières résiduelles utilisées. » 

Claude Maheux-Picard, la directrice technique du Centre de transfert technologique en écologie industrielle (CTTEI), observe pour sa part que si certains manufacturiers vont parfois se tourner vers les matières résiduelles pour des raisons économiques, il y en a aussi qui sont au premier chef motivés par des considérations écologiques. 

Ajouter de la valeur

Pour cette spécialiste, il ne fait aucun doute que la multiplication des bâtiments écologiques a beaucoup contribué à l’essor des matériaux recyclés. « On commence à sentir de plus en plus son influence, dit-elle. La demande est en hausse depuis 2010, mais je ne saurais la chiffrer. Une chose est certaine, le CTTEI a développé une expertise dans la mise en valeur des résidus industriels et on est de plus en plus sollicités par les manufacturiers. » 

Claude Maheux-Picard

Claude Maheux-Picard rappelle que le but n’est pas de recycler pour le simple plaisir d’intégrer des matières résiduelles dans les procédés de fabrication. Les produits de construction à contenu recyclé doivent en effet répondre à des normes de fabrication particulières. Et pour que l’exercice ait un sens, il faut aussi que le résidu, quel qu’il soit, apporte une valeur ajoutée au produit. Comme le latex incorporé au béton pour en augmenter la résistance aux cycles de gel et de dégel, un projet de recherche en cours au CTTEI. 

À cela s’ajoutent des exigences mécaniques et physiques qui peuvent par ailleurs limiter leur emploi dans le bâtiment. « On doit avant tout tenir compte de la durabilité et de la fonction du produit, surtout dans les projets à visée LEED, souligne Guillaume Martel. On ne va pas spécifier un matériau juste pour sa teneur en matières recyclées, ce n’est pas une course aux points. D’ailleurs, avec LEED v4, ce n’est plus seulement le pourcentage de matières qui compte, c’est la compréhension de l’impact réel de ce contenu sur le cycle de vie du produit. » 

En vigueur depuis le 1er novembre 2016, la dernière version du système d’évaluation LEED change en effet la donne en la matière. Jusque-là, seule la teneur en contenu recyclé était prise en compte dans l’attribution des points prévus aux crédits MR 4.1 et MR 4.2 de LEED 2009. L’équation était simple : soit le contenu recyclé devait constituer au minimum 10 % de la valeur totale des matériaux mis en œuvre dans le bâtiment, soit il devait atteindre au moins 20 % de cette valeur. 

De nouvelles règles

« Dans LEED v4, les produits à contenu recyclé se retrouvent maintenant ici et là, entre autres dans Divulgation et optimisation des matériaux – Approvisionnement en matières premières, avec le bois FSC et les matériaux rapidement renouvelables, indique la présidente du Conseil du bâtiment durable du Canada – Québec, Julie-Anne Chayer. Ce crédit tient toujours compte du pourcentage de matières recyclées dans le calcul, mais il ne met plus l’accent sur cet attribut. » 

Sous LEED v4, le contenu en matière recyclée participe également, quoique de manière indirecte, à l’obtention du crédit Divulgation et optimisation des matériaux – Déclaration environnementale des produits (DEP). Ce crédit inclut deux points, soit un pour la transparence et la déclaration des informations ; l’autre pour l’amélioration environnementale du produit. Et de la même manière, le contenu recyclé contribue au crédit Divulgation et optimisation des matériaux – Ingrédients des matériaux. 

Ces nouvelles exigences pousseront les manufacturiers à tenir compte des effets environnementaux de leurs produits au regard de certains critères, comme le potentiel de réchauffement planétaire, l'appauvrissement de la couche d'ozone, l'acidification des eaux ou l'épuisement des ressources énergétiques non renouvelables. Et ce, de l'extraction des ressources naturelles nécessaires à leur fabrication jusqu'à leur élimination. Autrement dit, ils devront effectuer l’analyse du cycle de vie de leurs produits et en publier les résultats au moyen d’un formulaire standardisé, la DEP, basé sur le protocole ISO 14025. 

Guillaume Martel

« Une DEP, c’est comme un bilan de l’empreinte environnementale d’un produit ou d’une famille de produits, illustre Guillaume Martel. Elle permet d’en comprendre les impacts environnementaux, d’en prendre conscience. Le but, c’est d’amener les manufacturiers à être le plus transparents possible en déclarant, entre autres, la provenance de leur contenu recyclé et les ingrédients qui composent leurs produits. » 

Une vision holistique

En somme, LEED v4 amène à repenser le bâtiment sur l’ensemble de son cycle de vie, jusque dans la sélection des produits et matériaux qui le composeront. « Avec la DEP, le manufacturier peut mettre en valeur ses initiatives écologiques à son usine comme dans ses processus d’acquisition ou d’approvisionnement énergétique », commente Julie-Anne Chayer, qui dirige également les relations d’affaires du Groupe Agéco, une entreprise de consultation en responsabilité d’entreprise. 

Julie-Anne Chayer

DEP ou pas, les concepteurs qui souhaitent intégrer des produits à contenu recyclé doivent tout de même faire preuve d’esprit critique s’ils veulent faire durables. D’abord en s’interrogeant sur la nature des matières recyclées. Le contenu interne, c’est-à-dire issu du procédé industriel servant à la fabrication même de ce produit, n’est pas considéré comme du contenu recyclé au regard de LEED. Ensuite, en s’assurant d’avoir des données récentes, car les sources d’approvisionnement de nombre de matériaux sont soumises aux lois du marché et peuvent changer rapidement. 

Par ailleurs, si ces changements ont été introduits au profit d’une plus grande transparence de la part des fournisseurs, ils posent un réel défi pour les industriels, qui devront s’y conformer pour voir leurs produits spécifiés. « Le risque, c’est que les architectes qui conçoivent des projets à visée LEED aillent s’approvisionner aux États-Unis, où les DEP sont monnaie courante, ajoute Mme Chayer. Mais on en voit de plus en plus au Québec. » 

Quatre bénéfices écologiques
  1. Diminuer la pression sur les ressources
  2. Réduire la consommation industrielle d’eau et d’énergie
  3. Restreindre les émissions de gaz à effet de serre
  4. Donner une deuxième vie à des matières autrement destinées à l'enfouissement

 

Quatre critères à considérer
  1. Le type de contenu recyclé : seuls les contenus préconsommation (matières issues d'un procédé industriel et réutilisées comme matières premières dans un autre procédé de fabrication) et postconsommation (matières issues de rebuts de consommation détournés de l'enfouissement et réintroduites dans un procédé de fabrication) sont reconnus comme des matières recyclées.
  2. La provenance du contenu recyclé : plus une matière voyage, plus son coût environnemental est élevé.
  3. La pertinence des données : la composition des produits est susceptible d’être modifiée suivant certains facteurs économiques ou logistiques.
  4. La durabilité : la performance globale des produits doit primer ; le bon produit au bon endroit…

 

Deux pièges à éviter
  1. Omettre de vérifier la nature des matières recyclées et leur provenance
  2. S'appuyer sur des données non actualisées

 

Trois nouveaux crédits LEED v4
  1. Divulgation et optimisation des matériaux – Approvisionnement en matières premières
  2. Divulgation et optimisation des matériaux – Déclaration environnementale des produits (DEP)
  3. Divulgation et optimisation des matériaux – Ingrédients des matériaux