Aller au contenu principal
x

Optimiser la résistance thermique de l’enveloppe

2 avril 2019
Par Marie-Ève Sirois*

L’enveloppe est au cœur de la performance d’un bâtiment à faible consommation énergétique. D’où l’importance d’optimiser sa conception sur le plan de la résistance thermique, mais aussi la qualité de son assemblage.

Selon la nature de ses composantes et l’entretien effectué au fil des ans, l’enveloppe d’un bâtiment aura une durée de vie effective pouvant varier de 50 à 100 ans, parfois plus. Par opposition aux équipements mécaniques, dont la plupart ont une durée de vie utile théorique oscillant entre 20 et 30 ans, le remplacement des composantes de l’enveloppe est complexe et onéreux. Mieux vaut donc miser sur la qualité, dès la phase de conception.

Dans le cas d’un bâtiment à faible consommation énergétique, la performance de l’enveloppe est non seulement un gage de durabilité, mais elle s’avère carrément essentielle pour atteindre les objectifs souhaités. Roland Charneux, directeur adjoint chez Pageau Morel, résume l’importance de l’enveloppe ainsi : « Pour réduire la puissance de chauffage et de climatisation installée dans un bâtiment, et par le fait même la consommation énergétique, il faut d’abord miser sur une enveloppe à haute résistance thermique. C’est la seule façon d’assurer à la fois le confort et la faible consommation énergétique. »

L’isolation accrue, la minimisation des ponts thermiques et l’étanchéité sans failles ne représentent pourtant que la pointe de l’iceberg. À cela, il faut ajouter la réalité de marché dans laquelle tout nouveau projet opère. « D’un point de vue architectural, rappelle Nadia Bini, directrice du développement durable chez Menkès Shooner Dagenais LeTourneux Architectes, nous ne travaillons pas sur une machine à économie d’énergie! Nos clients exigent que nous considérions l’esthétisme, l’usage, l’apport de lumière naturelle, mais également la rapidité d’exécution de même que les coûts de construction et d’exploitation du bâtiment. Le concept de l’enveloppe se trouve au cœur de ces considérations. » Voilà qui résume bien la série d’impératifs avec lesquels les professionnels doivent composer.

Animé par l’approche bioclimatique, Dominique Laroche, architecte chez BGLA Architecture + Design urbain, porte quant à lui un regard critique sur la nature des enveloppes érigées au Québec. « L’analyse du site est indispensable et trop souvent négligée, dit-il. Avant tout, il faut observer le lot et son environnement, optimiser l’orientation du bâtiment, puis positionner les ouvertures de manière à tirer profit du gain solaire thermique en hiver et prévenir la surchauffe en été. C’est pourtant simple, mais nous continuons à construire des ‘‘bâtiments-passoires’’ alors que nous sommes en climat nordique. » Selon lui, l’enveloppe de style international, très fenestrée, est omniprésente et inappropriée à notre latitude.

Ces propos rejoignent ceux de l’ingénieur Roland Charneux, qui voit une « inadéquation nette entre le mur-rideau et le bâtiment net zéro. La fenestration, affirme-t-il, c’est le talon d’Achille de l’enveloppe. » En effet, bien que l’on tente d’en optimiser la résistance thermique, la partie tympan du mur-rideau ne rivalise pas avec la plupart des murs. À ses yeux, l’apport solaire c’est bien, mais la tactique pour concevoir une enveloppe ultra-performante consiste à minimiser les pertes de chaleur par fuites d’air et les ponts thermiques tout en maximisant l’apport de lumière naturelle. Dans un bâtiment net zéro, les ingénieurs doivent avoir suffisamment confiance en la performance de l’enveloppe prévue pour réduire la puissance de chauffage et de climatisation à installer et ainsi aspirer vers un bilan carbone nul.

Il faut dire que le mur-rideau a l’avantage d’être sous la responsabilité d’un seul sous-traitant. Un mur traditionnel, composé notamment d’isolant, de revêtement extérieur et de fenêtres, reste plus complexe à surveiller, et le résultat final constitue le fruit de plusieurs intervenants. S’il y a un problème de coordination ou une déficience, c’est beaucoup plus difficile d’en attribuer la responsabilité à l’un d’eux.

Quant à la construction d’une enveloppe qui favorise l’atteinte d’une performance énergétique supérieure, Mario Gonçalves, directeur principal, Amériques et International pour UL CLEB science du bâtiment, demeure réaliste. « Avoir sur papier une enveloppe performante est une chose, dit-il, l’exécution des détails et la gestion des jonctions en chantier en sont une autre. Les budgets sont de plus en plus petits et il faut faire de plus en plus vite. ».

Voilà comment les détails d’étanchéité et la continuité des éléments se retrouvent parfois relayés aux oubliettes et laissés entre les mains des constructeurs. La performance de celle-ci devient donc fonction du soin que les divers sous-traitants y porteront.

Mise en service

Le moyen de mitiger ces risques est clair pour Nadia Bini : « La mise en service de l’enveloppe permet notamment de corriger les problématiques potentielles dès le début de la phase de construction. La modélisation et le processus de conception intégré peuvent également aider à construire une enveloppe digne du net zéro. »

Dans le cadre d’une telle mise en service, une réunion de démarrage avec tous les corps de métier est exigée au début du chantier. « On aborde les difficultés anticipées et on s’entend sur les solutions possibles, indique Mario Gonçalves. Il y a aussi les maquettes en laboratoire et les essais de performance en chantier qui permettent de valider la performance du concept. L’expertise des divers intervenants et les apprentissages du passé ressortent, ils sont partagés et discutés. Cela est très bénéfique pour le projet. »

Au passage, il rappelle les principes de base pour expliquer la démarche menant à une enveloppe performante. « Les principaux problèmes associés à la performance en service de l’enveloppe verticale de bâtiments sont reliés à des fuites d’air excessives et à des infiltrations d’eau, dit Mario Gonçalves. Ces problèmes sont souvent le résultat d’une installation et d’une fabrication inadéquate et d’un contrôle de la qualité insuffisant. »

Tel que le spécifie une étude publiée par un consortium composé notamment de UL CLEB[1], la résistance à la charge du vent, aux infiltrations d’eau/d’air et à la condensation doit être considérée en fonction de la hauteur, de la situation géographique et du type d’occupation. Les normes de l’AAMA[2], du NFRC[3] et celles établies par l’ASTM[4] doivent servir de guide à la conception et à la mesure de la performance.

Bien qu’il ait l’expérience du net zéro, notamment avec le projet de la bibliothèque de Varennes, Dominique Laroche apporte la nuance suivante : « J’adhère entièrement à cette approche ambitieuse, avec une démarche complète sur le plan de l’intégration au site et de la constitution d’une enveloppe étanche et bien isolée. Toutefois, ces objectifs ne peuvent justifier des choix qui ne sont pas écologiques. Le cycle de vie des matériaux, leur nocivité et leur provenance doivent être considérés tout aussi rigoureusement. »

Ce sont là des enjeux qui illustrent bien les choix difficiles qui doivent être faits par l’équipe de conception, puis mis en œuvre par l’équipe de construction. Fort heureusement, de nouveaux matériaux se démarquent de plus en plus par leurs vertus écologiques et leur qualité isolante. Et s’il faut faire quelques pirouettes pour atteindre le net zéro ou une performance énergétique supérieure, la démarche vaut son pesant d’or si elle permet de favoriser la qualité d’exécution, une intégration environnementale réfléchie et des forces motrices modestes.

*L’auteure est directrice d’Écobâtiment

 


1.Évaluer la performance en chantier des fenêtres et des murs-rideaux de bâtiments de grande envergure, Gonçalves, Patenaude-Trempe, Air-Ins, 2007.

2. American Architectural Manufacturers Association

3. National Fenestration Rating Council

4. American Society for Testing and Materials

Neuf bons conseils
  1. Inclure une mise en service de l’enveloppe dans le projet
  2. Utiliser la modélisation pour faciliter le dialogue entre les divers intervenants
  3. Effectuer des réunions de chantier, avec les fournisseurs et les constructeurs, pour notamment communiquer les objectifs de performance de l’enveloppe
  4. Diversifier les moyens de communication entre les membres de l’équipe de conception et celle de construction
  5. Miser sur une enveloppe ultra-performante et un bâtiment à faible consommation, puis, considérer l’option énergie nette zéro si, et seulement si, le site le permet
  6. Favoriser l’intégration de ressources et matériaux disponibles localement
  7. Lorsque l’échelle du bâtiment le permet, procéder à des tests de laboratoire sur le concept d’enveloppe choisi
  8. Valider la conception de l’enveloppe dès les premières étapes du chantier par des essais de performance en chantier
  9. Effectuer un contrôle de la qualité construite pendant toutes les étapes de construction

 

Sept pièges à éviter
  1. Sous-estimer l’importance des détails d’étanchéité
  2. Sous-estimer l’effet des ponts thermiques et des fenêtres sur la résistance thermique effective
  3. Installer des murs-rideaux sur les 4 façades du bâtiment
  4. Négliger les gains solaires thermiques estivaux
  5. Opter pour un bâtiment net zéro dans un environnement inadapté
  6. Choisir des matériaux hautement isolants sans considérer leur impact environnemental sur le cycle de vie du bâtiment
  7. Tenir pour acquis qu’une fois la conception terminée, la performance de l’enveloppe est assurée

 

Marche à suivre
  • analyser le site;
  • définir une orientation optimale;
  • positionner les ouvertures et spécifier le vitrage approprié;
  • sélectionner des équipements électromécaniques efficaces et dimensionnés adéquatement;
  • produire les détails d’étanchéité pour les transitions;
  • miser sur la qualité de l’exécution;
  • effectuer une mise en service de l’enveloppe.