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Utilisation innovante de l’aluminium dans l’habitation communautaire à Québec.

19 juin 2019
Par Léa Méthé

Deux projets d’habitation communautaire de Québec rivalisent d’ingéniosité sur le plan de l’intégration d’applications d’avenir en aluminium.

« Chaque fois qu’il y a une initiative de développement qui vise l’industrie de la construction, je me fais un devoir de vérifier si elle offre une opportunité permettant de bonifier nos projets », indique d’entrée de jeu Réjean Boilard, agent de développement chez Action-Habitation de Québec, le groupe de ressources techniques associé au projet Un Toit Vert et à celui de la Maison de Lauberivière. « Quand on a vu arriver la Stratégie québécoise de développement de l’aluminium, on travaillait déjà sur la Maison de Lauberivière. En logement social, on est toujours à la recherche des matériaux les plus durables, ceux qui nécessiteront le moins d’entretien possible. »

C’est ainsi qu’Action-Habitation de Québec a soumis des demandes visant l’intégration de parements extérieurs en aluminium auprès du Programme d’inclusion de produits d’aluminium novateurs. Administré par la Société d’habitation du Québec, le soutien financier est offert en complément du programme AccèsLogis Québec.

Le Panneau Québec

La Maison de Lauberivière accueille depuis 1983 les personnes sans abri au centre-ville de Québec. Trois principes guident la conception du nouvel immeuble de l’organisme, qui s’élèvera à un jet de pierre de son ancienne adresse dans le quartier Saint-Roch. « L’immeuble doit être durable dans le temps, économique à construire et nécessiter le moins d’entretien possible pour que toutes les ressources de Lauberivière aillent à la prestation de services », explique Francis Fortin, architecte chez Lafond Côté. Si le choix d’un revêtement d’aluminium intégral semble contre-intuitif, puisque le matériau est relativement cher, l’équipe a rendu cela possible en travaillant avec le fournisseur Moulures Modernes pour développer un système de façade ventilée original selon plusieurs paramètres.

Inspiré de la tôle « à la canadienne », l’assemblage repose sur un panneau perforé et embossé pour former une agrafe du côté droit, et replié vers l’intérieur du côté gauche et en bas. Au lieu d’être clouées sur une fourrure de bois, les pièces sont imbriquées grâce à l’agrafe poinçonnée, puis vissées sur un profilé en Z retenu par une attache T-Clip au colombage métallique. Comme dans la technique traditionnelle, aucune attache n’est visible. Contrairement à celle-ci, toutefois, la solution est complètement modulaire; aucune coupe ni pliage ne sera réalisé sur le chantier.

Plutôt que d’opter pour une peinture qui se détériorerait éventuellement, l’équipe a choisi l’anodisation. Ce procédé d’oxydation contrôlé, réalisé par électrolyse, protège le métal contre les agents de détérioration, tout en conservant son potentiel de recyclage en fin de vie. L’alliage d’aluminium retenu est 30 % plus économique que l’alliage standard et contient du chrome et du magnésium, et l’anodisation de ce mélange confère une teinte gris-vert plus chaude au matériau. De subtiles variations de teintes lui donnent aussi un aspect patiné qui continuera de se bonifier avec le temps.

Image de Côté Lafond architectes

Le revêtement ainsi obtenu constitue une véritable armure pour protéger l’institution et ses occupants. L’ensemble a fait ses preuves, subissant une batterie de tests au laboratoire de UL à Varennes; de -32  degrés Celsius à +80, en pression négative et positive et en simulation de vent et pluie pendant 2 000 cycles.

« Pour le plaisir, une fois les tests terminés, on a réglé l’équipement de test à la pression maximum. L’assemblage a tenu bon, c’est dire », se félicite Francis Fortin, coconcepteur du panneau. Pour Lauberivière, c’est un revêtement auquel on prédit 50 ans de vie utile, et même plus, sans entretien ». Le Programme d’inclusion de produits d’aluminium novateurs contribue pour 792 185 dollars au projet, ce qui représente environ 40 % du coût de la fourniture et de l’installation du revêtement.

« Ce panneau-là est bien conçu et attrayant. On n’aura pas de difficulté à trouver d’autres projets auxquels l’intégrer », affirme Richard Vermette, responsable des ventes chez Moulures Modernes. Le fabricant, qui a travaillé de concert avec les architectes, a baptisé le produit final Panneau Québec afin de refléter sa conception locale et sa facture rappelant la technique traditionnelle.

 Le nouveau revêtement d’aluminium a par ailleurs obtenu l’assentiment du comité d’urbanisme de la Ville de Québec, qui veille rigoureusement à l’acceptabilité visuelle des projets de construction dans l’arrondissement historique listé au Patrimoine mondial de l’UNESCO. Pour égayer la façade, une autre application originale de l’aluminium a été retenue; les fenêtres des espaces communs sont protégées du soleil et des regards à l’aide de voiles d’aluminium. Une multitude de perforations laissent ainsi filtrer la lumière et révèlent des silhouettes humaines. Le design est l’œuvre de l’artiste André Dubois.

Impression de ciel bleu

Pour le projet d’habitations collectives Un Toit Vert, dans le quartier d’Estimauville, l’architecte Anne Côté, associée de Lafond Côté, souhaitait donner une impression de légèreté au corps de bâtiment sud, juché sur de hautes colonnes. L’idée d’un revêtement à effet miroir qui refléterait le ciel a bientôt cédé la place à une solution plus originale encore. Et c’est là qu’est entrée en jeu la compagnie Dizal, qui réalise des impressions numériques haute définition sur du déclin d’aluminium pour donner un effet « bois » réaliste à un matériau plus résistant aux intempéries et plus prisé pour des applications commerciales.

Or, l’imprimante quatre couleurs process utilisée pour reproduire le grain et la couleur du bois peut rendre n’importe quelle image, comme on le ferait sur du papier. « Nous nous sommes adressés à Dizal pour savoir s’ils étaient en mesure de nous produire un ciel bleu », relate Anne Côté. L’entreprise a répondu par l’affirmative. La première itération de la couleur, trop franche au goût des concepteurs, a été corrigée sur l’ordinateur et l’impression test a été réalisée à la satisfaction de l’équipe.

Comme le système est destiné à créer des textures et non des images de grande envergure, il n’était pas pratique de chercher à reproduire sur le parement la photo d’origine : un ciel bleu parsemé de nuages translucides. L’image sera imprimée à répétition sur un canevas comprenant neuf pièces de déclin, mais les morceaux seront assemblés dans le désordre. Le résultat promet un ciel d’aspect impressionniste, plus sobre et réaliste que l’effet « papier peint » d’une impression format géant. Pour cette intégration inédite, le projet Un Toit Vert touchera un appui financier de 246 365 dollars.

Avec la Stratégie québécoise de développement de l’aluminium, le Québec veut favoriser la croissance et le rayonnement de tous les maillons de la chaîne de valeur de l’aluminium, et promouvoir son rôle de chef de file en production d’aluminium primaire à faible empreinte carbone. Une somme de 33 millions de dollars est assortie à la mise en œuvre de la Stratégie entre 2018 et 2021. AluQuébec est le porteur de cette mission et a conclu des partenariats avec la Société québécoise des infrastructures et la Société d’habitation du Québec pour promouvoir les applications innovantes de l’aluminium dans le cadre de son chantier d’affaires Bâtiments et construction durable.

Les défis

« L’aluminium est beaucoup utilisé en automobile; il faut aller plus loin pour que l’industrie de la construction soit elle aussi un moteur en incluant les produits d’aluminium au-delà des solins et garde-corps », affirme Réjean Boilard, d’Action-Habitation de Québec. Si le prix du matériau peut s’avérer dissuasif à première vue pour certains, il faut toutefois le mettre en perspective avec sa durabilité dans le temps. Par ailleurs, l’avènement de produits de revêtements modulaires dont l’installation se fait sans coupe ni pli permet des économies sur la main-d’œuvre qui relativisent elles aussi le coût de la matière première.

Les acteurs
  • Lafond Côté, pour l’architecture du projet de la Maison de Lauberivière
  • Lafond Côté et TERGOS, pour l’architecture du projet Un Toit Vert
  • Moulures Modernes, coconcepteur et fournisseur du panneau d’aluminium élaboré pour le projet Maison de Lauberivière
  • Dizal, fournisseur du déclin d’aluminium imprimé pour le projet Un Toit Vert
  • Action-Habitation de Québec, groupe de ressources techniques associé aux projets Maison de Lauberivière et Un Toit Vert : son rôle consiste à accompagner des organismes communautaires dans le cheminement et le développement de projets immobiliers. Il est l’interface entre l’organisme communautaire et la Société d’habitation du Québec qui finance ces projets par le biais du programme AccèsLogis Québec.