Aller au contenu principal
x
3 mai 2016
Par Rénald Fortier

L’aménagement écologique des aires de stationnement s’impose plus que jamais dans les milieux urbains.

Avec l’étalement urbain et les déplacements automobiles vient évidemment la construction de toujours plus d’aires de stationnement qui, elle, mène invariablement à l’imperméabilisation des sols. Une dynamique qui, loin de s’arrêter là, se répercute à la fois sur la santé publique et l’environnement. 

C’est que les stationnements de surface des immeubles commerciaux, institutionnels, industriels et multirésidentiels contribuent, avec les autres composantes de l’environnement bâti, à générer des îlots de chaleur qui s’accompagnent d’une détérioration de la qualité de l’air extérieur et intérieur, ainsi que d’un accroissement de la demande en énergie et eau potable. 

« La construction de nouveaux stationnements s’accentue au fur et à mesure que les terres agricoles sont construites, surtout dans les nouvelles banlieues, observe Juliette Patterson, associée de Catalyse Urbaine architecture et paysage. On a donc de plus en plus de grandes zones asphaltées qui génèrent des îlots de chaleur, qu’il est possible d’atténuer avec la plantation d’arbres feuillus, et empêchent les eaux de pluie de percoler jusqu’à la nappe phréatique.

Verdir les stationnements - Photo de René-Claude Senécal

« De plus, ce sont des eaux contenant notamment des métaux lourds, de l’huile et de la poussière qui vont ainsi être dirigées à l’égout et, en bout de ligne, dans les ruisseaux et les rivières, poursuit l’architecte et architecte paysagiste montréalaise. Il importe donc de les gérer sur place au moyen d’infrastructures durables, comme des jardins de pluie et des pavages laissant percoler l’eau pluviale. » 

Pierre Dagenais, directeur des opérations d’Aménagement Côté Jardin, abonde dans le même sens. « L’intégration de végétaux se pose certainement comme la solution à privilégier. Et elle peut aussi être combinée avec des stratégies telle l’utilisation de pavés drainants qui permet de retenir les eaux sur le site et de les laisser percoler pour recharger la nappe phréatique », dit-il, en citant au passage des systèmes tel celui développé par Techo-Bloc. 

Gestion optimale

Pour Mario R. Gendron, associé principal de la firme de génie civil Vinci Consultants, la solution aux problèmes que posent les stationnements en milieux urbains passe nécessairement par des aménagements extérieurs s’articulant autour du recours aux pratiques optimales de gestion des eaux de pluie (PGO) : cellules de biorétention, noues plantées, tranchées d’infiltration, bassins secs, bassins d’eau… 

« Il faut éviter de prendre la grosse pluie et de s’en débarrasser, indique-t-il. Il faut faire comme la nature et la retenir, la réinfiltrer et réalimenter la nappe phréatique. Mais il faut nécessairement traiter ces eaux-là parce qu’elles sont polluées en milieu urbain. 

« Les PGO sont justement des stratégies qui contribuent non seulement à la rétention des eaux sur le site, ajoute-t-il, mais aussi à leur traitement naturel avant qu’elles ne soient en partie rejetées à l’égout. Car elles permettent l’enlèvement des polluants qui, provenant de la circulation automobile, sont drainés par les eaux de ruissellement. Des substances nocives comme des sels de déglaçage et des hydrocarbures, qui peuvent avoir une incidence néfaste sur la qualité de l’eau et l’habitat aquatique. » 

Verdir les stationnements - Photo de Vinci Consultants

Selon l’ingénieur montréalais, il en coûte même moins cher d’aménager un tel stationnement vert par rapport à un autre construit en mode traditionnel. Il explique : « C’est une solution qui est plus rentable sur le plan économique, et on peut le démontrer, parce qu’elle nécessite moins de conduites et à une moins grande profondeur puisque l’on intervient en surface. Aussi, elle requiert notamment moins ou pas de regards pluviaux, de puisards et de raccordements de conduite. » 

Il note que les PGO peuvent fonctionner tout au long de l’année. Mais il faut donc éviter que le sol ne se colmate, sinon le drainage ne sera plus efficace. Pour ce faire, il faut utiliser un sol contenant suffisamment de minéraux et de matière organique pour assurer la survie des plantes. Les végétaux, eux, sont sélectionnés en fonction de leur tolérance aux variations d’humidité et aux contaminants.  

« On en est encore aux balbutiements, observe Mario R. Gendron, mais c’est la voie d’avenir. C’est une vague de fond qui s’en vient, car c’est l’une des rares façons qu’on a trouvée jusqu’à présent pour s’adapter aux changements climatiques. »

Bénéfices écologiques

Juliette Patterson, de Catalyse Urbaine, expose cinq avantages découlant de l’aménagement d’une infrastructure verte dans les stationnements :

  • la gestion des eaux de ruissellement se fait en surface et à moindre coût, donc, puisqu’elle évite la mise en place d’une infrastructure souterraine ;
  • l’eau est traitée sur le site plutôt que d’être dirigée avec des polluants dans les ruisseaux et les rivières ;
  • les eaux de ruissellement peuvent percoler pour recharger la nappe phréatique ;
  • le verdissement du stationnement permet d’y réduire la température et d’atténuer le phénomène d’îlot de chaleur urbain.

 

Guide du BNQ

Le Bureau de normalisation du Québec (BNQ) a produit, en 2012, un guide visant à contrer la formation d’îlots de chaleur urbains dans les aires de stationnement. Cette norme fournit des lignes directrices et des recommandations pour améliorer la performance thermique de ces espaces. Cet ouvrage, intitulé Lutte aux îlots de chaleur urbains – Aménagement des aires de stationnement – Guide à l’intention des concepteurs, est disponible sur le site web du BNQ.

 

Faire les bons choix

Vouloir planter des arbres pour ombrager un stationnement est une chose, sélectionner les végétaux en est une autre. Pierre Dagenais, d’Aménagement Côté Jardin, conseille de choisir des arbres de 60 à 70 mm de diamètre. Pourquoi ? Tout simplement parce qu’ils pourront se remettre plus rapidement de la transplantation et croître, à coût qui se révèlera plus économique qu’un arbre de 80 mm. « Si on plante un arbre de 100 mm, il va peut-être être trois ans sans prendre de croissance », précise-t-il, en soulignant qu’il importe de sélectionner des arbres supportant autant le froid, la sécheresse que la pollution.