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27 novembre 2014
Par Marie-Ève Sirois

Une brique cultivée de manière hydroponique grâce à des microorganismes.

C’est une série d’essais et d’erreurs, échelonnés sur une décennie complète, qui a mené Ginger Krieg Dosier, architecte défroquée en chercheuse scientifique, à trouver la bonne recette pour fabriquer la brique bioMASON. Mais pourquoi tant d’acharnement à fabriquer un produit aussi commun qu’une brique ? Parce qu’aux yeux de cette inventrice, il est possible de retrancher quelques-unes des 800 millions de tonnes annuelles de gaz à effet de serre (GES) attribuables à la fabrication de briques sur la planète. 

La fabrication du ciment Portland est très énergivore. Et les briques d’argile requièrent quant à elles une certaine cuisson. Or, la brique bioMASON est façonnée à température ambiante, par les voies d’une culture hydroponique permettant la formation d’un biociment. La couleur de cette brique cultivée dépend du sable utilisé, puisque le biociment est plutôt transparent, voire laiteux. 

Ce matériau atypique est composé de sable qu’on encastre dans un moule, lequel est plongé dans une solution dont Ginger Krieg Dosier, fondatrice et directrice générale de bioMASON, se garde bien de dévoiler la recette. Ce qui est connu par contre, c’est que cette solution contient des bactéries, des nutriments, de l’azote et du calcium dissous. Le tout permet de créer les conditions favorables à la précipitation de carbonate de calcium sous forme de cristaux entre les grains de sable. Le carbonate de calcium est l’une des principales composantes des récifs coralliens, des coquillages et des calcaires. 

À l’origine, l’architecte a mis la main sur un livre traitant de biomimétisme, dans lequel on soulignait les propriétés de dureté et de résistance à la compression des coraux. Celle-ci n’a pu s’empêcher de voir tout le potentiel du carbonate de calcium pour l’industrie de la brique. 

« Les processus de fabrication des briques et blocs de béton sont tellement énergivores », note Ginger Krieg Dosier. En effet, le ciment est un matériau qui est chauffé à haute température pour atteindre le niveau de réactivité souhaité une fois hydraté. Or, les briques bioMASON ne nécessitent pas de chauffage à haute température. Et la cimentation ne prend que quelques jours à être effectuée puisqu’elle est une résultante de l’activité bactérienne. Dans les conditions appropriées, il y a moyen d’obtenir un grès calcareux, solide et résistant, qui aurait les propriétés requises pour être utilisé comme matériau de construction. 

L’entreprise, dont les opérations ont démarré en 2012, annoncera au cours des prochains mois la réalisation d’un premier projet pilote. « Le bâtiment est en cours de construction, confie l’entrepreneure. Cependant, nous souhaitons d’abord attendre les résultats finaux avant d’en dévoiler les détails. » 

Il y a donc des essais terrains en cours, mais aussi en laboratoire. Comme plusieurs normes doivent être respectées pour mettre la brique sur le marché, des tests standardisés, notamment ceux de l’American National Standards Institute (ANSI), sont présentement en cours. L’organisation de certification environnementale Cradle-to-Cradle a aussi été approchée. 

À moyen terme, l’équipe de bioMASON et ses investisseurs entendent dévoiler les propriétés mécaniques de leur produit. Ils souhaitent également voir leur méthode de fabrication être adoptée par des industriels issus du domaine de la maçonnerie. « Nous travaillons à développer un système qui pourrait s’intégrer aux usines existantes », affirme la femme d’affaires. Et ce, de sorte que la brique puisse être cultivée localement ; une avenue réfléchie et durable pour un produit dont l’énergie intrinsèque est déjà faible.

 

 

Distinctions
  • 2014 : L’entreprise bioMASON est nommée dans la liste des 10 entreprises en démarrage à surveiller en Caroline du Nord par l’Association technologique de la Caroline du Nord.
  • 2013 : Gagnant du prix Green Business Idea, décerné par le Postcode Lottery Green Challenge.
  • 2010 : Gagnant du prix Next Generation “The Big Fix", attribué par le magazine Metropolis

 

Notes sur Ginger Krieg Dosier

Architecte de formation, Ginger Krieg Dosier possède une scolarisation supplémentaire en science des matériaux et en microbiologie. Avant de fonder bioMASON, en 2012, elle a été adjointe à l'enseignement de l'architecture à l’Université de l’État de la Caroline du Nord (NCSU) et professeure adjointe d'architecture à l'Université américaine de Sharjah, aux Émirats Arabes Unis.