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Favoriser l’efficacité énergétique

27 mai 2015
Par Marie-Ève Sirois*

Regard sur les axes de recherche de la Chaire t3e de l’École de technologie supérieure. Et son avenir.

En février dernier, le magazine suisse Sustainabililty couronnait trois chercheurs de la Chaire de recherche industrielle t3e de l’École de technologie supérieure (ÉTS) du deuxième  prix pour le Best Paper Award in Sustainability pour l’article Sustainable Buildings : An Ever Evolving Target [1], paru en février 2011.

Le titulaire de la Chaire, Daniel Rousse, relate le processus ayant mené à cette publication : « Nous avons eu la chance d’être invités à soumettre un article alors que certains doivent payer pour être publiés dans cette revue. La parution de ce dernier, de même que le prix récemment offert, nous a conféré une grande visibilité. »

Cette visibilité est bénéfique pour faire connaître la Chaire auprès de futurs étudiants, pour mousser les relations internationales et pour développer des partenariats industriels. Voilà les éléments essentiels à la promotion d’un groupe de recherche.

Rayonnement électromagnétique
La Chaire t3e de l’ÉTS comporte trois axes de recherche, soit le rayonnement électromagnétique, le stockage de l’énergie et la bioénergie. Et chacun d’eux offre en partie des applications concrètes dans le domaine du bâtiment.

« En ce qui a trait au rayonnement solaire, nous testons des équipements à l’extérieur, de façon à étudier le rendement réel d’appareils exposés aux intempéries. Nous sommes forcés de constater qu’avec les nuages, le vent et la pluie, indique Daniel Rousse, l’efficacité annuelle de plusieurs capteurs solaires est plus faible que ce qui est obtenu en laboratoire. »

Et grâce à la caractérisation terrain de la performance de ces capteurs, on peut espérer des prévisions de production énergétique plus réalistes, voire des améliorations d’équipements solaires à plus long terme. Reste que ce constat, lié aux limites actuelles de la captation du rayonnement solaire, mène le chercheur beaucoup plus loin dans sa réflexion sur le bâtiment durable.

« Je suis d’avis qu’il faut d’abord réduire notre consommation énergétique, s’accoler à des normes inspirées de Passivhaus, miser sur l’approche solaire passive, tirer profit de l’inertie thermique de la masse, et même concevoir l’aménagement paysager en fonction du profil énergétique d’un bâtiment. Bref, lance-t-il, je promeus le terme sobriété énergétique. »

Pour le chercheur, la réglementation représente un enjeu majeur. « Les normes de performances énergétiques actuelles ne sont pas assez contraignantes. Nous pouvons construire des bâtiments qui consomment encore beaucoup trop d’énergie. »

Par opposition, l’Europe est très proactive en cette matière, notamment avec les réglementations thermiques françaises RT 2012 et RT 2020. Ces dernières ont pour objectif sous-jacent de réduire les émissions de GES, d’encourager le développement de technologies émergentes et de contribuer à l’indépendance énergétique nationale.

Daniel Rousse est d’avis qu’il serait souhaitable de formuler et d’appliquer des règles similaires au Québec, de façon à ce que la consommation énergétique d’un nouveau bâtiment soit limitée à un certain apport énergétique par unité de surface.

Stockage énergétique
Au Québec, l’énergie est abondante. Le rayonnement solaire est relativement intéressant, le potentiel éolien aussi. Et que dire de la ressource hydroélectrique ? De là, provient certes le fait qu’au Québec, on dissipe l’électricité dans une résistance thermique pour chauffer les habitations, voire des bâtiments commerciaux ou industriels.

À ce sujet, Daniel Rousse donne l’analogie suivante : « On peut démarrer un feu avec un paquet de 20 dollars (l’électricité), ou encore avec le journal de la veille (une autre forme d’énergie). Cela fonctionnera. Par contre, avec l’argent, on peut faire beaucoup plus que simplement le brûler. » C’est donc le message qu’il transmet à ses étudiants, qui ont tôt fait de saisir la « noblesse » de l’électricité.

L’axe de recherche du stockage énergétique est justement issu de l’enjeu du fort appel de puissance électrique causé par le chauffage électrique en période de froid intense. De manière générale, au Québec, nous avons toute l’électricité nécessaire pour assouvir nos besoins, mais en période hivernale, nous devons parfois en importer à grands frais.

Aux yeux du chercheur, le stockage thermique fait partie de la solution. Il explique : « Je rêve du jour où nous allons chauffer les résidences du Québec la nuit afin de délester la demande de puissance pendant les journées de froid intense. Pour ce faire, il faudra stocker de la chaleur pendant la nuit, pour ensuite la réutiliser pendant le jour. »

En ce qui a trait aux recherches effectuées à la Chaire t3e, il mentionne au passage trois éléments fréquemment utilisés pour le stockage thermique, soit l’eau, la brique et les matériaux dits à changement de phase dont la paraffine. La thermorégulation des batteries, qui fonctionnent de manière optimale à des températures données, est aussi l’une des sphères de recherche de la Chaire.

Bioénergie
Au lieu de dissiper l’électricité sous forme de chaleur pour chauffer des espaces, il existe également l’option de la bioénergie pour produire de la chaleur. La bioénergie est un terme qui englobe plusieurs formes d’énergie, notamment, la combustion de la biomasse et la biométhanisation. « En ce moment, observe Daniel Rousse, environ 10 % de l’énergie consommée au Québec est issue de la biomasse ; il faudrait augmenter ce ratio puisque les ressources sont présentes, au même titre que l’hydroélectricité. »

La bioénergie constitue elle aussi une solution qui permettrait de diminuer la demande de puissance sur le réseau hydroélectrique en période de grande demande énergétique, d’autant plus qu’elle peut contribuer à réduire les émissions de gaz à effet de serre.

Développement régional
Questionné sur l’avenir de la Chaire t3e, Daniel Rousse explique sa vision des chaires de recherche régionales dont la t3e constituait un exemple pionnier. « Une chaire de recherche régionale, dit-il, constitue un véhicule de développement quel que soit le sujet qu’elle aborde. C’est une réponse novatrice aux besoins d’une région en matière de recherche et de développement. »

Dans le cas de la Chaire t3e, elle était hébergée à Lévis par la région Chaudière-Appalaches et offrait des activités en ingénierie liées à l’énergie. Elle a participé au développement régional en formant localement du personnel hautement qualifié et en créant des entreprises qui devaient à leur tour se greffer physiquement dans le parc technologique de Lévis pour travailler en symbiose avec le groupe de recherche.

Au cours de la première phase de son existence, qui devait résulter en la création d’un centre de recherche, la Chaire t3e a effectué 77 réalisations en Chaudière-Appalaches et trois entreprises (Nexxenergie, Énergie Solutions Associés et Abscisse technologies) ont été fondées malgré le fait que les locaux de l’Innoparc-Lévis n’aient jamais été construits.

Par contre, l’absence de cette infrastructure a nécessité un réalignement des orientations et des activités mêmes de la Chaire t3e. De plus, le financement des partenaires locaux a été interrompu ce qui entraîne que, pour l’instant, l’avenir de la Chaire t3e est en suspens. Daniel Rousse a quitté le campus d’AgBiocentre de Lévis où il était hébergé temporairement pendant cinq ans et il est de retour à l’ÉTS, où il poursuit ses activités. 


*Marie-Ève Sirois est cofondatrice d’Écobâtiment

1. Yvan Dutil, Daniel Rousse et Guillermo Quesada