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L’installation solaire hybride du pavillon Alouette

26 janvier 2015
Par Marie-Ève Sirois*

La réalisation du pavillon universitaire Alouette, à Sept-Îles, aura été l’occasion de marquer une première mondiale en matière d’énergie solaire : la combinaison de concentrateurs cylindro-paraboliques à un système de production de froid à éjecto-compression.

Le tout nouveau pavillon Alouette du campus de l’UQAC à Sept-Îles fera certes tourner les têtes des chercheurs œuvrant dans le domaine de l’énergie solaire. Pourquoi ? Tout simplement parce que sa centrale solaire thermique conceptualisée, fournie et installée par Rackam, est sans égale dans le monde. 

On parle du système du pavillon Alouette comme une solution hybridée, composée d’une centrale cylindro-parabolique solaire thermique et d’un éjecto-compresseur. Ce dernier est un système de refroidissement bien particulier, développé par le centre de recherche CanmetÉnergie de Varennes. 

D’une surface de captation de 214 mètres carrés, la centrale solaire est constituée de 15 rangées de concentrateurs solaires paraboliques installées au toit du pavillon. Ces derniers fournissent en énergie solaire thermique une boucle fermée d’huile thermique, qui peut atteindre une température de 240 degrés Celsius si nécessaire. Cette boucle alimente le réseau de chauffage (80-90 degrés Celsius) de même que l’éjecto-compresseur (120 degrés Celsius) qui produit de l’eau refroidie pour la climatisation des espaces. 

Au pavillon Alouette, l’huile thermique de la centrale solaire est priorisée, peu importe le mode d’opération. En mode chauffage, on estime combler entre 50 et 90 % des besoins du bâtiment de 2 700 mètres carrés, où peuvent circuler entre 300 et 400 étudiants. S’il y a un surplus de chaleur, elle est utilisée pour recharger les puits géothermiques du site. 

Il faut dire que la récolte solaire est maximisée grâce à un système mécanique de poursuite solaire qui permet de positionner les capteurs au meilleur angle possible. Une fois le flux de rayonnement capté, il est ensuite reflété vers un point focal, ou se trouve un transformateur photo-thermique, qui transforme l’énergie lumineuse en chaleur. 

En mode climatisation, l’huile thermique est acheminée vers le système à éjecto-compression, qui fonctionne selon le principe de l’effet Venturi[1]. L’énergie thermique de l’huile permet de produire du froid avec une efficacité énergétique qui oscille autour de 30 %. L’excédent de chaleur est pour sa part redirigé vers les puits géothermiques, de la même manière qu’en mode chauffage. 

L’éjecto-compresseur

Jacques-Alexandre Fortin, ingénieur et coprésident de Rackam, fait la lumière sur l’éjecto-compresseur : « Ce type de machine date de 1850. On l’utilisait dans les locomotives. Et bien qu’elle soit relativement simple dans sa fabrication, elle recèle une intégration complexe. Nous travaillons avec des pressions et vélocités élevées. De plus, les fourchettes de température, la stabilité du système et le caractère physico-chimique de la technologie demandent un certain doigté dans sa conceptualisation. Le succès du système réside donc dans le bon dimensionnement géométrique du système.» 

Contrairement aux refroidisseurs à absorption, qui sont onéreux et complexes à utiliser et à entretenir, en plus d’avoir un très faible COP, l’éjecto-compresseur présente plusieurs avantages. « Plusieurs fluides frigorigènes peuvent être utilisés, affirme Jacques-Alexandre Fortin. Les coûts de fabrication sont plus bas, les rendements meilleurs et l’entretien minime. » Selon lui, le COP électrique d’un éjecto-compresseur peut varier entre 30 à 35. 

D’autre part, la grande pertinence de cette installation hybride réside dans l’arrimage entre l’offre énergétique et la demande en climatisation. Lorsqu’il y a un fort rayonnement solaire, les besoins de climatisation sont souvent à leur apogée. C’est pourquoi le projet de démonstration de Sept-Îles pourrait attirer des acheteurs de l’Australie, du sud des États-Unis, de la région méditerranéenne ou encore de l’Afrique. Et ce, parce que ce sont tous des endroits où les taux d’irradiation solaire sont importants, les coûts énergétiques élevés et les besoins en climatisation significatifs. 

D’ici à ce que Rackam implante cette solution hybride ailleurs dans le monde, un nouveau projet de démonstration pourrait bien voir le jour quelque part au Canada. « Je ne peux en dire plus pour l’instant, mais il nous permettra de travailler à diminuer les coûts de fabrication du système », confie son coprésident. 

Rappelons qu’au-delà des bénéfices reliés à la production énergétique et au caractère net positif que présente ce système hybride, il y a aussi quelques bénéfices environnementaux collatéraux. « Notre système utilise des espaces souvent non valorisés telle une toiture, note l’ingénieur. De plus, les concentrateurs de Rackam sont en grande partie composés d’aluminium, un matériau recyclable et réutilisable. »


[1] L’effet Venturi, du physicien italien Giovanni Battista Venturi, est le nom donné à un phénomène de la dynamique des fluides selon lequel il y a création d’une dépression dans une zone où les particules d’un fluide sont accélérées. Source : Wikipédia.

Marie-Ève Sirois est cofondatrice de l’organisme Écobâtiment

L’installation solaire hybride du pavillon Alouette
  • Production énergétique annuelle de 460 gigajoules (129 mégawattheures)
  • 100 kilowatts de puissance solaire thermique
  • 27 kilowatts de puissance de production de froid
  • 15 rangées de panneaux cylindro-paraboliques
  • 214 mètres carrés de surface de captation
  • 50-90 % des besoins de chaleur sont assurés par les équipements solaires thermiques
  • 50-80 % des besoins en refroidissement sont assurés par le solaire thermique