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Un ajout cimentaire en poudre de verre recyclé

21 décembre 2011
Par Rénald Fortier

Une innovation s’inscrivant dans une perspective durable : l’utilisation de la poudre de verre recyclé comme ajout cimentaire.

Spécialisée dans le tri des matières résiduelles domestiques, Tricentris s’affaire à ajouter une nouvelle corde à son arc de solutions environnementales : la commercialisation d’un ajout cimentaire blanc fabriqué à partir de fragments de verre recyclé. Ce produit novateur, qui consiste en une poudre de verre dont la finesse est similaire à celle du ciment, est issu d’une technologie développée par la Chaire de recherche SAQ sur la valorisation du verre dans les matériaux de l’Université de Sherbrooke.

Cette poudre de verre sera produite dans une usine de micronisation qui verra le jour sur le site du centre de tri de Tricentris à Lachute. Elle se distingue par une haute teneur en bioxyde de silicium amorphe lui conférant des propriétés pouzzolaniques, lesquelles font qu’elle réagit au contact de la chaux contenue dans le béton. Employée en remplacement du ciment dans des proportions pouvant aller de 20 à 30 %, elle peut être incorporée dans tous les types d’ouvrages et de produits en béton.

Parmi les avantages découlant de l’utilisation de la poudre de verre, Tricentris avance un gain d’ouvrabilité (étalement des coulis) pouvant aller jusqu’à 20 %, une réduction de 15 % des dosages d’adjuvants, une diminution des apports d’air et d’eau atteignant jusqu’à 40 %, une imperméabilité accrue du béton (jusqu’à 4,5 fois de gain) et un accroissement significatif de la résistance en compression à moyen terme.

Le recours à cet ajout cimentaire comporte aussi son lot de bénéfices environnementaux. Non seulement parce qu’il affiche un contenu recyclé 100 % postconsommation, mais aussi parce qu’il s’accompagne d’une réduction des émissions de GES – en raison de la non-production du ciment qu’il remplace – et qu’il ne dégage pas de composés organiques volatils. Sans compter qu’il permet de développer des produits de couleur pâle dont l’indice de réflectance solaire élevé contribue à la réduction des îlots de chaleur urbains.

L’incorporation de la poudre de verre au béton, indique Tricentris, peut contribuer à l’obtention d’un total de sept points LEED dans les domaines d’application suivants : aménagement écologique des sites ; matériaux et ressources ; et qualité des environnements intérieurs.

Précommercialisation

En vertu d’une licence d’exploitation obtenue de la SOCPRA (Société de commercialisation et valorisation de l’Université de Sherbrooke), à la fin de l’été 2010, Tricentris commercialisera la poudre de verre au Canada et dans le nord-est des États-Unis. Le produit devrait être disponible au printemps 2013, une fois la construction de l’usine de micronisation du verre complétée. La mise en chantier de cette installation, qui sera pourvue d’une technologie inédite, est souhaitée pour le printemps 2012.

« Nous en sommes à la phase de précommercialisation, indique Dominique Bégin, directeur de projet – usine de micronisation du verre chez Tricentris. Nous approchons des entreprises pour les sensibiliser aux avantages du produit et nous participons à différents projets afin d’avoir des applications concrètes pour la poudre de verre. »

C’est notamment le cas à la Maison du développement durable, haut lieu montréalais de la construction écologique, où une portion d’une dalle de plancher et un segment de trottoir sont constitués d’un béton incorporant de la poudre de verre. « Ces sections ont été instrumentées de manière à permettre un suivi du comportement du béton, note Dominique Bégin, comme nous le faisons actuellement pour tous les projets où la poudre de verre est mise à profit. »

L’utilisation du nouvel ajout cimentaire de Tricentris sera aussi largement mise en vitrine au nouveau centre de tri de l’entreprise à Gatineau, dont la construction doit être complétée au début de 2012. Du béton incorporant de la poudre de verre y a été utilisé pour couler des murs porteurs du bâtiment ainsi que les dalles de plancher des bureaux – environ 5 000 pieds carrés répartis sur deux étages, qui incluent également des granulats de verre. En tout, ce sont 150 mètres cubes de béton comportant le nouvel ajout cimentaire qui y auront été coulés.

« Nous y avons mis en place un mur témoin, note Dominique Bégin, composé de deux sections comportant notre ajout cimentaire de verre micronisé, dans des proportions de 10 et 30 %, et au centre desquelles se trouve une autre section témoin constituée avec une formulation de mélange de béton sans poudre de verre. Comme ces trois sections sont côte à côte, on peut constater la différence de fini entre elles.

Chacune de ces sections a été instrumentée pour voir comment les différents mélanges de béton vont évoluer dans le temps, notamment sur les plans du mouvement et du mûrissement. Les résistances en compression du béton de ces sections de mur sont aussi mesurées à intervalles réguliers.

Pour le directeur de projet de Tricentris, il ne fait pas de doute que la poudre de verre est vouée à un bel avenir, d’autant plus en raison de l’essor que connaît le bâtiment durable au Canada et aux États-Unis. « C’est un produit performant qui améliore les performances du béton et le rend plus durable, en plus d’offrir une valeur ajoutée sur le plan environnemental, conclut-il. Et c’est pourquoi nous voulons vraiment le commercialiser à grande échelle, ce qui n’a pas encore été fait nulle part dans le monde à ma connaissance. »

La poudre de verre

La poudre de verre est obtenue en broyant à une certaine finesse le verre récupéré. Lorsqu’il est incorporé au béton en remplacement d’une portion de ciment, le verre ainsi réduit en poussière se lie avec les éléments de chaux en vertu de ses propriétés pouzzolaniques. Depuis 2004, les travaux menés par la Chaire de recherche SAQ sur la valorisation du verre dans les matériaux de l’Université de Sherbrooke, dont Arezki Tagnit-Hamou est titulaire, ont permis de démontrer le potentiel d’utilisation de cet ajout cimentaire alternatif.