Aller au contenu principal
x

La décarbonisation du siège social de Lemay

27 novembre 2018
Par Sandra Soucy

Regard sur la démarche de décarbonisation menée au siège social de Lemay, Le Phénix, dans leSud-Ouest de Montréal.

Innovation et vision d’excellence constituent les pierres angulaires du Phénix, projet de conversion d’un bâtiment industriel vétuste qui désormais accueille le siège social de Lemay et de ses 350 employés. La métamorphose de pied en cap de l’immeuble construit dans les années 1950 en fait une figure emblématique en matière de conversion éconergétique. Avec dans sa mire une certification LEED Canada-NC Platine, le projet déploie d’un même élan des efforts en vue de l’obtention d’une consommation énergétique nette zéro et d’une empreinte carbone zéro.

Bien que ne payant pas de mine, l’ancien entrepôt, sis au 3500, rue Saint-Jacques à Montréal, représentait aux yeux de Lemay un endroit opportun pour y réunir sous un même toit ses deux bureaux. Son emplacement, favorisant l’accès aux transports en commun et aux transports actifs, allait contribuer à faciliter la mobilité des employés.

« En retenant cette adresse pour y accueillir son nouveau siège social, la firme d’architectes participe également à la réduction des gaz à effet de serre, ce qui, écologiquement, respecte les valeurs profondes de l’entreprise », souligne Hugo Lafrance, directeur, Stratégies durables chez Lemay. S’ensuit alors l’idée d’entreprendre une rénovation majeure et d’en faire un bâtiment haute performance qui saura valoriser l’importance de lutter contre les changements climatiques.

 Afin d’accueillir les premiers employés dans leurs nouvelles installations, une première phase a été entreprise pour assurer la rénovation du noyau et de l’enveloppe du bâtiment. Lemay invite la firme d’ingénierie MRA à participer à la conception intégrée, afin d’évaluer les diverses mesures à prendre quant à l’amélioration de l’enveloppe essentiellement constituée de briques et de béton. Cette imposante masse thermique dépourvue d’isolation fut l’objet de modélisations, à la suite de quoi il a été convenu d’y apporter plusieurs améliorations, dont du verre triple, des fenêtres ouvrantes et du chauffage par radiation.

La deuxième phase fut consacrée à l’aménagement des espaces intérieurs et à l’ajout d’éclairage à DEL à haut rendement afin de conférer une base des plus efficaces à l’immeuble de trois étages. Le Phénix peut maintenant recevoir la totalité de ses occupants ainsi que la firme d’ingénieurs ELEMA Experts-Conseils qui loge aussi à cette adresse.

 

De gauche à droite : Martin Roy, Hugo Lafrance

Phase de décarbonisation

La phase 3 du projet qui s’amorce, soit celle de décarbonisation, a au préalable fait l’objet d’une analyse complète de la totalité de la consommation énergétique du bâtiment avec les mesures énergétiques déjà mises en place lors de la phase 1. Suivant les mesures effectuées, alors que la totalité de la consommation d’énergie du bâtiment a été évaluée pour dresser un juste profil de la consommation, une analyse des solutions de production électrique a été entreprise afin de pouvoir combler l’énergie que le bâtiment consommait, même si cette consommation est relativement faible, c’est-à-dire, environ 75 kWh au mètre carré.

Aux solutions éconergétiques retenues, outre la production électrique par panneaux photovoltaïques mis sur le toit et sur la façade sud-ouest, s’ajoutent une récupération de chaleur qui sera produite derrière le mur-rideau ainsi que des films photovoltaïques apposés au mur-rideau. « Pour nous assurer qu’un maximum d’énergie produite sera utilisé, nous avons muni le bâtiment d’un système de stockage qui sert à emmagasiner de l’énergie électrique en plein été, par exemple, lorsque l’on produit plus d’électricité que nécessaire, précise Martin Roy, chargé de projet chez MRA pour la réalisation de la phase 3. Une partie du surplus sera accumulée dans les batteries lithium-ion et pourra être utilisée quand le soleil se fait rare ou quand la production photovoltaïque ne suffit plus comme au mois de décembre, par exemple. »

À cela s’ajoute un système d’accumulation thermique pour éviter les pointes de consommation de chauffage. Lorsque le bâtiment requiert moins de chauffage, ce système accumule de la chaleur, puis, en période de pointe alors que la demande est très forte, la chaleur emmagasinée prend le relais. De plus, un contrôle sophistiqué permet de prédire les journées d’ensoleillement favorisant la production électrique ainsi que les journées plus froides où le besoin en chauffage sera plus grand. Le tout pour mieux contrôler la production et l’accumulation afin que le bâtiment connaisse le moins de pointes possible.

Il ne faut surtout pas passer sous silence le fait d’utiliser un bâtiment existant qui permet de sauver beaucoup de carbone. « Les systèmes et le concept efficace ont déjà permis de réduire pas mal de tonnes de gaz à effet de serre, car le bâtiment est de deux à trois fois plus efficace qu’un bâtiment similaire. On peut donc parler d’une économie d’énergie de près de 80 %; les 20 % d’énergie consommée sur les 100 % seront produits sur place par les panneaux photovoltaïques, donc aucun carbone à cet endroit », note Martin Roy.

 

Résultats attendus

À la suite des évaluations et des mesures de pointe réalisées, les résultats attendus sont des plus prometteurs : « Le but réside dans le fait que le bâtiment, à l’aide de ses panneaux photovoltaïques, puisse produire autant d’énergie qu’il en consomme, soutient Martin Roy.  Vient ensuite un contrôle de la demande électrique du bâtiment. Présentement, la demande électrique en période de pointe se situe à près de 300 kWh. Avec le système d’accumulation thermique et le système d’accumulation électrique en place, la demande du bâtiment ne devrait pas dépasser 100 kWh ».

« Nous misons fortement sur le système de contrôle qui servira aussi d’interface usager afin d’avertir les gens sur la manière de se comporter pour atteindre l’objectif net zéro et pour améliorer leur confort, ajoute l’ingénieur. Il faut comprendre qu’une bonne partie de la consommation énergétique provient des usagers, avec l’utilisation des ordinateurs et autres appareils que l’on retrouve dans un bureau. Le système, par exemple, pourrait informer les usagers que l’utilisation des ordinateurs a causé une surconsommation et les mener, de ce fait, à changer leurs comportements. »

Un tel projet d’envergure comporte son lot de défis. « Outre le comportement des occupants sur lequel nous tentons d’intervenir adéquatement, l’autre défi réside du côté des opérations et consiste à instaurer un équilibre entre la production et la consommation d’énergie, ce qui implique que plusieurs réglages et suivis devront être effectués tout au cours de la première année, souligne Hugo Lafrance. Ces derniers temps, un certain nombre de projets ont tenté d’atteindre la consommation énergétique nette zéro mais, à ma connaissance, un projet de l’ampleur du Phénix, il n’y en a pas beaucoup. »

Ce projet sans précédent ouvre une voie novatrice et inspirante sur la façon de récupérer un bâtiment existant, au départ, plutôt mal en point, et où chaque étape a mené à une transformation jusque-là rarement ou jamais atteinte. « Ultimement, comme le fait valoir Martin Roy, il serait capital de démontrer comment il est possible de réaliser un bâtiment comme celui-ci, ici au Québec, et ailleurs dans le monde. »

Louis T. Lemay, président de Lemay, l’a bien dit : il s’agit d’un laboratoire. Et de ce laboratoire s’essaient tant d’innovations au niveau technologique comme au niveau social. Pour lui, il est clair que le Phénix permetta de démontrer « qu’il est possible de concevoir des projets immobiliers nets positifs dans un cadre financier standard au Canada. »

L'équipe du projet
  • Groupe Mach et Lemay, propriétaires.
  • Hugo Lafrance, directeur, Stratégies durables chez Lemay : il voit à tout ce qui se rapporte à l’organisation d’un projet en lien avec la certification carbone neutre et la certification LEED, et il coordonne également l’équipe de conception.
  • André Cardinal, l’un des associés principaux chez Lemay. C’est lui qui veille à la mise en œuvre du projet.
  • L’équipe Lemay : conception sur le plan de l’architecture.
  • Martin Roy et associés : firme responsable de la modélisation, de la conception des mesures éconergétiques et du système d’énergie renouvelable ainsi que de la mise en service et du suivi.
  • Elema Experts-Conseils : firme d’ingénierie responsable de la conception de la structure du bâtiment.
Les solutions éconergétiques
  • Enveloppe performante
  • Verre triple
  • Ventilation naturelle
  • Système de contrôle favorisant la lumière naturelle
  • Détecteur de mouvements
  • Éclairage à DEL
  • Aérothermie
  • Chauffage par radiation
  • Récupération de chaleur sur la ventilation
  • Récupération de chaleur dans le mur-rideau
  • Ventilation par déplacement découplée
  • Accumulation thermique
  • Accumulation électrique
  • Production d’énergie photovoltaïque
  • Système de contrôle avec détection de fautes
  • Interface usager permettant le contrôle individuel