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Les bioréacteurs à micro-algues intégrés au BIQ House

5 septembre 2013
Par Marie-Ève Sirois*

Zoom sur les bioréacteurs à micro-algues intégrés au parement de l’immeuble résidentiel BIQ House, en Allemagne. Une réalisation sans nulle autre pareille dans le monde.

Dans le cadre du concours de l’Exposition internationale du bâtiment (IBA) d’Hambourg, en Allemagne, des scientifiques, des architectes et des ingénieurs ont uni leurs efforts pour créer le tout premier bâtiment équipé de bioréacteurs en façade : le BIQ House. Réalisé entre décembre 2011 et avril 2013, ce projet pilote a vu le jour grâce à la participation de plusieurs partenaires publics et privés.

La firme Arup a notamment participé à l’idéation du revêtement de verre multicouche à l’intérieur duquel s’opère une culture de micro-algues. L’eau qui circule dans ce nouveau panneau, appelé Solarleaf, capte l’énergie solaire thermique, tout en servant de médium pour la génération de biomasse pouvant être utilisée pour produire du méthane.

Situé dans le quartier expérimental de Wilhelmsburg, l’immeuble abrite 15 unités dont la superficie varie entre 48 et 122 mètres carrés. Le bâtiment de 1 600 mètres carrés, répartis sur cinq niveaux, est certifié Passivhaus et affiche, en plus des bioréacteurs, plusieurs caractéristiques durables : concept architectural évolutif ; panneaux solaires photovoltaïques ; géothermie ; et exploitation carboneutre et exempte de combustibles fossiles.

L’équipe de conception, qui a amorcé ses travaux en 2009, souhaitait tester l’intégration des bioréacteurs à micro-algues aux systèmes d’un bâtiment : enveloppe, chauffage et production énergétique. Les bioréacteurs et leur tuyauterie ont été montés sur une structure d’acier fixée en saillie du parement principal du bâtiment, sur deux murs extérieurs, respectivement orientés sud-est et sud-ouest.

Jan Wurm, qui est à la tête du Groupe européen de recherche en matériaux d’Arup, souligne que « le panneau Solarleaf pourrait aussi servir de parement principal, ce qui permettrait de réduire les coûts de construction ». Le panneau peut être installé sur des bâtiments neufs ou existants, tous secteurs confondus : industriel, commercial, institutionnel ou encore résidentiel.

Le chercheur d’Arup précise l’origine du projet : « Au cours de ma carrière, j’ai notamment travaillé sur le verre structural et la dynamisation de l’enveloppe du bâtiment. Nous avons réalisé ce projet pour créer des façades multifonctionnelles, en synergie avec les besoins des utilisateurs du bâtiment. Les fonds du gouvernement allemand nous ont permis d’intégrer une technologie connue, celle des bioréacteurs, à une façade de bâtiment ; ce qui n’a jamais été fait auparavant. »

Grâce à un apport en dioxyde de carbone (CO2) et en nutriments, les micro-algues photosynthétisent les glucides sous l’effet des rayons du soleil. Le tout se déroule dans un écosystème aqueux, contenu dans les bioréacteurs connectés en série. Au fil du temps, la biomasse du circuit croît, puis est récoltée par filtration et flottaison dans un système centralisé. Selon la documentation fournie par Arup, le rendement massique par hectare des micro-algues est d’environ cinq à dix fois plus élevé que les plantes terrestres, notamment parce que ce sont des organismes unicellulaires.

Simultanément, le fluide circulant dans les bioréacteurs est chauffé par voie solaire thermique et peut atteindre 40 degrés Celsius. La chaleur captée est utilisée pour la production d’eau chaude domestique ou encore stockée vers un champ géothermique vertical, profond de 80 mètres.

L’implantation d’une technologie aussi nouvelle à même un projet de construction nécessite des ajustements techniques, fonctionnels et financiers. Jan Wurm, qui rappelle la nature expérimentale du projet, en fait candidement état : « Nous produisons plus de chaleur que prévu et c’est très bien. Par contre, les voies de transformation de la biomasse ne sont pas encore arrêtées. Entre la pharmaceutique, l’alimentation et la production de méthane, l’exploitant hésite.

« Le mieux serait de produire du méthane in situ pour la vente aux résidents du BIQ House, observe-t-il. Par contre, la faible quantité de matière première produite par le projet pilote altère la rentabilité de cette option. À plus grande échelle, ce sera différent. »

Un autre aspect précaire du projet concerne la chaudière au gaz naturel qui fournit le CO2 aux bioréacteurs. « La chaleur produite est réutilisée dans le réseau de chauffage, mais de meilleures sources de carbone pourraient être sélectionnées, indique Jan Wurm. Idéalement, l’utilisation de bioréacteurs en façade doit être réalisée à l’échelle d’un quartier. De cette façon, le volume de biomasse produite devient intéressant, la production de chaleur s’intègre dans un réseau de chaleur urbain et l’alimentation en carbone est optimale. »


* Marie-Ève Sirois est cofondatrice d’Écobâtiment

Le système

Fabricant : Colt International

Nombre de bioréacteurs : 129 (70 cm x 270 cm x 8 cm)

Surface de production : 200 mètres carrés

Nutriments utilisés : azote, phosphore et autres sels minéraux (traces)

Volume de liquide par bioréacteur : 24 litres

Production journalière : 15 g/m2 de biomasse sèche

Prévisions énergétiques annuelles du BIQ House :

  • production nette d’énergie sous forme de méthane : 4 541 kWh ;
  • production nette d’énergie sous forme de chaleur : 6 000 kWh ;
  • réduction de 6 t CO2 grâce aux économies d’énergie ;
  • séquestration de 2,5 t CO2 considérant le carbone consommé par les micro-algues.

Coût du bioréacteur du BIQ House : 500 000 euros

Efficacité de production selon la radiation solaire globale :

  • 8 à 10 % pour la biomasse ;
  • 38 à 40 % pour la chaleur.