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La boucle énergétique de l’écoquartier Angus

11 mai 2016
Par Rénald Fortier

Zoom sur le concept de la boucle énergétique du futur écoquartier Angus. Et sur les stratégies visant à optimiser sa performance.

C’est une boucle énergétique hors du commun qui sera déployée dans la foulée de la réalisation de la phase 2 du Technopôle Angus, à compter de l’automne 2016, à Montréal. Même qu’elle sera la première du genre au Québec à desservir un vaste écoquartier qui, comme celui qui y est projeté, s’articulera autour d’une mixité des fonctions – habitations, bureaux, commerces. Soulignons qu’une telle infrastructure énergétique est déjà en place dans le Faubourg du Moulin à Québec, un quartier à vocation principalement résidentielle celui-là. 

À terme, soit sur un horizon d’une dizaine d’années, le réseau de partage de l’énergie de l’écoquartier Angus sera appelé à répondre aux besoins des usagers des 15 immeubles qui seront construits sur l’îlot central du Technopôle. Des bâtiments qui regrouperont des habitations – cinq phases d’une centaine d’unités chacune – ainsi que des bureaux et des commerces de proximité, respectivement sur 450 000 et 32 000 pieds carrés. 

La mise en place de cette boucle relève du tandem d’entreprises montréalaises Énergère et ENGIE Services – jusqu’à tout récemment Cofely – sur la base d’un contrat d’impartition attribué l’automne dernier par la Société de développement Angus (SDA). L’entente englobe la conception, l’implantation, le financement, l’entretien, le maintien et la rétrocession de l’infrastructure au terme d’une période d’exploitation de 30 ans. 

La mise en œuvre d’un tel projet innovateur, parce que c’est bien de cela qu’il s’agit, n’est évidemment pas sans s’accompagner de grands défis. Au premier chef, à la phase de développement où le choix initial des solutions technologiques et opérationnelles ne laisse pas de place à l’erreur dans une perspective à long terme. 

C’est que les enjeux financiers sont grands, d’autant plus que le modèle contractuel implique un transfert de risque au niveau de la performance de l’infrastructure. « Nous devrons vendre l’énergie à prix concurrentiel sur le marché, tout en veillant au maintien de l’actif sur 30 ans, indique François Dussault, vice-président, affaires corporatives et opérations chez Énergère. Notre projet est commercialement viable, mais il est essentiel que nos solutions technologiques livrent leurs promesses, car nous allons le financer avec la performance énergétique. » 

Negar Farivar, directrice de comptes majeurs, développement commercial chez ENGIE Services, acquiesce d’emblée. « Il faut nécessairement veiller à optimiser les coûts d’entretien sur le cycle de vie, dit-elle, et donc faire les bons choix dès le départ. Parce qu’un équipement peut avoir un impact sur notre modèle financier s’il faut ou non le remplacer dans la durée du mandat. » 

Énergère, soulignons-le, sera à la fois en charge du financement, concepteur principal et constructeur de la boucle énergétique jusqu’à la livraison de chacune des séquences de développement. ENGIE, de son côté, verra à l’exploitation et à la maintenance du réseau, en plus d’assurer la continuité des opérations jusqu’à la rétrocession des installations. 

Concept technologique

Le concept élaboré par les partenaires pour répondre à l’appel de propositions qu’avait lancé au début de 2015 la SDA, à l’intention des entreprises retenues à la suite d’un appel de manifestations d’intérêt, s’articule plus particulièrement autour de deux axes : le recours à des technologies de thermopompage en aérothermie, d’une part, et à des solutions d’automatisation de pointe, d’autre part. 

Ce concept vise à favoriser les échanges et la récupération d’énergie à l’interne entre les utilisateurs de la boucle, de même qu’à minimiser les besoins de production. « L’essentiel du projet, note François Dussault, c’est de faire du déplacement avec des pompes à chaleur. On va prendre l’énergie au point A pour l’amener au point B, ce qui fait qu’on va refroidir un milieu et en chauffer un autre. 

Lorsqu’il y aura un déficit de chaleur dans la boucle, parce que les utilisateurs en extrairont plus qu’ils en rejetteront, les unités d’aérothermie et des chaudières au gaz naturel prendront le relais pour y injecter l’énergie requise. Et ainsi y ramener la température en équilibre. 

« L’un de nos grands défis, indique François Dussault, c’est de nous assurer de choisir les bons équipements de thermopompage, qui seront à la fois performants et fiables. Il faudra également adapter la technologie pour qu’elle fasse exactement ce que l’on veut et qu’elle soit extrêmement performante. Nous aurons donc aussi d’importants défis à relever sur le plan de l’automatisation. » 

Le directeur de projet d’Énergère signale que la boucle énergétique sera une infrastructure évolutive, de sorte que d’autres technologies pourront s’y greffer au fil du temps. Il pourra s’agir de technologies existantes qui deviendraient rentables, comme des technologies solaires, ou encore de nouvelles solutions qui feraient leur apparition sur le marché. 

Déploiement du projet

La boucle énergétique sera déployée au sous-sol des immeubles – généralement sans nécessiter la construction de tunnels ou de tranchées de service – au fur et à mesure de la construction de chacune des quatre phases de développement de l’écoquartier. Elle consistera essentiellement en un tuyau maître auquel seront greffés des points d’injection et d’extraction de l’énergie. 

L’installation du réseau nécessitera également la mise en place de salles mécaniques d’interconnexion dans les immeubles de bureaux et dans les immeubles résidentiels, de salles mécaniques résidentielles, de centrales de mécanique primaires en toiture et de centrales d’aérothermie. Ces dernières – on en comptera trois à terme – seront installées sur des bâtiments qui prendront forme dans les trois premières phases du projet. 

La mise en place de la boucle démarrera aussitôt que s’amorcera la construction des deux premiers immeubles de l’écoquartier, un résidentiel et un autre de bureaux, lesquels pourraient être mis en chantier l’automne prochain. 

Pour l’heure, Énergère s’affaire à ficeler l’obtention d’une subvention en provenance du Programme de soutien aux projets de développement urbain durable (DUD) d’Hydro-Québec. En même temps qu’elle continue de peaufiner le design technique de la boucle, de concert avec ENGIE Services. La conception détaillée devrait être entreprise sous peu. 

 

Énergie de pointe

Lorsque les thermopompes ne suffiront plus à maintenir l’équilibre dans la boucle lors des pointes de chauffage en hiver, deux solutions pourront être mises à profit pour y injecter la chaleur requise en fonction des conditions d’utilisation :

  • des chaudières [15] à condensation au gaz naturel d’une capacité de 2,5 millions de Btu/h chacune – des chauffe-eau à condensation au gaz naturel serviront aussi à élever la température de l’eau chaude domestique à 140 °F
  • ou des chaudières [4] électriques de 235 kW chacune

En période de climatisation, l’énergie excédentaire de la boucle sera rejetée à l’extérieur au moyen de refroidisseurs de liquide de type sec.

 

Idéation collective

C’est dans le cadre de la conception intégrée ayant mené à la confection du plan d’aménagement de la phase 2 du Technopôle Angus, un processus amorcé par la SDA à l’été 2013, qu’est issue l’idée d’y implanter une boucle énergétique permettant l’échange de chaleur et de froid entre les bâtiments. Outre la SDA, l’exercice réunissait Provencher_Roy (architecture et urbanisme), Pageau Morel (génie électromécanique), Pasquin St-Jean (génie structural et civil), NIP Paysage (architecture du paysage) et Groupe TEQ (expertise en construction).