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14 décembre 2011
Par Louise Legault

Éoliennes, capteurs solaires, géothermie… L’écocentre LaSalle, à Montréal, constitue une véritable vitrine démonstrative sur des technologies vertes du domaine du bâtiment.

Premier projet visant une certification LEED-NC, niveau Or, à être achevé par la Ville de Montréal, l’écocentre LaSalle comporte deux bâtiments d’un étage totalisant  5 300 pieds carrés, soit le bâtiment administratif (dont le sous-sol abrite les systèmes mécaniques) et le bâtiment de réemploi, où les Montréalais pourront se procurer certains articles usagés à bon prix. On y trouve aussi un édicule pour le dépôt des déchets d’équipements électriques et électroniques (D3E) et des halocarbures (réfrigérateurs, climatiseurs et déshumidificateurs).

« L’aménagement de l’écocentre a permis d’utiliser un terrain industriel enclavé de 1,38 hectare à faible potentiel, traversé par la voie ferrée du Canadien National », indique d’entrée de jeu Éric  Blain, chef de la division Soutien technique et infrastructure, Gestion des matières résiduelles à la Ville de Montréal. Le terrain présentait un certain nombre de défis : presque carré, pentu et aussi…venteux. Les bâtiments sont d’ailleurs situés sur un buton.

« Nous avons entrepris la conception en 2007, poursuit-il. Il a fallu s’y prendre à quelques reprises pour établir le tracé de la voie d’accès qui traverse la voie ferrée et implanter le centre de façon à maximiser le terrain. » Il faut savoir qu’un écocentre exige l’arrimage entre le trafic automobile (les usagers) et les camions, qui viennent récupérer les conteneurs. Tout tourne autour de la plateforme qui donne accès aux divers conteneurs où les usagers peuvent déposer les matières préalablement triées. 

« La réalisation du dernier écocentre remontait à 2003, explique Éric Blain. Les besoins en matière de récupération des déchets ont beaucoup évolué entretemps et l’écocentre LaSalle présente de nombreuses améliorations en ce sens. » L’écocentre LaSalle abrite 13 conteneurs pour le tri des diverses matières, que ce soit les matières recyclables, les pneus, les débris CRD ou les résidus verts. Il s’agit du seul écocentre ouvert aux petits entrepreneurs.

« Les conteneurs se déploient en cercle au bas de la plateforme, d’où ils peuvent plus facilement être récupérés », note Valérie Matteau, agente de recherches à la Ville. Une plate-forme qui est ronde, faut-il le souligner. « Nous avons tenu compte du fait que des utilisateurs arrivent ici avec la remorque du beau-frère et ne sont pas toujours habitués à ce genre de conduite », explique en imageant Alexis Caron-Dionne, chargé de projet à la Ville.

Un site difficile

Entreprise en août 2009, la construction s’est poursuivie sur deux années. Les travaux de décontamination ont été importants, le centre étant situé en bordure du canal Lachine, développé aux premiers temps de l’industrialisation. De plus, des analyses géotechniques ont déterminé qu’il s’agissait de remblai. « Afin de réduire le nombre de voyages, nous avons repositionné le sol sur le terrain dans la mesure du possible. Nous avons aussi compacté le sol et creusé les fondations profondément pour bien asseoir les bâtiments », note Éric Blain.

« Dans l’esprit du développement durable, explique Jean-Marc Latreille, architecte-paysagiste chez Planex, nous avons végétalisé le site en préservant les espèces existantes, notamment le long de la rue Saint-Patrick, et en procédant par ensemencement hydraulique d’espèces indigènes. Elles résistent bien à la sécheresse et n’ont pas besoin d’entretien ou d’arrosage. Il n’y a qu’à les couper à la faux à la  fin de la saison. »

Préférable aux aménagements durs, l’ensemencement hydraulique d’un mélange de graminées (aussi utilisé aussi sur les chantiers routiers) prévient l’érosion et stabilise les pentes, en plus de protéger les semences et de permettre aux boutures de s’enraciner. La Ville a aussi compensé les arbres pionniers sans grande valeur coupés sur le site, ce qui a donné lieu à la plantation d’une centaine d’arbres dans l’arrondissement LaSalle. « Nous avons profité d’une subvention du programme Clima-Sol du MDDEP », note Alexis Caron-Dionne.

Du côté des matériaux de construction, les concepteurs ont retenu des produits écologiques, de provenance locale de surcroît. Pour compenser le bitume de la plateforme et du chemin d’accès, ils ont opté pour des matériaux à faible réflectance, qui réduisent les besoins en climatisation et l’effet d’îlot de chaleur urbain. Les bâtiments ont été orientés en fonction du vent et de l’ensoleillement et les architectes ont joué la fenestration, plus grande.

Quoiqu’il s’agisse d’un bâtiment semi-industriel, les concepteurs en ont soigné la facture et retenu le cercle (dans ce cas particulier, la roue brisée) jusque dans la ligne des toits du bâtiment de réemploi, composés de quatre sections en pente recouvertes de métal (forme reprise dans la marquise qui sert de pare-soleil sur la plate-forme). Un toit vert intensif recouvre le bâtiment administratif : « Il s’agit de nattes déroulées, ce qui empêche d’avoir à renforcer la  structure, et d’espèces qui  supportent bien la sécheresse », souligne l’architecte-paysagiste.

Une quincaillerie imposante

Le complexe est alimenté par deux éoliennes Skystream de 2 000 watts chacune ainsi que 20 panneaux solaires Kyocera de 200 watts chacun, ce qui représente une puissance totale de 8 MW. Le compteur  est bidirectionnel : le centre peut donc s’alimenter au réseau ou alimenter le réseau et ainsi dégager des crédits. « Il faut avouer que l’autoproduction est chose plutôt rare en milieu urbain et dans le secteur institutionnel », note Alexis Caron-Dionne.

L’écocentre est aussi muni d’un puits canadien et d’un système géothermique comportant six puits à 152 m de profondeur. Le puits canadien, dont le col de cygne est bien en vue sur le terrain, réchauffe l’air frais par temps froid en le faisant passer par le sol et en abaisse la température en été. Le même principe s’applique à la géothermie, ce qui permet de réduire la consommation électrique des thermopompes pour le chauffage et la climatisation.

La gestion de l’eau revêt beaucoup d’importance sur le site, étant donné la possibilité de déversements accidentels de peintures ou de solvants. Les eaux de surface passent d’abord par un bassin de décantation, puis dans un marais filtrant avant de traverser un séparateur d’huile et de sédiments et de finalement être rejetées dans les égouts municipaux.

Pour réduire la consommation électrique, on a opté pour un éclairage DEL avec détecteur de mouvements. Le même type d’éclairage sert aux panneaux d’affichage qui dirigent les utilisateurs vers les divers conteneurs. De même, un automate éteint les lumières et baisse la température lorsque les locaux ne sont pas occupés.

Inauguré le 1er septembre dernier, l’écocentre LaSalle a requis un investissement d’un peu plus de 8,2 millions dollars. « Nous visons un total de 45 points LEED, explique Alexis Caron-Dionne. Le projet a surtout obtenu des points dans les catégories Énergie et atmosphère, Optimisation de la performance énergétique, Énergies renouvelables, Qualité de l’environnement intérieur et Gestion de l’eau. Le fait d’avoir dépassé les objectifs de performance énergétique, d’énergies renouvelables et de gestion de l’eau nous a valu des points au chapitre de l’innovation. »

« La construction du centre a permis de créer de l’expertise à l’interne et de changer des mentalités, conclut Éric Blain. En achetant des produits écologiques, nous avons aussi contribué au développement de ces produits et à leur avenir. Les mêmes techniques seront  utilisées à l’écocentre Saint-Laurent, sous peu, et serviront à terme à la construction de six autres centres de même nature sur le territoire de Montréal. Elles serviront aussi sans doute aux installations du programme de récupération des matières organiques, que ce soit pour le compostage ou la biométhanisation. »

Les mesures durables
  • Réduction des îlots de chaleur grâce à la végétalisation du site et à un toit vert
  • Gestion des eaux pluviales par bassin de décantation, marais filtrant et séparateur d’huile et de sédiments
  • Toilette publique à compost
  • Matériaux à haute réflectance et matériaux écologiques de provenance locale
  • Etc.

 

L'équipe de projet

Maître d’œuvre : Ville de Montréal

Architecture : GCBD architectes

Génie mécanique et électrique : Genivar

Génie civil et structure : Aecom

Construction : Groupe Vespo

Architecture du paysage : Planex

Mise en service : Plan Unique

 

Les technologies
  • Autoproduction d’énergie grâce à deux éoliennes Skystream 3.7 produisant 2 000 watts chacune et 20 panneaux solaires Kyocera produisant 200 watts chacun (production totale de 8 MW)
  • Réduction des besoins de chauffage et de climatisation grâce à un puits canadien pour le préchauffage (en hiver) et le refroidissement (en été) de l’entrée d’air et à six puits géothermiques de 152 m de profondeur
  • Réduction des besoins d’énergie grâce à l’éclairage à DEL et à des détecteurs de mouvement
  • Automate de contrôle pour l’éclairage et le chauffage