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23 novembre 2016
Par Rénald Fortier

Le siège social de la Caisse Desjardins de Lévis : une réalisation dont la performance environnementale s’élève à la hauteur des résultats attendus.

Trois. C’est le nombre d’années d’exploitation qu’affiche maintenant au compteur le siège social de la Caisse Desjardins de Lévis. C’est aussi le nombre de marques de reconnaissance qu’a depuis récolté ce bâtiment s’élevant sur quatre étages au croisement des boulevards Guillaume-Couture et Alphonse-Desjardins, la dernière en lice étant une Médaille du Gouverneur général en architecture. Rien de moins.

De là à penser que cet immeuble de 8 100 mètres carrés se pose aujourd’hui comme une construction exemplaire, il n’y a qu’un pas. Un pas que l’on franchit d’un trait quand on sait que cette réalisation de 23 millions de dollars se distingue non seulement par la qualité de sa composition architecturale, mais aussi par sa performance environnementale avancée.

Une performance réelle, il faut le préciser, en adéquation avec les cibles visées au moment de la conception. Comme une réduction de la consommation énergétique frôlant la barre des 40 % par rapport au bâtiment de référence du Code modèle national de l’énergie pour les bâtiments. Ou encore une consommation d’eau potable réduite de près du tiers en regard d’une construction standard comparable, pour ne mentionner que cet autre exemple.

Mais le succès de ce projet, qui est en attente d’une certification LEED-NC Argent, va bien au-delà de telles données mesurables. C’est qu’il tient aussi grandement à l’intégration du bâtiment dans son environnement physique, au milieu de vie qu’il offre à ses occupants, et à son ouverture sur la communauté lévisienne.

« Le projet devait atteindre différents objectifs bien précis, relate le directeur de la Caisse, Benoit Caron, parce qu’il lui fallait répondre aux besoins de toutes les parties prenantes : l’entreprise, bien sûr, mais également ses employés et ses membres. Le nouvel édifice devait être beau et sobre à la fois, tout en intégrant des rappels historiques, en plus d’être accessible, confortable et écologique. »

Voilà donc autant de mots-clés qui auront servi de toile de fond au processus de design commencé en février 2011. Cette démarche, réunissant autour d’une même table des professionnels de l’architecture et de l’ingénierie ainsi que des représentants de l’entrepreneur-gérant et du client, aura permis de transporter la Caisse de Lévis dans un univers aux antipodes de celui qui était alors le sien.

C’est ainsi qu’au terme de la phase de construction, à l’automne 2013, le siège social de l’établissement est passé d’un centre commercial, où il occupait un espace sans apport de lumière naturelle et mal adapté aux besoins, à un bâtiment fonctionnel d’une grande transparence se dressant à l’entrée de la Cité Desjardins de la coopération. Son design est le fruit de stratégies qui ont plus particulièrement été axées sur le confort et le bien-être des occupants.

« Nous avons veillé à ce que les gens puissent communiquer et nous avons travaillé jusqu’à l’ergonomie du mobilier, de concert avec le fournisseur MBH et le fabricant Teknion, de façon notamment à ce que la hauteur des tables de travail dans chacun des espaces de travail soit ajustable », indique Anne Carrier, présidente d’Anne Carrier architecte, firme qui a fait équipe avec ABCP architecture dans la foulée de ce projet.

Côté pile, côté face

Adossé à un parc que l’on a veillé à préserver – plusieurs des arbres matures ont même été transplantés ailleurs sur le site – le nouveau bâtiment de la Caisse de Lévis épouse la forme d’un « L » créée par la superposition de deux volumes empreints de dualité. Ainsi, une façade urbaine parée d’un revêtement de zinc et haute de quatre étages assure une forte présence le long du boulevard Guillaume-Couture, dans l’axe est-ouest, tandis que la façade de l’entrée principale sur le boulevard Alphonse-Desjardins se déploie à l’échelle de la ville et de l’accès au Vieux-Lévis.

La façade donnant sur le parc boisé, elle, est entièrement transparente et comporte deux volumes revêtus de bois prenant naissance à l’intérieur du bâtiment pour se projeter en porte-à-faux vers l’extérieur du côté nord. L’un loge la salle du conseil d’administration de la Caisse au deuxième plancher ; l’autre, la cafétéria des employés à l’étage au-dessus.

« Le volume de bois en saillie qui abrite la salle du conseil est l’un des rappels historiques qui ont été intégrés au design du bâtiment, note Anne Carrier, dans ce cas-ci en référence à la maison d’Alphonse Desjardins, où est née la toute première caisse et vers laquelle est orienté cet espace. »

Si le nouveau siège social affiche une signature distinctive vu de l’extérieur, son aménagement intérieur est loin d’être en reste. Composé à 70 % d’aires ouvertes, il offre aux employés et aux membres des espaces offrant pour la plupart une vue sur l’extérieur. L’organisation spatiale des lieux fait aussi en sorte que les conseillers de la Caisse de Lévis ne disposent pas de bureaux fermés comme c’est traditionnellement le cas dans les institutions financières : ils reçoivent plutôt les clients dans des salles communes dédiées aux membres.

Ces espaces de rencontre sont aménagés dans des cubes de bois qui sont littéralement suspendus dans un atrium jouxtant la vaste paroi vitrée. Adjacent à ces volumes supportés par une charpente d’acier, le reste des éléments structuraux du bâtiment est en béton.

Cette ouverture sur l’extérieur favorise évidemment la pénétration de la luminosité naturelle à l’intérieur, d’autant plus qu’elle est optimisée par la profondeur réduite de l’immeuble. « La lumière du jour est diffusée jusqu’au cœur du bâtiment, précise Vadim Siegel, architecte associé chez ABCP. Elle vient non seulement de la façade vitrée, mais également de celles en zinc, car il y a une modulation dans l’espacement de la fenestration qui correspond à l’aménagement des espaces de travail. »

Optimisation éconergétique

Une transparence comme celle conférée la Caisse Desjardins de Lévis n’est évidemment pas une rose sans épines, car elle s’accompagne en contrepartie de la nécessité d’éviter, ou à tout le moins d’atténuer, les déperditions de chaleur en hiver et la surchauffe en été. Voilà pourquoi les concepteurs ont opté pour des unités scellées performantes, plus particulièrement pour la paroi immatérielle donnant sur le parc, qui est pourvue de verre triple avec deux pellicules low-e ne créant pas d’effet miroir, de surcroît.

« C’est du verre surdimensionné, dit “jumbo”, que commercialisait depuis peu Prelco et qui est en était à ses premières applications au Québec », indique Anne Carrier, en précisant que le recours à cette innovation a permis de réduire le nombre de meneaux et, du coup, les ponts thermiques de façon substantielle. Et ce, en plus de limiter le nombre d’éléments entravant la perception d’ouverture sur l’extérieur et d’augmenter les gains en lumière naturelle.

D’autres choix architecturaux contribuent à l’occultation des gains thermiques et de l’éblouissement à l’intérieur du bâtiment, surtout sur les faces sud-est et sud-ouest. Vadim Siegel précise : « La composition des façades a été conçue de façon à contrer l’ensoleillement par l’application de différentes stratégies, soit en donnant une surépaisseur aux panneaux en zinc, pour ainsi créer un enfoncement de la fenestration, et en mettant en place des dispositifs permettant de filtrer le rayonnement solaire. »

Ce sont là des solutions qui concourent à l’optimisation du confort thermique des occupants et du rendement éconergétique du bâtiment, en conjugaison avec une enveloppe performante et une batterie de stratégies mises de l’avant sur le plan électromécanique : éclairage artificiel efficace, récupération de la chaleur sur l’air vicié évacué, système géothermique comportant 21 puits forés à une profondeur de 183 mètres, poutres froides pour la ventilation et la climatisation…

Même si les poutrelles de refroidissement relevaient encore du domaine de la nouveauté sur le marché à l’époque, c’est sans contredit l’utilisation d’un refroidisseur modulaire Multistak d’une capacité de 464 kilowatts qui sortait littéralement alors des sentiers battus. En effet, c’était la première fois que cette technologie, à laquelle a été couplée la géothermie, était appliquée en sol québécois. Et à l’évidence avec succès.

« Une grande partie des économies d’énergie est attribuable au recours à ce refroidisseur comportant trois modules, lesquels permettent de travailler en chauffage et en climatisation simultanément, observe l’ingénieur Julien Jean-Charland, associé délégué chez CIMA+. On peut donc avoir un module qui fait de la récupération de chaleur classique, donc qui prend la chaleur dans le réseau de climatisation et l’envoie dans le chauffage. En même temps, on peut en avoir un autre qui, lui, prend l’énergie de la géothermie pour l’envoyer en chauffage.

« Ainsi, poursuit-il, dans une situation où l’on est principalement en chauffage, mais [que] l’on a quand même besoin de climatisation, on est capable de répondre à ses demandes, mais de différences sources. »

Il note que la conception des systèmes s’est appuyée sur des critères allant au-delà du seuil de rendement de l’investissement, Desjardins étant prêt à adhérer à des mesures permettant avant tout de maximiser le bien-être des occupants de son nouveau siège social. « Il était entendu avec le client qu’un bâtiment du genre n’est ni plus ni moins qu’un outil à l’intérieur duquel travaillent des gens, signale-t-il. C’est pourquoi on s’est beaucoup attardé à l’impact qu’une décision en conception pouvait avoir sur le cycle de vie. »

Ce n’est certes pas le directeur de l’établissement qui va le contredire : « Nous disposons maintenant d’un milieu de vie dynamique, sain et confortable qui favorise la productivité, conclut Benoit Caron. On ne peut pas le mesurer parfaitement, mais nous avons un certain nombre d’indicateurs qui pointent en ce sens. Reste que notre élément de mesure le plus probant, c’est la santé générale de la Caisse. Et le 30 juin dernier, nous avons livré à nos dirigeants notre meilleure performance globale depuis des années. »

Équipe du projet

Client : Caisse Desjardins de Lévis / Desjardins Sécurité financière

Architecture, architecture de paysage et expertise LEED : Consortium ABCP architecture + Anne Carrier architecture

Génie électromécanique : CIMA+

Génie structural et civil : BPR (aujourd’hui Tetra Tech)

Construction : Dutran

Consultation en ergonomie : Entrac 

 

En chiffres
  • 99,6 % : détournement des résidus de chantier de l’enfouissement
  • 96,2 % : proportion des espaces régulièrement occupés offrant une vue sur l’extérieur
  • 75,0 % : part des espaces régulièrement occupés bénéficiant de la luminosité naturelle
  • 40,0 % : réduction de la consommation énergétique par rapport au bâtiment de référence du CMNÉB – elle s’accompagne d’une diminution des émissions de GES de 372 tonnes équivalent CO2 annuellement
  • 30,5 % : abaissement de la consommation d’eau potable de 30,5 % par rapport aux exigences du système d’évaluation LEED

 

Stratégies éconergétiques
  • Enveloppe du bâtiment performante
  • Profondeur réduite du bâtiment permettant de bénéficier de la lumière naturelle jusqu’au noyau central
  • Fenestration à vitrage triple sur la façade nord ; verre surdimensionné permettant de maximiser l’effet de transparence, en plus de réduire la quantité de meneaux et, ainsi, de limiter les ponts thermiques.
  • Surépaisseur de l’enveloppe pour limiter le rayonnement solaire côté sud-ouest
  • Plaques métalliques perforées permettant de filtrer le rayonnement solaire tout en préservant les vues sur l’extérieur
  • Ouvertures en retrait sur les façades sud-ouest et sud-est
  • Réseau hydronique à basse température
  • Dalle radiante pour les porte-à-faux
  • Poutrelles de refroidissement (poutres froides)
  • Géothermie [21 puits à 183 m de profondeur] couplée à un refroidisseur à trois modules multistack
  • Récupération de la chaleur au moyen du refroidisseur modulaire et d’une roue thermique pour préchauffer l’air neuf
  • Éclairage artificiel efficace [DEL et tubes fluorescents T-5]
  • Mise en service de base améliorée

 

Mesures durables
  • Gestion des déchets de construction
  • Optimisation des espaces verts [plus de 60 %]
  • Toiture blanche [79 % de la surface]
  • Aménagement paysager sans irrigation
  • Matériaux à contenu recyclé [19 %]
  • Matériaux régionaux [35,6 %]
  • Matériaux à faible émissivité de COV
  • Bois certifié FSC
  • Luminosité naturelle et gestion de l’éblouissement
  • Vues sur l’extérieur
  • Mobilier écologique et ergonomique
  • Implantation d’un système de compostage
  • Préservation d’arbres matures – certains ont été transplantés ailleurs sur le site
  • Rétention des eaux pluviales au moyen de bassins aménagés sous le stationnement de surface
  • Environnements intérieurs sains et confortables favorisant la productivité au travail
  • Accès au transport en commun
  • Cases de stationnement réservées aux véhicules électriques
  • Rangement sécurisé pour les vélos [25] à l’intérieur et supports à vélos à l’extérieur
  • Douches et vestiaires pour les usagers du transport actif

 

Reconnaissances

2016 : Médaille du Gouverneur général en architecture

2015 : Prix d’excellence de l’Ordre des architectes du Québec, catégorie Bâtiments administratifs et commerciaux

2014 : Prix d’excellence, catégorie L’Éco efficace, aux Pléiades de la Chambre de commerce de Lévis