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Centre de découverte et de services du parc national du Mont-Tremblant

30 août 2012
Par Rénald Fortier

Un petit bâtiment vert se profilant comme une grande réalisation bioclimatique : le centre de découverte et de services du parc national du Mont-Tremblant.

Cinquante-neuf pour cent. C’est la réduction de la consommation énergétique qu’affichera le nouveau centre de découverte et de services du parc national du Mont-Tremblant, en comparaison à la référence du Code modèle national de l’énergie pour les bâtiments (CMNEB). Une performance attendue hors de l’ordinaire qui sera le fruit de l’application de stratégies bioclimatiques et de l’utilisation de technologies de pointe.

Il faut dire que ce projet piloté par la Société des établissements de plein air du Québec (SÉPAQ), dont la réalisation s’achèvera à l’automne dans le secteur de La Diable, se profile comme un modèle de développement durable. S’élevant au cœur d’une forêt boréale, le centre de découverte est issu d’un processus de design intégré qui visait à minimiser l’impact de son implantation dans ce milieu naturel. De même qu’à optimiser sa performance, tant sur les plans écologique qu’énergétique.

L’établissement regroupera sur 470 mètres carrés une aire de découverte, un bloc de services et un amphithéâtre extérieur. Prenant place là où se trouvaient auparavant des terrains de camping, il s’ouvrira directement sur le grand lac Monroe. Un emplacement qui aura notamment donné l’occasion aux concepteurs du projet d’axer leur design sur l’utilisation des ressources climatiques environnantes.

« Le site étant déjà développé, cela nous permettait seulement de le réaligner en réduisant au minimum la coupe d’arbres et en n’y enlevant aucun sol, indique Daniel Smith, associé de Smith Vigeant architectes. En jouxtant la berge du lac et en offrant de belles percées dans la forêt, il rendait aussi possible l’adoption de stratégies bioclimatiques, comme le solaire passif et l’hydrothermie, ainsi que la ventilation et la luminosité naturelles. »

D’entrée de jeu, toutefois, l’idée de profiter de l’énergie solaire se révélait pour le moins problématique. C’est que la façade principale devait nécessairement donner sur le lac, hélas situé du côté nord. Après avoir travaillé sur l’orientation du bâtiment jusqu’à la limite du possible, l’équipe de design a choisi de fenêtrer plus largement l’élévation sud pour bénéficier des gains thermiques en hiver – ils seront occultés en été par un grand porte-à-faux.

Elle a également vu à optimiser la performance de l’enveloppe du côté nord, notamment en recourant à un mur-rideau de verre pourvu de meneaux en bois. Cette solution, avance l’architecte, offrait une résistance thermique de 30 % supérieure environ à celle d’un mur-rideau fait de verre et de montants métalliques.

« Nous n’avons rien laissé au hasard, souligne Daniel Smith. Au moment de la conception, nous avons travaillé en étroite collaboration avec l’ingénieur Martin Roy pour déterminer et appliquer les stratégies bioclimatiques, non sans avoir vu à les valider au moyen de simulations. Par exemple pour l’orientation du bâtiment, de manière à bénéficier des gains solaires là où on les voulait. »

Inspiration de la nature

Le design du centre de découverte s’est inspiré des éléments naturels qui l’entourent, de façon à ce qu’il s’insère harmonieusement dans son environnement. Ainsi, il fera la part belle à l’utilisation du bois en préconisant le cèdre de l’Est pour le parement extérieur, le pin pour le plafond et la pruche pour une partie des murs à l’intérieur, cette dernière essence servant aussi à l’habillage de l’amphithéâtre. Et c’est sans oublier le mur-rideau en bois.

Le centre disposera également d’une fenestration abondante, dont une partie traitera le paysage et les montagnes comme un encadrement. Une ouverture sur l’extérieur lui permettant non seulement de bénéficier du solaire passif, mais aussi de baigner dans la lumière naturelle.

Le bâtiment sera en outre coiffé d’un toit dont l’expression reflétera une faille dans un rocher. Il se repliera et se redéploiera en hauteur, là où trois grandes fenêtres ouvrantes motorisées évacueront l’air chaud grâce à l’effet de succion exercé par les vents dominants. Cette ventilation naturelle sera alimentée par la brise fraîche balayant le lac, au moyen de 10 fenêtres à ouverture manuelle situées au bas des murs.

« La stratégie de ventilation naturelle a été élaborée de sorte que l’on n’ait pas besoin d’activer la climatisation, fait remarquer l’ingénieur Martin Roy. Mais nous avons tout de même prévu l’installation de serpentins dans le système de ventilation pour déshumidifier l’air et maintenir une température confortable.

« Il y a une centaine d’années, poursuit le président de Martin Roy et associés, tous les bâtiments avaient des fenêtres ouvrantes. Il faut recommencer à appliquer ce concept en s’assurant de comprendre la dynamique de la ventilation naturelle pour bien les positionner dans les immeubles. »

Technologie novatrice

Pour le chauffage des espaces, en conjugaison avec le solaire passif, les concepteurs ont choisi de recourir à la chaleur du soleil captée par l’eau du lac. Une autre solution bioclimatique et dont on profitera au moyen d’une technologie novatrice, une première même dans le secteur institutionnel, commercial et industriel au Québec : trois échangeurs Slim Jim, à savoir trois plaques d’acier inoxydable 304 à l’intérieur desquelles circulera de l’éthanol – fluide ne présentant pas de danger pour le milieu aquatique.

Déposées sous l’eau à une profondeur de 12 à 16 mètres, ces plaques sont de grande dimension et optimisent ainsi le transfert de chaleur. « Comme nous étions à côté d’un lac, indique Martin Roy, l’hydrothermie s’avérait très intéressante parce qu’il s’agit d’une solution qui permet d’obtenir un coefficient de performance supérieur à celui de la géothermie. Dans le cas du centre de découverte, nous atteindrons un COP de 3,8. Donc, près de quatre fois plus d’énergie obtenue que celle entrant dans les thermopompes. »

L’utilisation de l’hydrothermie aura préalablement requis l’aval du ministère du Développement durable, de l’Environnement et des Parcs. Le feu vert aura été obtenu après la production d’une analyse démontrant que cette technologie n’aurait pas d’impact sur la température du lac.

L’installation, notons-le, fera d’ailleurs l’objet d’une recherche visant à déterminer la zone d’indice sur la température dans le lac. Des sondes seront ainsi installées sur les échangeurs afin de procéder au monitorage des températures à différentes distances des plaques.

Reliés au bâtiment par des conduits en PEHD de 65 mm de diamètre, les échangeurs hydrothermiques seront reliés à deux thermopompes d’une puissance de chauffage de quelque 180 000 Btu/h. Le système alimentera des planchers radiants à la grandeur du bâtiment. Ceux-ci seront principalement constitués de béton, mais aussi de bois en certains endroits.

Parmi les autres stratégies visant à optimiser la performance du bâtiment, on relève un ventilateur-récupérateur de chaleur (940 CFM), qui permettra une économie d’énergie de quelque 50 000 Btu/h ; un capteur de CO2 dans la salle principale, de façon à y faire varier l’apport en air neuf ; un système d’éclairage artificiel éconergétique ; et un système permettant de contrôler les paramètres énergétiques à distance.

De plus, le bâtiment pourra aisément profiter de l’énergie solaire pour le chauffage de l’eau chaude. Pourquoi aisément ? Eh bien, tout simplement parce que le conduit et le support requis pour l’installation d’un capteur y auront déjà été mis en place.

Mais la performance du centre de découverte ne se limitera pas à son rendement énergétique, car il affichera aussi une réduction de la consommation d’eau potable de l’ordre de 40 %. Une réduction essentiellement obtenue au moyen d’appareils de plomberie à faible débit et d’un urinoir sans eau.

« C’est un centre de découverte qui a été conçu dans le respect de l’environnement et qui est tourné vers son environnement, conclut Daniel Smith. C’est d’ailleurs pourquoi nous l’avons éloigné du stationnement existant, auquel il est relié par un réseau de sentiers et de ponceaux. »

Équipe du projet

Client : Société des établissements de plein air du Québec (SÉPAQ)
Architecture : Smith Vigeant architectes
Génie bioclimatique et électromécanique : Martin Roy et associés
Génie structural et civil : CLA Experts-Conseils
Architecture de paysage : Vlan paysage
Construction : Construction Raynald Tisseur

 

Trois cibles
  • Réduction de la consommation énergétique de 59 % par rapport à la référence du CMNÉB
  • Réduction de la consommation d’eau potable de 40 % par rapport à un bâtiment standard comparable
  • Détournement de l’enfouissement de plus de 90 % des rebuts de construction

 

Mesures durables
  • Implantation sur un site déjà développé, minimisant du coup la perturbation du milieu naturel
  • Réduction du volume de matériaux
  • Contrôle de l’érosion sur le site pendant la construction
  • Utilisation du bois pour les parements intérieur et extérieur (cèdre de l’Est, pin et pruche)
  • Luminosité naturelle dans la presque totalité du bâtiment
  • Vue sur l’extérieur pour 75 % des espaces
  • Acheminement des eaux de ruissellement de la toiture vers la nappe phréatique pour éviter qu’elles ne s’écoulent dans le lac
  • Robinetterie à faible débit (douche : 1,5 gal/min ; lavabos : 1,5 gal/min)
  • Toilettes à double chasse (1,3 gallon/chasse et 0,9 gallon/chasse)
  • Urinoir sans eau
  • Utilisation de matériaux à faible émissivité de COV
  • Etc.

 

Stratégies éconergétiques
  • Énergie solaire passive
  • Éclairage naturel
  • Ventilation naturelle semi-automatisée : 10 fenêtres au bas des murs s’ouvriront manuellement ; trois grandes fenêtres sous la toiture s’ouvriront mécaniquement
  • Système hydrothermique composé d’un échangeur comportant trois plaques d’acier inoxydable 304 et de deux thermopompes (l’une de 32 kW, l’autre de 23 kW), d’une capacité de chauffage d’environ 180 000 Btu/h
  • Pas de climatisation mécanique, seulement une charge de 8 200 Btu/h pour déshumidifier l’air
  • Récupérateur de chaleur latent, à noyau statique, pour préchauffer l’air frais (940 CFM) affichant une efficacité de 70 % (il permettra une économie d’énergie d’environ 50 000 Btu/h)
  • Dalle radiante comportant un réseau de tuyauterie transportant un liquide à basse température
  • Plancher en béton constituant une masse thermique
  • Mur-rideau en bois lamellé-collé et verre affichant une résistance thermique de R6,7
  • Enveloppe performante (murs, R32 ; toit, R37)
  • Luminaires T5-HO et DEL couplés à des détecteurs de mouvement et de luminosité
  • Capteur de CO2 dans la salle principale pour moduler l’apport en air frais
  • Bâtiment prêt à accueillir un panneau solaire thermique pour chauffer l’eau chaude domestique