Aller au contenu principal
x
23 mai 2015
Par Marie-Ève Sirois

Le premier bâtiment certifié Living Building Challenge 2.0 : l’école primaire Bertschi, à Seattle.

Dans le quartier Capitol Hill de Seattle, sur la côte ouest américaine, l’éducation des élèves de l’école primaire Bertschi va au-delà de l’enseignement usuel. Car quelques fois par semaine, ces enfants s’imprègnent de l’expérience d’occuper un bâtiment hautement écologique en se familiarisant avec la gestion de l’eau, de l’énergie et des déchets. Comment ? En fréquentant l’aile des sciences du campus, un bâtiment certifié Living Building Challenge (LBC), version 2.0, depuis avril 2013. 

Au cours des 15 dernières années, la direction de Bertschi a adopté des valeurs en lien avec le développement durable. L’équité sociale et le respect de l’environnement font partie du projet éducatif de cette école. Ainsi, le Défi du bâtiment vivant, le LBC, s’inscrit parfaitement dans la philosophie de l’établissement, d’autant plus qu’une portion des objectifs servent des intérêts pédagogiques. 

L’établissement scolaire de 3 700 mètres carrés est composé de sept immeubles, dont cinq d’entre eux datent du début du 20e siècle. En 2008, l’école obtenait la certification LEED-NC, niveau Or, pour son nouveau pavillon : le Bertschi Center. L’année suivante, au cours d’une visite du bâtiment LEED, un groupe d’architectes se montra intéressé par la future construction de l’aile des sciences de l’école. Ces derniers étaient motivés par la réalisation d’un projet portant le sceau de l’International Living Future Institute, rien de moins. 

C’est ainsi qu’en 2009, la conception de l’aile des sciences fut entreprise par le KMD Architect’s Restorative Design Collective. Déterminés à relever le Défi du bâtiment vivant, tous les professionnels engagés dans l’aventure signèrent un contrat portant sur la conception, la surveillance de chantier et la certification de la nouvelle aile de 114 mètres carrés. 

Stan Richardson, directeur des technologies et de la planification du campus, revient sur la particularité de leurs engagements : « Nous avions des contrats typiques emplis de plusieurs obligations et responsabilités, qui arboraient le chiffre zéro à la fin. » Parce que c’était une première pour tous les concepteurs et qu’il y avait potentiellement des dépenses additionnelles pour l’école, les membres du Collectif proposaient leurs services pro bono. 

« Avec une telle proposition de la part des concepteurs, ajoute Stan Richardson, l’école ne pouvait faire autrement qu’emboîter le pas, malgré la part d’inconnu qui les attendait. » De fait, le projet qui était budgétisé à 800 000 dollars a plutôt coûté 1,1 million de dollars. La valeur totale de ce dernier est cependant estimée à 2 millions de dollars, incluant une contribution approximative de 500 000 dollars pour le Collectif et de 350 000 dollars du côté des services en préconstruction de l’entrepreneur. Pourtant, ni l’école, ni le Collectif ne regrettent leur choix. Complété en février 2011, le bâtiment a été certifié après un mesurage de ses performances sur un an. 

Les stratégies

Un bref survol des stratégies adoptées suffit à comprendre l’ampleur du Défi du bâtiment vivant. L’aile des sciences est composée d’une classe et d’une serre, érigée sur une ossature légère en bois. À l’extérieur, on trouve un jardin d’eau de pluie et un jardin ethnobotanique, qui fournit des fruits et des matériaux pour le bricolage. Sur une base annuelle, les bilans hydriques et énergétiques du bâtiment sont nuls, sinon positifs. L’énergie produite sur le site provient entièrement des capteurs solaires photovoltaïques. Les eaux de pluie et les eaux grises sont collectées, traitées et réutilisées. 

Au tout début de la conception, un sondage a été mené auprès des étudiants et du personnel de l’école pour comprendre leur vision et leurs besoins pour le bâtiment à construire. Certaines idées soumises ont été intégrées au concept. L’image d’une rivière intérieure est devenue un canal d’écoulement transparent au sol, qui permet l’observation d’une partie du processus de traitement des eaux. Et l’engouement de voir des végétaux pousser à longueur d’année s’est transposée en une serre pourvue d’un mur végétal. 

Maintenant que l’infrastructure est en place, que ce soit par le biais du monitorage des performances énergétiques, de l’utilisation et du traitement de l’eau, de la qualité de l’air ou encore de l’entretien des jardins, l’engagement des élèves et du personnel enseignant est mis à profit sur tous les plans. Les stratégies sont visibles et quantifiées ; elles permettent aux étudiants de comprendre les concepts écologiques préconisés. 

Les défis

Le LBC est constitué de sept pétales, ou catégories, pour lesquels une série de critères doivent obligatoirement être respectés. « Le pétale Beauté est celle où tout le monde se fait plaisir ; par contre, le réel défi se situe au niveau du pétale Matériaux, observe Stan Richardson. Les fabricants ne connaissent pas précisément les constituants de leur produit. Pire, ils refusent parfois de les dévoiler. Ce fut un réel problème pour nous, ce qui a coûté temps et argent à tous. Il y a quelques années, les outils étaient très rares, nous étions laissés à nous-mêmes face à la problématique des matériaux conformes aux critères demandés. Aujourd’hui, il existe notamment les guides pratiques pour les pétales Site, Eau, Énergie et Matériaux. » 

Si c’était à refaire, Stan Richardson aborderait certains éléments différemment : « Nous serions encore plus précis dans la spécification des matériaux dans la phase préconstruction. Je prendrais le temps de mieux former les sous-traitants, de façon à ce qu’ils connaissent à l’avance les particularités du chantier dans lequel ils s’aventurent. Il y a aussi la toilette à compost et sa consommation énergétique. Dû à des contraintes d’espace, nous avons positionné les réservoirs à côté et non sous la toilette. 

« Si nous pouvions retourner en arrière, conclut-il, la force gravitationnelle serait davantage exploitée. L’énergie utilisée pour déplacer les résidus à l’horizontale est plus importante que prévu, ce qui a nécessité l’augmentation de la puissance de panneaux installés de 12 à 20 kW. Cela dit, le plus important c’est d’avoir appris et d’être fier du bâtiment que nous avons construit. »

Équipe du projet

Architecture : KMD Architects

Architecture du paysage : GGLO

Génie électromécanique : Rushing

Génie structural : Quantum Consulting Engineers

Génie civil : 2020 Engineering

Génie géotechnique : GeoEngineers

Construction : Skanska Building USA

Enveloppe du bâtiment : Morrison Hershfield

Développement durable : O’Brien and Company

Écologie urbaine : Back To Nature Design, LLC

Communications : Parsons Public Relations

 

Faits saillants

Site et agriculture urbaine

  • Les GES émis durant la construction ont été compensés par la préservation de 1,2 hectare de terre non encore développée
  • Toiture végétalisée de 48,5 m2
  • 30 % du site dédié à l’agriculture urbaine

 

Eau

  • L’eau pluviale de la toiture en métal est collectée et traitée (filtres au carbone et rayons ultraviolets) à un niveau potable, mais la réglementation en vigueur empêche son utilisation dans les lavabos de la classe. Éventuellement, les connexions seront activées, mais pour l’instant, ces eaux servent à l’irrigation et au fonctionnement de la toilette à compost
  • Traitement des eaux grises à l’aide d’un système à filtres (mécanique et biologique) d’origine australienne Aqua2Use. Celles-ci sont utilisées à 100 % pour le système d’irrigation goutte à goutte du mur végétal intérieur, d’une superficie de 15,3 m2
  • 100 % des eaux consommées/collectées sont infiltrées sur place
  • Toilette à compost : 0,5 litre d’eau consommé par chasse

 

Énergie

  • Source d’énergie unique : 90 panneaux solaires photovoltaïques d’une puissance totale de 20,1 kW
  • Chauffage hydronique radiant à l’eau chaude, approvisionné par un chauffe-eau électrique hybride (il fonctionne à l’électricité et au gaz naturel en cas d’urgence)
  • Murs isolés à un niveau R-52 (RSI 9,16)

 

Matériaux

  • Tous les déchets de construction ont été détournés du site d’enfouissement 
  • Matériaux exempts des 14 substances chimiques contenues dans la liste rouge des matériaux du LBC 
  • Bois certifié FSC 
  • Isolation de cellulose à base de fibres de plantes