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27 avril 2012
Par Rénald Fortier

Architecture bioclimatique, performance éconergétique, environnement de travail dynamique et écologique : bienvenue dans l’univers durable et intégré du nouvel édifice québécois de GlaxoSmithKline.

Parc technologique du Québec métropolitain. Dans le cadran nord-est du croisement des autoroutes Henri-IV et Charest, arrondissement Sainte-Foy, trône un édifice de bureaux hors du commun. Si sa silhouette audacieuse attire immanquablement le regard, tout comme la structure de bois triangulée qu’expose sa longue façade sud tout en verre, il se démarque également par sa haute teneur écologique. Comme en témoigne notamment sa consommation réduite en énergie (- 52 %) et en eau potable (- 64,4 %).

Ce bâtiment de 3 200 mètres carrés, répartis pour l’essentiel au rez-de-chaussée et à l’étage, c’est celui de la société pharmaceutique GlaxoSmithKline (GSK). Voisin de l’usine de production de vaccins de l’entreprise, boulevard du Parc technologique, ce bâtiment d’une grande transparence arbore une forme rectangulaire aux extrémités courbées, dont l’une surélevée. Il offre de grandes aires de travail ouvertes pour tout le personnel et la haute direction, des salles de travail fermées non dédiées – appelées « bulles » –  et des espaces interactifs favorisant la socialisation.

Achevée au printemps 2011, la construction de cet immeuble visait au premier chef à répondre à un besoin en espaces de bureaux additionnels – l’entreprise devait loger du personnel dans des roulottes depuis un certain temps. Et si la réalisation de ce projet de 11 millions de dollars s’imposait aux yeux de GSK, il en allait également de même pour les dimensions durables dont elle devait être imprégnée.

« Il était convenu dès le départ qu’il s’agirait d’un bâtiment vert, relate Hélène Gagnon, chef Ingénierie chez GSK. Nous avons des politiques qui s’articulent autour du développement durable et il allait donc de soi que le projet soit orienté dans cette direction. L’entreprise visait  à offrir à ses employés un milieu de travail sain et confortable, mais aussi à se doter d’installations lui permettant de minimiser son empreinte environnementale. »

Une volonté qui sera clairement exprimée dès qu’elle invitera quatre agences d’architecture à lui formuler des propositions à l’automne 2009. L’architecte Normand Hudon s’en souvient très bien : « GSK désirait un bâtiment tout aussi distinctif que durable, raconte l’associé de la firme lauréate du concours, Coarchitecture – à l’époque connue sous la dénomination Hudon Julien Associés. C’était une démarche très rigoureuse qui nous enjoignait notamment de déposer un concept avancé au stade des esquisses, de démontrer les performances attendues du bâtiment à construire et d’exposer en quoi il serait écologique. »

Le concept retenu par GSK promettait d’allier esthétique originale, environnement de travail au confort optimal et haute performance énergétique. Autant d’attributs devant résulter de l’intégration cohérente de mesures durables au design et à la composition de l’édifice. Comme un toit légèrement convexe permettant de récupérer l’eau de pluie et de l’utiliser pour la chasse d’eau des toilettes et des urinoirs à faible débit, pour ne citer que cet exemple.

La tâche était loin d’être mince, d’autant plus que le projet visait l’obtention de la certification LEED-NC, niveau Or – le dossier a été soumis à l’étude du Conseil du bâtiment durable du Canada en janvier dernier. « Nous n’avons pas emprunté le chemin le plus facile, observe avec du recul Normand Hudon. Mais pour réussir à réaliser un projet qui sort de l’ordinaire, il faut nécessairement sortir de sa zone de confort.

« L’idée, ajoute-t-il tout de go, était de livrer un bâtiment qui ne soit pas seulement très performant sur le plan énergétique, mais surtout un projet dont tous les aspects durables seraient équilibrés les uns par rapport aux autres. Tant sur le plan des composantes architecturales que sur celui des technologies : système géothermique, plancher radiant, récupérateur de chaleur à cassettes, ventilation naturelle automatisée avec station météo, etc.  »

La conception étant audacieuse, la réalisation du projet amènera donc son lot de complexités. Comme celle liée à l’intégration d’une charpente de bois lamellé-collé – certifiée FSC – avec membrures à diamètre variable (une première au Québec) et poutres arquées. Et d’une structure triangulée en façade, exprimée sur toute la hauteur de l’immeuble, dont la composition inusitée découlait de sa double fonction de contreventement et de reprise des efforts verticaux standards.

« L’inclinaison des colonnes, la forme en S des poutres… Ce n’était pas évident de prime abord du point de vue de l’assemblage, raconte Simon Corriveau, chargé du projet pour le gérant de construction Verreault. Nous avons donc dû travailler avec le fabricant, Chantiers Chibougamau, pour déterminer comment les composantes devraient être installées. En bout de ligne, tout s’est bien déroulé et le résultat s’est avéré spectaculaire. »

La construction de la dalle en pontage de bois, jumelée à l’installation de la tuyauterie de chauffage radiante, se révélera également complexe. Une contrainte qui sera aplanie en installant la tuyauterie dans un système de plot modulaire et en la coulant dans une mince chape de béton ; une solution qui permettra par ricochet de fournir la résistance acoustique requise entre le rez-de-chaussée et l’étage. 

Le bois naturel dominant l’aménagement intérieur de l’édifice, un choix qui s’accompagnera de surcroît d’une réduction de matériaux de finition, il fallait bien sûr éviter d’en altérer l’esthétique avec d’imposants conduits de ventilation. D’où le recours à une autre solution novatrice : la poutrelle de refroidissement. Efficace et discret sur le plan visuel, cet équipement ventile et rafraîchit en injectant de petites quantités d’air sur des serpentins de refroidissement. L’air frais circule ensuite dans les espaces de travail par induction, donc sans ventilateur.

Quatre-vingt-quatre poutrelles, dont les longueurs oscillent entre 1 200 et 2 400 millimètres, ont ainsi été mises en place dans les aires ouvertes. Elles y ont été intégrées à un système de réflexion de lumière et d’absorption acoustique baptisé « les oiseaux » par l’architecte ; il agit comme diffuseur d’éclairage, atténue la réverbération et alimente aussi un mouvement de convection permettant de réduire les forces motrices de la ventilation.

Optimisation éconergétique

Il faut savoir que le système mécanique de l’édifice profite du principe selon lequel le déplacement d’un liquide requiert 14 fois moins d’énergie que celui de l’air. Ainsi, à partir des puits géothermiques, le liquide de chauffage circule principalement dans les planchers et le liquide de refroidissement, lui, principalement dans les poutrelles installées au plafond.

« Le scénario classique, c’est lorsque l’on transporte l’énergie de chauffage et de refroidissement avec l’air, souligne Jacques DeGrâce, associé de la société de génie-conseil en électromécanique Pageau Morel. Les conduites sont donc généralement plus grandes parce que les besoins de chauffage et de climatisation sont prédominants par rapport aux besoins de ventilation.

« Dans le cas de l’édifice de GSK, poursuit l’ingénieur, on véhicule plutôt un fluide pour le chauffage et le refroidissement. Cela fait qu’on peut transporter l’air frais dans des conduits beaucoup plus petits, soit au moyen des poutrelles de refroidissement, parce qu’il s’agit d’une fraction de l’air que l’on aurait autrement déplacé. »

Pour ce spécialiste de l’écoconception, il ne fait pas de doute que c’est la combinaison des stratégies architecturale et électromécanique qui, imbriquées l’une dans l’autre, confère à l’immeuble de GSK son haut niveau de performance. À commencer par l’orientation plein sud du bâtiment – il est décliné de 45 degrés environ par rapport à l’axe du boulevard – pour profiter au maximum de l’apport solaire passif. Une énergie gratuite que le système de dalles radiantes redistribue dans les espaces une fois captée.

Entièrement vitrée et haute de deux étages et demi là où s’élève un atrium, la façade exposée à l’ensoleillement comporte une double peau constituée d’un verre simple à l’extérieur et d’un verre double énergétique à l’intérieur. La zone tampon comprise entre ces deux parois de verre est perforée à la base alors qu’au sommet, elle est pourvue de volets mécanisés contrôlés par des capteurs.

En été, les volets s’ouvrent pour évacuer la chaleur qui, à l’inverse, sera conservée en hiver pour accroître la résistance thermique de l’enveloppe. La façade intègre un système d’occultation solaire qui sert aussi de passerelles pour l’entretien. Les pare-soleil laissent passer le rayonnement l’hiver, mais l’occultent en totalité durant l’été pour ainsi limiter les charges de climatisation.

Soulignons que l’espace de socialisation derrière cette façade de verre est pourvu de fenêtres ouvrantes automatisées dans le sens des vents dominants, à l’est et à l’ouest, pour y permettre une ventilation naturelle. Celle-ci est utilisée lorsque le chauffage n’est pas requis, au printemps et à l’automne, en plus de procurer un caractère sain au bâtiment.

« Après s’être assuré d’avoir un bâtiment le plus passif possible et pourvu d’une bonne enveloppe, souligne Jacques DeGrâce, nous avons misé sur la récupération d’énergie. Parce qu’il est beaucoup plus économique de prendre l’énergie dans un espace intérieur exothermique, dont il faudra évacuer la chaleur de toute façon, et de la déplacer au périmètre en hiver. Puis nous avons optimisé le chauffage de l’édifice en recourant à la géothermie. »

En hiver, la climatisation des espaces au centre du bâtiment augmente l’énergie de récupération disponible pour chauffer le périmètre au moyen de dalles radiantes. Ces dernières servent au chauffage et, en partie, au rafraîchissement du bâtiment. En été, au sud du bâtiment, ces dalles tempèrent l’air chauffé par le soleil dans l’atrium.

« Les puristes diront que le bâtiment est trop vitré, commente Normand Hudon, mais il faut plus qu’une performance énergétique exemplaire. Notre concept n’aurait pas été retenu s’il n’avait pas aussi eu la capacité d’émouvoir. C’est par la pleine transparence et la mise en valeur du bois vu de l’extérieur que nous y sommes arrivés. De là découle le concept de double peau qui permet d’atténuer grandement les faiblesses d’une façade entièrement vitrée. »

Hélène Gagnon, elle, n’est pas peu fière de cette réalisation : « Nos gens sont très heureux de travailler dans ce nouvel édifice. Ils apprécient notamment la lumière naturelle, les vues sur l’extérieur ainsi que l’organisation des espaces. Nous y avons emménagé en juin et dès la première semaine, tout le monde était fonctionnel. C’est dire », conclut-elle. 

Équipe du projet

Client : GlaxoSmithKline

Architecture et expertise LEED : Coarchitecture

Génie électromécanique : Pageau Morel

Génie structural : SDK

Génie civil : Marchand Houle

Architecture du paysage : François Courville

Gérance de construction : Verreault 

 

Mesures durables
  • Structure de bois avec membrures à diamètre variable et poutres arquées (séquestration de 457 tonnes équivalent CO2 à l’étape de la construction)
  • Utilisation de bois FSC dans une proportion de 75 %
  • Vingt-sept pour cent de matériaux d’extraction et de provenance régionale
  • Dix pour cent de contenu recyclé dans les matériaux de construction
  • Utilisation de matériaux à faibles émissions de COV et exempts d’urée formaldéhyde
  • Site aménagé sur 67 % de sa surface avec de la végétation indigène ne nécessitant pas d’irrigation
  • Réduction des matériaux de finition
  • Récupération des eaux pluviales de la toiture dans deux réservoirs (l’un de 2 000 litres à l’intérieur ; l’autre de 10 000 litres à l’extérieur) pour le fonctionnement des appareils sanitaires
  • Traitement des eaux pluviales par les aménagements paysagers
  • Appareils de plomberie à faible débit (toilettes : 4,8 l/chasse ; urinoirs, 0,5 l/chasse ; robinetterie : 1,9 l/min)
  • Lavabos et urinoirs à détection de présence
  • Limitation de la pollution lumineuse par l’utilisation de luminaires extérieurs défilés et par un éclairage intérieur dont l’intensité maximale n’excède pas l’enceinte du bâtiment
  • Confort thermique respectant la norme ASHRAE 55-2004
  • Vue sur l’extérieur pour 100 % des espaces régulièrement occupés et apport de lumière naturelle pour 75 % de ceux-ci
  • Et autres

 

Stratégies éconergétiques
  • Orientation est-ouest du bâtiment
  • Chauffage solaire passif des espaces publics et du hall
  • Double peau sur la façade vitrée du côté sud avec système d’occultation solaire intégré
  • Occultation solaire partielle par une retombée de la toiture du côté ouest
  • Cages d’escalier d’issue occultant partiellement les murs est et ouest
  • Fenêtres ouvrantes dans les espaces publics
  • Éclairage naturel et sans éblouissement des aires de travail 
  • Système géothermique comportant 25 puits de 145 mètres et d’une capacité d’environ 75 tonnes
  • Cinq thermopompes reliées à deux réservoirs (eau chaude et eau froide) qui stabilisent les fluctuations de température du système
  • Système de récupération d’énergie (à cassettes) à courant d’air inversé d’une efficacité allant jusqu’à 85 %
  • Poutrelles de refroidissement intégrées à un système de réflexion de lumière et d’absorption acoustique
  • Système de gestion et de mesure de l’énergie intelligent
  • Système d’éclairage muni de détecteur de présence et d’un contrôle modulant qui permet de fournir exactement la quantité de lumière souhaitée
  • Lampes fluorescentes 28 W – T5 avec ballasts électroniques
  • Dalles radiantes servant au chauffage et, en partie, à la climatisation (le réseau de chauffage à basse température est alimenté à 43,3 °C et revient à la centrale thermique à 37,8 °C)

 

Cinq faits saillants
  • Déchets de construction détournés de l’enfouissement dans une proportion de 92 %
  • Réduction de la consommation d’eau potable de 64,4 % par rapport aux critères de base LEED
  • Réduction de la consommation énergétique de 52,0 % par rapport à la référence du Code modèle national de l’énergie pour les bâtiments
  • Bilan carboneutre de l’édifice, les seules 95 tonnes d’équivalents de CO2 émises étant annulées par l’achat de crédits de compensation
  • Milieu de travail conforme aux critères du Smart Working Environment

 

Trophée Contech

L’édifice de GlaxoSmithKline a valu à Coarchitecture (alors Hudon Julien Associés) et Pageau Morel le Trophée Innovation et Développement durable Contech 2011, catégorie Bâtiment ICI – Pratique innovatrice. Cette marque de reconnaissance, qui souligne aussi la collaboration d'André-Pierre Ghys, responsable du projet chez GSK, a été attribuée en raison de l’intégration combinée et simultanée de multiples innovations dans la conception et la réalisation de ce bâtiment distinctif et exemplaire sur le plan de la performance énergétique.