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L’Institut culturel d’Oujé-Bougoumou

24 février 2011
Par Marie Gagnon

Viser une certification LEED est une chose, l’obtenir en est une autre. Surtout lorsqu’il s’agit de construire un bâtiment en Jamésie.

La conception d’un bâtiment selon les exigences LEED n’est pas chose facile. Il faut viser différentes cibles qui touchent à divers aspects de la construction, et certaines sont plus difficiles à atteindre que d’autres. Notamment lorsque le bâtiment est construit en région et que, de surcroît, la région se nomme la Jamésie. Les architectes mandatés par le Conseil cri de l’Institut culturel d’Oujé-Bougoumou en ont fait l’expérience lors de la conception de cet espace muséal et culturel de 15 millions de dollars, qui sera achevé d’ici quelques mois.

« Les repères changent à mesure qu’on s’éloigne des grands centres urbains, souligne Pascale Tétrault, chargée de projet chez Rubin Rotman Associés. En Jamésie, où la population est à majorité crie, on compte à peine 17 000 habitants. Ils vivent à l’intérieur de petites communautés, disséminées sur un territoire d’environ 350 000 kilomètres carrés. Ces communautés s’appuient rarement sur un plan d’urbanisme pour organiser leur territoire, et les règlements de zonage y sont, à proprement parler, inexistants. »

Elle rappelle au passage qu’une des visées du système d’évaluation environnementale est de freiner l’étalement urbain. Et qu’à cet égard, LEED fixe plusieurs exigences en matière d’aménagement écologique des sites. La sélection de l’emplacement, sa densité de développement, les moyens de transport actifs et collectifs, notamment, sont pris en compte dans l’évaluation du projet. Les concepteurs ont donc dû faire preuve d’imagination et ajuster leurs stratégies durables pour aspirer au niveau certifié de LEED-NC.

Les contraintes

« Certains critères sont tout simplement impossibles à satisfaire, mentionne l’architecte montréalaise, tandis que d’autres, comme la réduction des îlots de chaleur ou l’aménagement d’enclos à vélo, n’ont pas vraiment de sens dans le contexte. On a donc misé sur la réduction de la pollution lumineuse et des espaces de stationnement, des solutions peu coûteuses, mais qui contribuent à diminuer l’impact négatif de la construction sur le site. »

Toutefois, l’approvisionnement en matériaux régionaux s’est fait sans difficulté, malgré l’éloignement du village d’Oujé-Bougoumou, qui est situé sur les rives du lac Opémisca à l’ouest de Chibougamau. L’architecte rapporte qu’afin de bien camper la vocation du centre Aanischaaukamikw, qui signifie « la maison de la mémoire et de transmission de la tradition », le concept du bâtiment est largement inspiré de la maison longue, l’habitat traditionnel cri.

Cette inspiration, qui se matérialise dans la forme oblongue de l’édifice, se reflète également dans le parement extérieur, où du bois torréfié et des feuilles de métal rappellent les fragments d’écorce qui recouvraient traditionnellement la maison longue. Autre clin d’œil à la culture amérindienne, à l’intérieur, une structure apparente en bois lamellé-collé évoque l’intérieur d’un canot d’écorce retourné.

« Le structure en arche, le bois torréfié sont fabriqués par une entreprise locale, et certifiés FSC, note Pascale Tétrault. On a aussi spécifié des produits à faible émissivité de COV pour améliorer la qualité de l’air intérieur. Par contre, pour maximiser l’éclairage naturel, ça s’est avéré un peu plus compliqué en raison de l’implantation du bâtiment, qui s’insère dans un dénivelé du terrain, et de son design particulier. »

Même si, en raison de ces contraintes, les objectifs de LEED s’avéraient impossibles à satisfaire, les concepteurs ont tout de même réussi à optimiser l’apport en lumière naturelle en concentrant les activités culturelles et muséales au niveau supérieur du bâtiment et en regroupant au niveau inférieur, enchâssé dans le roc, les locaux techniques, comme la salle d’archéologie, l’atelier de restauration et la voûte de conservation.

Au chapitre de l’énergie, la conception s’est avérée moins ardue. Il faut dire qu’une isolation accrue est toujours la bienvenue sous ces latitudes. Sans compter qu’en rehaussant la performance énergétique globale d’un bâtiment, elle permet de récolter de précieux points. Une performance que viendra bonifier un système géothermique alimenté par 15 puits, qui assurera chauffage et la climatisation de l’édifice de 30 000 pieds carrés.

De plus, en période de grand froid, l’Institut profitera d’un apport calorifique supplémentaire, en captant les rejets de chaleur de l’usine de cogénération de la communauté. « Nous avons tenté par tous les moyens de satisfaire la volonté du client, qui désirait avant tout un bâtiment durable, note Stephen Rotman, architecte associé de Rubin & Rotman. C’est une façon pour la communauté de faire connaître au reste du monde ses valeurs et sa culture. »

Équipe de projet
  • Donneur d’ouvrage : Conseil cri de l’Institut culturel Aanischaaukamikw
  • Gestion du projet : Bernard Benoît Project Management
  • Architecture : Douglas Cardinal et Rubin & Rotman Associés
  • Génie structural : SNC-Lavalin
  • Génie électromécanique : Dessau
  • Mise en service (consultation) : GES Technologies
  • Construction : Groupe Aecon