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La Caisse Desjardins de l’Ouest de la Mauricie

20 avril 2012
Par Rénald Fortier

Zoom sur la conception d’un bâtiment vert foncé en devenir : le nouveau siège social de la Caisse Desjardins de l’Ouest de la Mauricie, à Louiseville.

Janvier 2006. La Caisse Desjardins de l’Ouest de la Mauricie voit le jour à l’issue du regroupement de 12 centres de services répartis dans autant de municipalités de la région. Le siège social, situé à Louiseville, apparaît très vite exigu pour offrir à la communauté l’ensemble des services financiers en un même lieu. Plutôt que d’agrandir et rénover ce bâtiment datant des années 70, une démarche qui aurait requis au bas mot entre 5 et 6 millions de dollars, l’institution décide de se doter d’un nouvel immeuble à la fois fonctionnel et performant. Et écologique aussi.

« Comme nous avions intégré l’approche du développement durable à notre plan stratégique après le regroupement, raconte Jacques Duranleau, directeur général de l’institution, la construction de notre nouveau siège social devait nécessairement s’inscrire dans cette continuité. D’où la décision d’aller vers un bâtiment dont la construction et l’exploitation généreraient le moins d’impacts pour les générations futures. »

Pour donner vie à son projet, la Caisse se tourne en 2009 vers l’architecte québécois Pierre Thibault, dont l’idée de construire en bois sera vite retenue. Suit peu après, de concert avec ce dernier, la sélection des autres professionnels qui verront à la conception du nouvel édifice. Il est dès lors établi que tous devront travailler en mode collaboratif pour s’assurer d’intégrer les meilleures solutions au design. Des stratégies et des mesures durables, bien sûr, d’autant plus que l’institution financière vise à apposer le sceau LEED-NC, niveau Or, sur son futur siège social.

Le message est entendu, c’est le moins que l'on puisse dire, car l’équipe de conception s’aligne sur un design d’un vert plus foncé encore, avec pour point de mire LEED Platine. Un objectif à l’intérieur duquel elle réussit à s’inscrire avec un concept de bâtiment devant consommer près de 70 % moins d’énergie que la référence du Code modèle national de l’énergie pour les bâtiments (CMNÉB), pour ne donner en exemple que cette performance attendue.

Mais il y a un hic : cette incursion dans la plus haute sphère du système d’évaluation LEED pour les nouvelles constructions se révèle plus coûteuse que ne le permet le budget. Les concepteurs n’ont donc d’autre choix que de revenir à la cible Or initiale – 42 points sont maintenant escomptés – en retranchant certains éléments au design. Par exemple des panneaux photovoltaïques devant générer 7 % de l’énergie consommée par le bâtiment, des capteurs thermiques pour le préchauffage de l’eau chaude domestique ou la ventilation par déplacement.

« Il est certain qu’on aurait aimé se rendre jusqu’au niveau Platine, indique Pierre Thibault. Mais comme on s’éloignait des paramètres budgétaires fixés par le client, il a fallu reculer un peu. Reste que cette quête n’aura pas été vaine, car elle nous aura forcés à aller le plus loin possible tout en demeurant à l’intérieur de l’enveloppe budgétaire dévolue au projet. »

C’est que le nouvel édifice de la Caisse Desjardins de l’Ouest de la Mauricie, qui prend forme depuis l’hiver dernier rue Saint-Laurent, sur un terrain jusque-là utilisé comme stationnement en plein cœur de la municipalité, n’en sera pas moins très performant sur le plan environnemental. Comme l’illustrent ses aires ouvertes baignées de lumière naturelle, ses généreuses vues sur l’extérieur, sa ventilation naturelle, sa consommation réduite en eau potable, etc.

Solutions particulières

Si la nomenclature des stratégies et mesures durables intégrées au projet pourrait se décliner encore longtemps, il reste que certaines s’avèrent plus particulières et ont plus d’une incidence sur les autres. Comme l’orientation plein sud du bâtiment pour bénéficier au maximum de l’énergie solaire passive, une solution s’accompagnant d’une vaste fenestration (40 %) répartie de façon irrégulière sur chacune des façades (52 % au sud, 22 % à l’est, 32 % à l’ouest et 51 % au nord). Idem pour le positionnement des fenêtres.

« La fenestration donne l’impression d’avoir été placée de façon assez aléatoire, note Pierre Thibault. Mais au contraire, l’emplacement et la dimension de chacune des fenêtres ont été calculés pour permettre une très grande diffusion de la lumière naturelle et, selon l’orientation, de bénéficier ou non des gains thermiques. Nous avons utilisé des verres avec différents coefficients de gains de chaleur solaire sur chacune des façades pour s’assurer notamment qu’au sud, la chaleur entre dans le bâtiment, et pour éviter la surchauffe à l’ouest. »

Le recours au bois n’a lui non plus rien de banal. Même qu’il est au centre de l’intégration du bâtiment dans son environnement, notamment parce que la teinte grise de son parement extérieur en cèdre de l’est – son oxydation naturelle sera accélérée au moyen d’un traitement –avoisinera la couleur de la pierre de l’église devant laquelle il s’élèvera. C’est sans compter que le bois sera omniprésent à l’intérieur, entres autres avec des plafonds ajourés faits de lattes et une charpente apparente en lamellé-collé (la structure sera hydride avec poutres d’acier/bois/béton sur colonnes de bois).

« Il y a des bâtiments en bois tout autour de Louiseville, souligne Pierre Thibault, souvent des granges qui ne sont pas traitées. Alors on reprend un peu une imagerie qui est présente dans les secteurs agricoles pour faire un lien avec l’histoire de la région. En plus, avec les conditions du sol (argile) et les contraintes sismiques, le choix d’une structure de bois était particulièrement approprié. »

Première québécoise

Un chapelet de stratégies bioclimatiques et de technologies éconergétiques concourront à faire du nouveau siège la Caisse Desjardins de l’Ouest de la Mauricie un bâtiment exemplaire sur le plan éconergétique. En dépit des mesures qui ont été retranchées pour respecter le budget, la cible de réduction de la consommation en énergie se situe néanmoins à 42 %. Et elle pourrait peut-être tendre vers les 50 %, au final, puisque l’équipe de conception travaille toujours à son optimisation.

S’il y a une solution qui se démarque parmi toutes celles préconisées, celle bien celle des thermopompes assistées par l’énergie solaire, concept mis de l’avant en remplacement du système géothermique prévu au départ. Même qu’il s’agit d’une première dans le bâtiment commercial en sol québécois.

L’application de ce concept se traduira par la mise en place de panneaux solaires thermiques sur le toit de l’immeuble pour préchauffer l’air entrant dans les thermopompes. L’ingénieur Martin Roy explique : « Nous avons fait des analyses pour voir comment on pourrait maximiser l’efficacité des thermopompes en se servant de l’énergie solaire. Les thermopompes peuvent fonctionner à des basses températures, même quand il fait –25 degrés C, sauf que leur rendement s’en trouve diminué.

« Pour remédier à cette situation, poursuit le président de la société de génie électromécanique Martin Roy et associés, nous allons installer les thermopompes dans un petit appentis sur la toiture. L’air va entrer à travers les murs solaires, tous orientés vers le sud avec une inclinaison de plus ou moins 45 degrés, pour ensuite préchauffer cette enceinte où il y aura de la masse thermique. En y montant la température à 15 degrés C, par exemple, on pourra ainsi obtenir un coefficient de performance (COP) se situant aux alentours de 4, donc quatre fois plus d’énergie obtenue que celle entrant dans les thermopompes. »

À la lumière des études menées par son bureau, ce concept pourrait même se révéler plus efficace que la géothermie, tout en étant beaucoup moins onéreux puisqu’il ne requiert évidemment pas le forage de puits à de grandes profondeurs. Une solution qui pourrait donc être appelée à faire école à plus ou moins brève échéance. 

Équipe du projet

Client Caisse Desjardins de l’Ouest de la Mauricie
Architecture et design d’intérieur Atelier Pierre Thibault
Génie électromécanique Martin Roy et associés
Génie structural Douglas Consultants
Génie civil Vinci Consultants
Coordination LEED exp
Construction Les Constructions De Castel
Architecture du paysage NIP Paysage

 

Le bâtiment

Prenant forme à un coin de rue de son actuel siège social, le nouvel immeuble de la Caisse Desjardins de l’Ouest de la Mauricie couvrira 4 019 mètres carrés, répartis sur trois niveaux. Il logera des aires de services et une grande salle communautaire au rez-de-chaussée, tandis que les étages seront occupés par espaces de bureaux ouverts, ainsi que des salles de conférences et de réunion. Sa livraison est prévue pour la fin de l’année, au terme d’un investissement d’une dizaine de millions de dollars.

 

Trois cibles
  • Réduire la consommation énergétique du bâtiment de 42 % par rapport à la référence du Code modèle national de l’énergie pour les bâtiments.
  • Réduire la consommation d’eau potable d’au moins 40 % par rapport à un bâtiment standard comparable
  • Détourner de l’enfouissement 75 % des déchets générés pendant la construction

 

Mesures durables
  • Empreinte au sol compacte
  • Aménagement de jardins de pluie permettant d’envoyer le plus possible les eaux de ruissellement dans la nappe phréatique
  • Utilisation d’asphalte contenant du matériel recyclé
  • Aménagement paysager économe en eau
  • Haut pourcentage de matériel recyclé dans la formulation du béton
  • Réduction des matériaux de finition par l’utilisation du bois laissé à l’état naturel
  • Positionnement des fenêtres permettant des vues pour 90 % des espaces et un apport de la lumière naturelle pour 75 % des espaces
  • Utilisation de matériaux régionaux, dont un parement extérieur en cèdre de l’est
  • Utilisation de matériaux affichant de bons pourcentages de matières recyclées
  • Contrôle des sources intérieures d’émissions chimiques et de pollution
  • Utilisation de matériaux à faible émissivité de COV
  • Aménagement de stationnements et d’espaces de rangement pour les vélos
  • Appareils de plomberie à faible débit
  • Prises extérieures pour le branchement de voitures électriques
  • Etc.

 

Stratégies éconergétiques
  • Aménagement intérieur favorisant les aires ouvertes en périphérie des murs pour réduire le nombre de systèmes mécaniques et favoriser l’entrée de lumière naturelle dans tous les espaces
  • Enveloppe du bâtiment haute performance
  • Orientation du bâtiment et positionnement de la fenestration optimisant l’apport énergétique passif côté sud ; l’entrée de la lumière naturelle côté nord et le contrôle de la surchauffe côté ouest, tout en minimisant la déperdition énergétique
  • Fenêtres ouvrantes manuellement avec système de détection activant des volets motorisés dans l’atrium pour favoriser la ventilation naturelle plutôt que la climatisation mécanique
  • Thermopompes assistées par l’énergie solaire répondant à 100 % des besoins en chauffage et en climatisation
  • Système de planchers radiants à basse température
  • Échangeur de chaleur à noyau statique latent sur la ventilation (efficacité de 70 %) pour le préchauffage de l’air neuf
  • Système de détection permettant de diminuer l’éclairage lorsque la lumière naturelle est suffisante
  • Lampes fluorescentes T5 HO avec ballasts électroniques
  • Etc.