Aller au contenu principal
x

La déconstruction du 245 Richelieu

16 juin 2010
Par Marie Gagnon

Déconstruire un bâtiment pour en récupérer, recycler et réutiliser le maximum de matériaux, c’est possible. Le cas du 245 Richelieu en fait foi.

La réussite d’une déconstruction repose sur le seul facteur temps : celui alloué à la déconstruction et le délai nécessaire à l’écoulement des matières recyclables. C’est du moins ce qui ressort du rapport produit par l’architecte André J. Fortin sur celle du 245 Richelieu, à Saint-Jean-sur-Richelieu, menée dans la première moitié des années 2000.

Mandaté par Recyc-Québec, il a assuré l’analyse des données relatives à la déconstruction de l’édifice et des taux de récupération des matières résiduelles générées, afin que cette étude de cas serve de modèle aux entrepreneurs intéressés par la déconstruction.

 

Des conditions gagnantes

Racheté par la Ville pour être démoli et faire place à un belvédère en bordure de la rivière Richelieu, le bâtiment à vocation commerciale, avec stationnement et bureaux en sous-sol, ne comportait pas d’étage en plus d’être complètement détaché des édifices avoisinants. À l’hiver 2003, l’entreprise B. Frégeau et Fils, qui avait remporté l’appel d’offres initial en démolition, proposait à la Ville de le déconstruire plutôt que le démolir en bonne et due forme.

« Le bâtiment offrait un excellent potentiel de récupération, relate André J. Fortin. Composé de deux parties, l’une en maçonnerie et en bois, l’autre constituée d’une charpente d’acier, le bâtiment était revêtu de brique et de métal tandis que les fenêtres à cadre d’aluminium étaient dotées d’unité thermos. Le toit plat comportait un isolant rigide protégé par un système d’étanchéité multicouche et reposait sur un pontage d’acier. Quant aux finis intérieurs, ils étaient composés de céramique et de tapis au sol, avec tuiles acoustiques au plafond. Le tout se complétait d’un éclairage fluorescent, d’unités de ventilation et de climatisation situées sur le toit et d’une salle électrique. »

 

Des débouchés nombreux

Entamée au début d’avril 2003, la déconstruction a pris fin huit semaines plus tard. Elle a été réalisée en deux étapes : d’abord le dégarnissage des finis et systèmes intérieurs, puis le démantèlement des éléments extérieurs, c’est-à-dire les murs, les fenêtres, la toiture ainsi que la chape de béton recouvrant la dalle du rez-de-chaussée.

« Les matières résiduelles ayant déjà des débouchés bien établis, tels le bois, le carton, les métaux et la maçonnerie, ont été triées sur place par l’entrepreneur et acheminées aux recycleurs, précise André J. Fortin. Quant aux autres matières, comme le verre des cloisons intérieures, les portes de bois, les appareils d’éclairage, l’isolant, la brique, les fenêtres et le gravier de la toiture, soit qu’elles ont été vendues au plus offrant, soit qu’elles ont fait l’objet d’annonces classées et été données à des particuliers. »

 

Des résultats enviables

En tout, le bâtiment de 26 533 pieds carrés a généré quelque 977 tonnes métriques de matières résiduelles, soit un ratio de 36,8 kg/pi2. Une faible valeur qui s’explique par le fait que les fondations et la dalle du rez-de-chaussée devant être préservées, elles n’ont pas été incluses dans le compte. « Il n’en reste pas moins que le taux global de récupération, c’est-à-dire le rapport entre les quantités présentes et celles récupérées, s’élève à 85 %, ce qui est excellent pour une opération de cette envergure », souligne l’architecte.

Les matières qui n’ont pu être récupérées, soit 15 % des matières présentes, et par conséquent mises au rebut, comportaient une certaine quantité de placoplâtre. Ce matériau aurait pu être recyclé au moyen d’une machine séparant le papier du gypse, mais les volumes et les délais ne justifiaient vraisemblablement pas la location d’une telle machinerie.

« Quant aux autres matières, soit qu’elles étaient trop détériorées, comme l’isolant et les membranes du toit, soit qu’elles étaient susceptibles de contenir de l’amiante, comme les tuiles de plafond ou, encore, qu’elles étaient trop difficiles à récupérer, comme l’armature de la chape de béton du rez-de-chaussée », explique l’architecte.

 

Le temps, gage de rentabilité

Avec un taux de récupération de 85 %, la déconstruction du 245 Richelieu s’est avérée pour sûr une expérience concluante, la seule ombre au tableau étant l’atteinte du seuil de rentabilité, note André J. Fortin. « Le temps est un facteur prépondérant dans la réussite financière d’un tel projet, avance-t-il. D’abord parce qu’il s’agit de travaux réglementés, ensuite parce que ce genre de travaux comporte souvent des impondérables qui peuvent avoir un impact considérable sur l’échéancier et, du coup, sur les coûts de main-d’œuvre. »

Dans le cas du 245 Richelieu, la faisabilité économique s’exprime davantage en termes de déplacements de coûts : l’augmentation des coûts de main-d’œuvre attribuable à de plus longs délais a été compensée par la valeur des matières et composantes vendues. Pour s’assurer de se dégager une marge de profit, il faut donc faire aussi vite que possible, éviter d’entreposer les matières recyclables et limiter les manipulations de tri.

« La déconstruction est un très beau créneau à développer et l’exemple du 245 Richelieu devrait générer d’autres cas semblables, estime André J. Fortin. D’autant plus que les immeubles désuets datant des années 70 et 80 sont légion au Québec. »