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La rénovation éconergétique de l’édifice Lampron

5 juin 2012
Par Léa Méthé

D’ingénieuses technologies du bâtiment ont été déployées pour la rénovation éconergétique de l’édifice Lampron, un joyau du patrimoine industriel de Trois-Rivières.

Construit en 1916 par la Ville de Trois-Rivières en vue de fournir des espaces industriels locatifs, le bâtiment de brique de 48 000 pieds carrés est resté inoccupé pendant plusieurs années avant que deux entrepreneurs, Pierre Barakett et Murray Couture, décident d’en faire une adresse commerciale de prestige. « Miser sur la qualité, à la fois pour l’apparence et sur le plan des systèmes, c’est la meilleure façon de se distinguer, dit Pierre Barakett. Nous avons vite compris que c’était bien vu des locataires. » 

Leur défi : rendre l’immeuble conforme au code du bâtiment, confortable et efficace sur le plan énergétique, tout en respectant son caractère patrimonial. Un an et demi de travaux et 5 millions de dollars plus tard, ils peuvent dire mission accomplie ! 

À chaque tâche son système

« C’est un bâtiment qui n’était pas du tout performant à la base, explique Ronald Gagnon, président de la société d’ingénierie Concept-R, consultant en bâtiment durable pour ce projet. L’isolation, c’est quatre rangs de brique. On travaille avec une enveloppe qui cause un grand préjudice au niveau de l’énergie », ajoute-t-il.

Si la réfection du toit a permis d’atteindre un facteur isolant de R-30, la décision de laisser la brique à nu à l’intérieur comme à l’extérieur exigeait de compenser les pertes thermiques avec des systèmes mécaniques performants.

L’une des stratégies retenues, mieux connue sous l’acronyme DOAS (Dedicated Outdoor Air Systems) consiste à découpler les charges de chauffage et de ventilation. Cette approche présente plusieurs avantages. Elle permet notamment de calculer plus précisément le dimensionnement de chaque système pour un rendement supérieur.

« Plus il y a de fonctions attendues pour un appareil, plus on doit faire de compromis sur la performance », affirme Ronald Gagnon. Le fait d’opter pour une mécanique dédiée pour chaque tâche facilite aussi l’intégration plus discrète des équipements et conduits dans les espaces à aires ouvertes.

Afin de préchauffer l’air frais en période de chauffage, 10 collecteurs solaires de type Luba, de la firme québécoise Enerconcept, ont été installés sur la toiture. L’air circule ensuite dans une roue thermique et la température de distribution finale peut être ajustée, si nécessaire, par un serpentin au glycol relié à une thermopompe.

Pour le chauffage et la climatisation des locaux, l’équipe a opté pour l’installation d’un réseau hydronique avec 110 ventilo-convecteurs positionnés sous les fenêtres.

Le système comprend quatre thermopompes eau/eau totalisant une puissance de 316 kW. Celles-ci puisent ou dissipent la chaleur dans 13 puits géothermiques forés avec une certaine difficulté, puisque le sol est constitué de dépôts meubles par endroits. La profondeur des puits a dû être revue à 190 mètres et la puissance des pompes ajustée en conséquence. Une chaudière à condensation de 123,2 kW a également été installée pour écrêter la demande et pour assurer une redondance en cas de problème.

Des commandes au doigt et à l’œil

Avec le concours de la firme Régulvar, l’équipe a opté pour l’installation de systèmes de commande sans fil et sans piles. Tous les accessoires de contrôle par l’usager comme les thermostats, les interrupteurs, les senseurs et les détecteurs de présence sont autoalimentés grâce à la capture d’énergie. La technologie de transmission EnOcean dont ils sont équipés fonctionne grâce à des cellules photovoltaïques intégrées ou exploitent la piézoélectricité, dans ce cas-ci l’énergie générée par la pression du doigt sur un bouton.

En plus de ne générer aucun déchet dangereux, ces technologies présentent l’avantage de minimiser l’impact visuel des contrôles et de ne pas abîmer les surfaces pour le passage des fils. Le fait de préserver l’intégrité de la structure de bois et des murs de brique exposés prenait une importance particulière lors de la rénovation de l’édifice Lampron, classé monument historique en 2004. Malgré l’aspect novateur du système sans fil, Ronald Gagnon affirme qu’il s’agit d’une solution équivalente en termes de prix à un réseau filaire protégé par des conduits d’acier.

Comme il s’agit d’espaces locatifs, seule une partie des décisions concernant l’éclairage relevaient du promoteur. On a donc limité la densité d’éclairage à 0,9 watt/pi ca et spécifié aux locataires l’utilisation de fluorescent T5, fluocompact ou de DEL. Dans les espaces aménagés, le niveau d’éclairage ambiant a été réduit à 400 lux, au lieu de 500, sachant que chaque poste dispose d’un éclairage d’appoint. Selon Ronald Gagnon, « l’avantage inédit de réduire l’intensité lumineuse, c’est la réduction du niveau sonore. C’est vrai dans les bureaux comme dans les restaurants ; quand on tamise les lumières, les gens parlent moins fort ».

Les pièces à occupation sporadique sont équipées de détecteurs de présence. Dans le stationnement, l’éclairage artificiel est allumé au moment opportun grâce à des contrôles programmés en fonction du lever et du coucher du soleil.

Au chapitre de la plomberie, l’alignement des blocs sanitaires au même endroit sur les cinq étages a d’abord permis de rationaliser la tuyauterie. Tous les équipements de salles de bain sont à faible débit et activés par des détecteurs de présence. L’utilisation d’urinoirs sans eau a cependant été écartée de ce projet puisque l’entretien ménager est confié à une compagnie externe. En effet, les urinoirs sans eau fonctionnent avec un liquide occlusif et un entretien inadéquat risque de compromettre leur fonctionnement.

La restauration de l’édifice Lampron démontre que les contraintes imposées par la conservation d’un bâtiment patrimonial peuvent motiver la recherche et l’application de solutions à la fois écologiques et élégantes. « Qui dit “vert ”, dit “cas par cas” », conclut Pierre Barakett, copropriétaire de l’immeuble. La combinaison de systèmes sélectionnés pour l’édifice Lampron n’est pas le résultat d’une recette. Ça a nécessité des ajustements en début d’occupation, mais les avantages à long terme sont indéniables. 

 

Technologies éconergétiques
  • Système géothermique comportant 4 thermopompes eau/eau totalisant 35 tonnes de puissance et 13 puits de 190 mètres en boucle verticale fermée
  • Système de chauffage auxiliaire au gaz composé d’une chaudière à condensation de 30 tonnes fonctionnant environ 600 heures par année
  • Système de ventilation dédié (DOAS)
  • Préchauffage solaire thermique de l’air frais à l’aide de 10 collecteurs Luba sur la toiture totalisant une puissance thermique maximale de 23 kW en plein soleil
  • Réseau de distribution de chauffage/climatisation par 110 ventilo-convecteurs équipés de moteur ECM et d’unité de contrôle Can2Go sans fil utilisant le protocole ZigBee
  • Roue thermique récupérant partiellement l’énergie de l’air vicié expulsé
  • Éclairage direct/indirect en suspension à l’aide de fluorescent T5, fluocompact ou de DEL. Niveau d’éclairage réduit à 400 lux, au lieu de 500, pour une densité maximale de 0,9 W/pi ca
  • Modules sans fil et sans piles EnOcean pour le contrôle de la température, de l’éclairage et de la ventilation

 

Performance énergétique

Le bâtiment de référence de la modélisation énergétique utilisait 88 500 m cu de gaz et 721 960 kWh d’électricité. Les interventions réalisées ont fait diminuer la projection de consommation d’énergie à 2 500 m cu de gaz et 526 295 kWh d’électricité.

En considérant un taux d’inflation à 4 %, un prix de 0,25 $/m cu pour le gaz, un prix de 0,08 $/kWh pour l’électricité et un coût net de 431 343 $ pour l’ensemble des interventions en efficacité énergétique, la rentabilité de l’investissement se fera en moins de 10 ans (9,67 années).

La consommation réelle d’énergie (antérieure et actuelle) du bâtiment n’est pas encore disponible. La simulation utilise des taux d’énergie simples et ne tient pas compte des scénarios de puissance et de demande.

 

 

Mesures durables
  • Revalorisation d’un bâtiment existant
  • Préservation des éléments patrimoniaux du bâtiment
  • Blocs sanitaires alignés un par-dessus l’autre afin de réduire la tuyauterie de plomberie
  • Réduction de la tuyauterie des ventilo-convecteurs grâce à un système de distribution à double pompe en série à faible conduit
  • Appareils de plomberie à faible débit (toilette 4,8 L haute efficacité, urinoir 0,5 L ultra low flush, robinetterie à débit réduit et minuté 10 secondes) tous équipés de détecteurs de présence
  • Utilisation de matériaux à faibles émissions de COV
  • Réduction des matériaux de finition (structures des plafonds et des murs apparentes)
  • Nouvelle membrane de toiture blanche afin de réduire l’effet d’îlot de chaleur

 

Équipe du projet

Client : Pierre Barakett et Murray Couture

Architecture : André Roy Architecte

Génie électromécanique : Concept-R

Entrepreneur en immotique : Régulvar

Entrepreneur en électricité : Val-Mauricie Électrique

Entrepreneur en ventilation : Ventilation Arsenault

Entrepreneur en plomberie et chauffage : Multi-Énergie Best

Entrepreneur en construction : Construction G. Therrien