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Le 2-22 : emblème de l’écologie sociale

9 mai 2012
Par Marie Gagnon

Nouvel édifice phare de la vie culturelle montréalaise, le 2-22 se pose comme un emblème de l’écologie sociale.

Fidèle à sa vocation de contribuer à la revitalisation urbaine et de favoriser l’économie sociale, la Société de développement Angus (SDA) remettait officiellement, en février dernier, les clés du 2.22 à ses occupants. Situé au croisement de la rue Sainte-Catherine et du boulevard Saint-Laurent, au cœur de l’ancien Red Light, ce nouvel édifice poursuit deux missions : regrouper divers organismes voués aux arts et à la culture et revitaliser ce secteur mal-aimé en se fondant sur les principes du développement durable.

Et à l’évidence, la SDA peut dire mission accomplie. Réalisé au coût de 20 millions de dollars, l’édifice de  59 089 pieds carré, répartis sur six niveaux, abrite notamment la Vitrine culturelle, les studios de CIBL, la galerie Vox ainsi que des laboratoires de création et des studios de formation. Sa conception, qui vise une certification LEED-NC de niveau Argent, se veut en outre un hommage architectural à ce coin de rue qui a bercé l’imaginaire des Montréalais, comme l’exprime l’architecte Guy Favreau.

« La conception du 2.22 s’appuie sur deux prémisses, indique le vice-président – Architecture et développement durable d’Ædifica. D’abord répondre à une commande, c’est-à-dire loger des institutions culturelles. Ensuite répondre aux conditions du site en l’intégrant aux rues commerçantes du secteur. Ce qui nous a amenés à concentrer un maximum de fonctions au rez-de-chaussée, dont la station CIBL, la Vitrine culturelle, le restaurant Le Saint-Cyr et un hall immense qui fait office de salle multifonctionnelle pour des lancements de disques et d’autres événements culturels. »

Ce pionnier de l’architecture durable explique que, pour satisfaire à ces conditions initiales, les concepteurs ont misé sur un design tout en transparence, tant vers l’intérieur que vers l’extérieur, et des volumes affirmant une présence visuelle forte. Il attire également l’attention sur le coin de l’édifice coupé à 45 degrés, un geste architectural s’inscrivant dans la tradition urbanistique montréalaise, qui a permis de créer une pointe très dramatique au-dessus de l’entrée principale et de dégager une partie du rez-de-chaussée en offrant une perspective pleine hauteur.

Un design adapté

« Sur le plan du design architectural, le principal défi aura été de concilier la présence des organismes culturels et leurs fonctionnalités, note Guy Favreau. Cela s’est notamment reflété sur la fenestration. Par exemple, les dirigeants de la galerie Vox ne voulaient pas de fenêtres, tandis que les autres organismes culturels souhaitaient profiter de vues sur l’extérieur et d’un maximum d’éclairage naturel. Nous avons donc eu l’idée de disposer et de dimensionner les ouvertures afin de répondre à ces besoins divergents. »

Pour permettre l’évolution du bâtiment au fil des ans et des besoins des occupants, les architectes ont misé sur une approche à double paroi pour concevoir l’enveloppe. En plus de créer une belle profondeur, la pellicule de verre qui habille l’édifice autorise ainsi la modification des ouvertures sans pour autant  dénaturer l’architecture. Une conception qui s’inscrit dans la mouvance de la construction durable et qui a été prévue dès les premières esquisses.

En ménageant un espace interstitiel de deux pieds avec le parement extérieur de bois, cette double paroi passive joue en outre le rôle d’une cloche de verre qui contribue à réguler le climat intérieur, notamment en limitant les gains de chaleur. Selon Guy Favreau, ce design représente une économie d’énergie annuelle d’environ 10 %. « Les outils actuels ne nous permettent pas d’en mesurer le rendement en mode actif, car c’est une approche assez récente en science du bâtiment, signale-t-il. Mais c’est important d’en faire si on veut en évaluer le comportement dans le temps. »

Cette cloche de verre a par ailleurs permis aux concepteurs d’opter pour le bois comme parement extérieur. Le choix d’un revêtement en planches d’épinette, qui rompt avec la tradition urbaine habituellement dominée par le béton, l’acier et la maçonnerie, concourt ainsi à affirmer le caractère durable de l’immeuble. Un choix qui reflète également une position politique puisqu’en valorisant les produits forestiers du Québec, il donne un coup de pouce à une industrie en déclin.

Viser la performance

Toutefois, le caractère durable du 2-22 ne s’arrête pas là. Pour briguer la certification LEED Argent, le projet devait notamment atteindre certaines performances, en fonction des critères déterminés par ce système d’évaluation. Bien sûr, en ce qui a trait à l’aménagement, les concepteurs ont tablé sur le contrôle de l’érosion, mais ils ont également renoncé au stationnement intérieur afin de favoriser le transport actif (marche et vélo) et collectif. Il faut dire que l’emplacement géographique du site s’y prêtait bien.

Sur le plan de la gestion efficace de l’eau, un faisceau de stratégies faisant appel à des sanitaires, des robinets et des douches à faible débit ainsi qu’à des urinoirs sans eau a permis de réduire de 48 % la consommation globale de l’édifice. « Pour ce qui est de l’éclairage, il faut se rappeler que le bâtiment marque l’entrée du Quartier des spectacles, souligne Guy Favreau. On a essayé de minimiser les débordements lumineux, mais on a surtout insisté sur des luminaires à DEL, pour la durée de vie de ces ampoules et le fait qu’elles ne contiennent pas de mercure. »

Du même souffle, il relève l’excellent travail accompli par l’entrepreneur général, Groupe TEQ, dans la gestion des rebuts de construction. « Près de 95 % des matières résiduelles ont été récupérées, dit-il non sans fierté. Aussi, le dernier étage, qui a été construit en retrait et abrite une partie des équipements mécaniques et un bar, contribue à réduire l’effet d’îlot de chaleur. On a pu y aménager une grande terrasse et végétaliser une partie du toit. Le reste de la toiture est recouvert d’une membrane blanche à indice de réflectance élevé. »

Pour couronner le tout, des équipements électromécaniques à haute performance, conjugués à une enveloppe à double paroi affichant une résistance thermique supérieure, ont permis de réduire de 35 % la consommation énergétique globale du 2-22, par rapport au bâtiment de référence du Code modèle national de l’énergie pour les bâtiments (CMNÉB). « Si on compare avec l’ensemble du parc immobilier, bâtiments neufs et usagés confondus, cette performance atteint plus de 50 % », avance Guy Favreau.

Survol du chantier

Si l’ensemble de ces interventions répondent aux besoins physiques et organisationnels des occupants, leur mise en œuvre a nécessité un certain doigté de la part des hommes de chantier, rapporte Philippe Lamarre, directeur de projet pour la SDA. « D’abord, on a connu un faux départ en mai 2010, à cause des questions d’admissibilité du projet au programme du fédéral. Le projet s’est définitivement enclenché en octobre de la même année, résume-t-il. Mis à part deux défis majeurs liés au site, la construction s’est déroulée sans anicroches. »

Ces défis, ce sont l’exigüité du terrain – d’une superficie de 9 000 pieds carrés – et la façade sud du 2-22, adossée à un bâtiment – le Club Soda – dépourvu de fondations. Le rez-de-chaussée ne devant être situé qu’à deux pieds des lignes de rues, l’implantation du bâtiment a posé quelques difficultés sur le plan de la logistique des opérations, notamment en ce qui touchait la livraison et l’entreposage des matériaux ainsi que l’accès des véhicules. Pour compliquer un peu plus la donne, la grue a été installée à l’intérieur du site, faute d’espace en périphérie.

« Lors de la conception, on avait déjà prévu un retrait de deux mètres pour les cages d’ascenseurs et la trame structurante afin de ne pas créer d’interférences avec la fondation du bâtiment adjacent, souligne Philippe Lamarre. On a eu toute une surprise lorsqu’une fois sur le chantier, on a constaté que le bâtiment n’avait pas de fondations. Pour éviter l’effondrement, on a dû couler du béton de masse à des fins de soutènement temporaire avant d’excaver par petites sections. On a commencé à respirer une fois coulée la dalle du rez-de-chaussée, ce qui a laissé un espace clos entre les deux édifices… »

Pour cet ingénieur en structure rompu depuis plusieurs années à la gestion de projets, il reste que la réalisation du 2-22 représente un bel exemple de conception intégrée. « Architectes, ingénieurs, entrepreneur général, tout le monde s’est assis à la même table afin de développer, en collégialité, des solutions sur mesure afin de combiner les impératifs des occupants et ceux liés à la conception et à la constructibilité de l’édifice.

« Par exemple, on a pensé à cette double façade de verre pour jouer avec la densité des ouvertures requises et du même coup créer une scène modulable qui reflète l’usage du bâtiment. Dans la même optique, comme le mur mitoyen est aveugle, on a joué sur la fenestration sur les façades nord et ouest afin de maximiser l’éclairage naturel sans nuire à l’efficacité énergétique. De cette manière, on a pu modifier la perception des façades, notamment au niveau de la galerie Vox qui fait 12,5 pieds de hauteur, et ainsi préserver, malgré une fenestration non homogène, une cohérence d’ensemble », conclut-il.

Équipe du projet

Promoteur : Société de développement Angus

Architecture Ædifica et Gilles Huot Architecte

Expertise LEED Ædifica

Génie électromécanique, structural et civil SNC-Lavalin

Ingénierie de la valeur Pageau Morel

Construction Groupe TEQ

Mise en service Bertrand R. Roy

 

Trois faits saillants
  • Détournement des débris de chantier de l’enfouissement dans une proportion de près de 95 %
  • Réduction de la consommation énergétique de 35 % par rapport au bâtiment de référence du CMNÉB
  • Réduction de la consommation d’eau potable de 48 % par rapport à un bâtiment comparable standard

 

Mesures durables
  • Occupation au sol compacte
  • Contrôle de l’érosion
  • Absence de stationnement intérieur favorisant les modes de transport actif et collectif
  • Urinoirs sans eau et autres appareils de plomberie à faible débit (urinoirs : 1,9 l/ chasse ; toilettes : 4,8 l/chasse) ; lavabos : 4 l/min ; douches : 5,7 l/min)         
  • Système de refroidissement (coefficient de performance : 4,65 ; efficacité des moteurs : 88,5 %)
  • Enveloppe performante (mur à double paroi : RSI 3,3 ; murs opaques : RSI 4,9 ; toiture : RSI 4,3)
  • Chauffage au gaz (efficacité de 89 % ; efficacité des moteurs : 88,5 %)
  • Ventilateurs-récupérateurs d’énergie de type air-air (efficacité de 75 %)
  • Quantité d’air neuf déterminée au besoin par une sonde à dioxyde de carbone
  • Éclairage artificiel éconergétique
  • Finis intérieurs à faible émissivité de COV
  • Réduction de la pollution lumineuse
  • Végétalisation d’une partie de la toiture
  • Etc.