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13 septembre 2012
Par Rénald Fortier

Le centre de transport Stinson de la STM : un immense bâtiment dont l’empreinte environnementale sera réduite au maximum. Au premier chef sur le plan de l’intégration.

Pour répondre aux objectifs de son Plan stratégique 2020, qui vise une croissance de l’achalandage de 40 % en 10 ans, soit 540 millions de déplacements, la Société de transport de Montréal (STM) devra bonifier son offre de service de plus de 30 %. Outre l’électrification de son réseau de surface, la démarche nécessitera notamment l’ajout de 420 bus à son parc, qui en compte actuellement 1 680, ainsi que de nouvelles infrastructures.

Et au nombre de ces infrastructures figurera une installation sans nulle autre pareille : le centre de transport Stinson. En chantier depuis la fin de 2011 dans l’arrondissement de Saint-Laurent, ce projet représente un investissement évalué à 165,2 millions de dollars, dont quelque 90 millions dévolus à la construction proprement dite. D’ici l’hiver 2013-2014, il se traduira par l’édification d’un immeuble de 38 400 mètres carrés, étalés en majeure partie sur un plancher.

« Le premier lot de travaux, qui est maintenant achevé, englobait la démolition sélective de trois bâtiments, la décontamination du site, la sécurisation du chantier, l’installation du système de drainage souterrain et la mise en place des fondations périmétriques. Le contrat pour le lot 2, qui portera sur la construction du bâtiment, sera octroyé d’ici la fin de cette année », souligne Jocelyn Leblanc, directeur de projets – Infrastructures réseau des bus, direction exécutive Projets majeurs à la STM.

Fruit d’une conception intégrée, il s’agira du premier centre de transport exclusivement à circulation interne de la STM. Pourvu de voies à son pourtour, il pourra accueillir 300 bus, dont 100 articulés, dans une aire de stationnement située au sud du bâtiment – environ le tiers de la superficie totale des lieux. Il comprendra aussi une zone dédiée aux ateliers de réparation et une autre aux baies de ravitaillement. En surplomb s’ajoutera une barre programmatique qui, arborant une toiture jaune, regroupera des bureaux, des aires de détente à ciel ouvert, des salles et des terrasses où les gens pourront prendre leurs repas ainsi que la salle des systèmes mécaniques.

Il va sans dire que l’implantation d’un bâtiment aussi étendu dans un milieu bâti, et devant de surcroît occuper la majeure partie du terrain lui étant destiné, ne coulait vraiment pas de source. Les différents acteurs associés à la conception du projet auront donc dû voir à l’intégrer de façon à favoriser son acceptation par le voisinage, tout en solutionnant les problématiques environnementales que présentait le site et en visant à réduire au maximum l’empreinte écologique des installations.

Autant de défis qui auront requis l’application de solutions des plus particulières. Comme la circulation des bus qui se fera majoritairement à l’intérieur pour réduire les inconvénients pour les résidents du secteur. Ou comme la toiture qui, pourvue d’un couvert végétal sur environ 25 % de sa surface, aura été traitée comme une cinquième façade pour agrémenter la vue des résidents des tours d’habitation qui avoisinent le site du côté nord.

C’est sans compter le chapelet de mesures durables préconisées pour la construction et l’exploitation du bâtiment, sur lequel la STM aspire à faire apposer la certification LEED-NC, niveau Or, du Conseil du bâtiment durable du Canada (CBDCa).

Verdir le site

L’aménagement écologique de l’immense site bordant la rue Stinson, au nord de l’autoroute métropolitaine, constituait l’un des grands enjeux du projet. À commencer par la nécessité de réhabiliter les sols, principalement contaminés aux hydrocarbures, et de démolir les bâtiments de type industriel léger qui se trouvaient sur les lieux. Dans ce dernier cas, soulignons que les éléments de maçonnerie auront notamment été récupérés et recyclés en granulats, matériel ayant par la suite servi à l’aménagement des sous-fondations des stationnements.

La gestion des eaux de ruissellement, elle, posait un défi autrement plus costaud en raison des exigences imposées par l’arrondissement de Saint-Laurent et le ministère du Développement durable, de l’Environnement et des Parcs (MDDEP). « On nous a demandé de faire beaucoup de rétention d’eau pluviale sur le site pour minimiser l’impact à l’égout, indique Jocelyn Leblanc.

« La difficulté pour nous, poursuit-il, était d’autant plus grande que les bâtiments existants occupaient seulement le quart du site et que là, il s’agit de construire un édifice qui l’occupera en grande partie, plus deux zones de stationnement pour les employés. Comme on avait ainsi plus de surfaces dures, l’équipe de projet a notamment dû travailler au pouce près, ou presque, pour concevoir les aménagements verts sur le terrain. La tâche n’était pas mince. »

Yanick Casault, chargé du projet au sein de la firme d’architecture Lemay et associés, souligne que l’aménagement de la toiture végétale, qui totalise quelque 8 000 mètres carrés, a permis d’éviter d’imperméabiliser davantage le site. Une solution compensatoire qui a été acceptée par le MDDEP. Pour répondre à l’exigence de l’arrondissement de Saint-Laurent en matière de rétention des eaux de ruissellement, il fallait emmagasiner quelque 3 500 mètres cubes d’eau de pluie, rien de moins. Une obligation de résultat qui mènera à la mise en place d’un bassin de rétention en surface ainsi que de 950 mètres linéaires de conduites souterraines surdimensionnées (1 500 mm de diamètre) et dotées d’un réducteur de débit à l’égout.

Et ce n’est pas tout : les eaux pluviales en provenance de la toiture seront récupérées en partie et réutilisées pour le lavage des bus (75 % des eaux récupérées), sauf en hiver évidemment. Une mesure qui prend tout son sens quand on sait que cette opération consomme 95 gallons d’eau par minute.
« La récupération se fera sur deux fronts, indique Jean-François Gagnon, l’un des concepteurs du projet chez Lemay. Dans un premier temps, et comme la STM le fait dans d’autres centres de transport, les eaux de lavage et de rinçage seront récupérées et utilisées de nouveau après avoir été traitées, ce qui permettra de réduire d’environ 70 gallons par minute la consommation d’eau potable qui serait autrement requise.

« Pour essayer de compenser les 25 gallons par minute restants, poursuit-il, les eaux de pluie d’environ la moitié de la barre programmatique seront aussi réutilisées après avoir été captées, filtrées et stockées. Quand on regarde la quantité d’eau qui est consommée quotidiennement pour le lavage des bus, c’est sûr qu’il ne pleut pas assez au Québec pour que l’on puisse éliminer complètement l’eau potable du processus. Mais il reste que l’effort de réduction a été poussé à son maximum. »

En combinant cette mesure avec l’utilisation d’appareils de plomberie à faible débit et à la mise en place d’aménagements paysagers sans irrigation, l’équipe de conception cible une réduction de 40 % de la consommation d’eau potable du centre de transport Stinson, en comparaison aux exigences du système d’évaluation LEED.

Comme si ce n’était pas assez du côté du site, les surfaces végétales y seront augmentées de façon spectaculaire. Grâce à la mise en place du toit vert et d’un mur végétalisé du côté nord, en bordure d’une voie ferrée du Canadien Pacifique, mais aussi à la plantation de 600 nouveaux arbres et la préservation de 130 autres s’y trouvant déjà.

« Plus de 110 arbres ont même été transplantés et mis en jauge sur le site en vue d’être replantés sur le site », note Jean-Jacques Binoux, de Version & Vlan paysage, tout en soulignant que le système de plants de sedums installé sur le toit sera produit à l’avance en serre et qu’il arrivera sur les lieux à maturité, ceci de façon à ce que le voisinage ait illico une vue agréable sur le bâtiment.

Sabrer dans l’énergie

Si l’aménagement du site se révélait crucial pour la réussite du projet, l’optimisation éconergétique du centre de transport Stinson n’était pas en reste, loin de là même. À telle enseigne que les concepteurs visent à réduire sa consommation d’au moins 44 % par rapport à la référence du Code modèle national de l’énergie pour les bâtiments (CMNÉB). « Mais nous sommes confiants qu’au moment de raffiner notre simulation avec les documents finaux, on devrait dépasser la barre des 50 % », indique Julien Allard, ingénieur en mécanique chez Bouthillette Parizeau.

L’atteinte d’un tel niveau de performance s’articulera d’abord sur la récupération de la chaleur sur l’air vicié évacué, puisque les changements d’air seront très importants (plus de 300 000 CFM d’air neuf seront admis, 24 heures par jour, 12 mois par année). L’application de cette stratégie reposera sur l’utilisation de huit échangeurs à cassettes : sept de 40 000 CFM et un de 16 000 CFM qui réchaufferont l’air frais avec une efficacité de 85 %.

« Nous aurons une économie en consommation d’énergie annuelle évaluée à 925 000 dollars par année grâce aux récupérateurs de chaleur, presque un million par an. Le coût d’acquisition représentant environ 3 millions, nous n’avons donc pas hésité longtemps à aller de l’avant avec cette solution », précise Jocelyn Leblanc.

Le chauffage du bâtiment sera complété au moyen de 15 chaudières à condensation au gaz naturel affichant une efficacité supérieure à 90 %. En ce qui concerne plus particulièrement la barre programmatique, elle sera chauffée par un réseau d’eau à basse température (140˚ F à l’alimentation, 110˚ au retour). Il alimentera des cabinets de chauffage installés au périmètre et fabriqués sur mesure, de façon à ce qu’ils arrivent à la hauteur du cadrage de la vaste fenestration.

La climatisation fera appel à du débit d’air variable – pour profiter du refroidissement gratuit –, au niveau des bureaux, ainsi qu’à une tour d’eau de 260 tonnes et de deux refroidisseurs de 130 tonnes chacun. « Il s’agit de refroidisseurs très efficaces, surtout à charge partielle, ce qui est avantageux lorsque l’on fait de la conception pour des températures de pointe qui n’arrivent que quelques fois dans l’année », souligne Julien Allard.

Installation de sonde de CO2, recours à un système d’éclairage éconergétique, apport important de luminosité naturelle – par l’entremise de 21 lanterneaux en pente à deux versants – permettant de réduire les besoins en éclairage artificiel : l’énumération des stratégies et mesures convergeant vers l’efficacité énergétique du bâtiment pourrait continuer de s’allonger, tout comme pour celles préconisées pour sa construction et son exploitation. Autant de solutions qui, en bout de ligne, contribueront à faire du centre de transport Stinson un véritable bâtiment vert, intégré dans une perspective durable dans son milieu.

Équipe du projet

Client : Société de transport de Montréal (STM)

Gestion du projet à la STM : Direction exécutive, Gestion des projets majeurs

Architecture et direction de projet : Lemay associé [architecture, design]

Génie mécanique : Bouthillette Parizeau

Génie électrique : BPR

Génie structural : Pasquin St-Jean

Génie civil : P. Charbonneau et associés/Roche

Aménagement paysager : Version & Vlan paysage

Consultation LEED : Lyse M. Tremblay Éco-Architecture

Contrôle des coûts : Groupe TEQ

Construction – lot 1 : L.A. Hébert (lot 2 : mandat à attribuer)

 

Trois cibles
  • Réduction de la consommation d’énergie d’au moins 44 % (elle pourrait même être portée au-delà de 50 %) par rapport à la référence du CMNÉB
  • Réduction de la consommation d’eau potable de plus de 40 % par rapport aux exigences de LEED
  • Détournement de l’enfouissement d’au moins 75 % des débris de construction

 

Cinq faits saillants
  • Toiture couvrant l’équivalent de sept terrains de football (35 000 mètres carrés) et traitée comme une cinquième façade
  • Circulation de 300 bus, dont 100 articulés, à l’intérieur du centre de transport pour réduire les inconvénients pour les résidents du secteur
  • Respect du critère établi par la Ville en matière de rejet des eaux pluviales (12,40 l/s ha)
  • Économie d’eau potable de 95 gallons par minute pour le lavage de chaque bus grâce à la réutilisation de l’eau de pluie
  • Économie d’énergie annuelle récurrente de près d’un million de dollars générée par la récupération de chaleur sur l’air vicié évacué

 

Technologies éconergétiques
  • Huit récupérateurs de chaleur à cassettes (efficacité de 85 %)
  • Quinze chaudières à condensation (efficacité de plus de 90 %)
  • Une tour d’eau de 260 tonnes avec deux refroidisseurs de 130 tonnes chacun
  • Réseau de chauffage à eau chaude à basse température (140˚ F en alimentation, 110˚ au retour)
  • Système de contrôle centralisé de toutes les composantes électromécaniques du bâtiment
  • Lampes fluorescentes T-8 avec ballasts électroniques et lampes à halogénures métalliques
  • Luminaires commandés par un système de détection de luminosité de l’éclairage naturel
  • Contrôle centralisé des systèmes électromécaniques
  • Etc.

 

Mesures durables
  • Décontamination des sols
  • Démolition sélective de trois bâtiments sur le site
  • Débris de démolition (pierre, béton…) recyclés et utilisés sur le site comme matériau granulaire pour les sous-fondations des stationnements
  • Charpente d’acier à contenu recyclé (entre 69 et 98 % pour les différentes composantes) permettant notamment de réduire la dimension des fondations
  • Réduction des matériaux de finition
  • Toiture coiffée d’un couvert végétal (environ 25 %) et d’une membrane blanche réfléchissante
  • Bassins de récupération d’eau de pluie d’une capacité de 3 000 mètres cubes installés dans les sous-sols du bâtiment
  • Bois FSC exempt de colle et de formaldéhyde (pontage des lanterneaux)
  • Préservation de quelque 130 arbres, dont plus de 110 ont été transplantés et mis en jauge sur le site en vue de leur réintroduction dans l’aménagement paysager prévu, et plantation de 600 nouveaux arbres
  • Rétention des eaux pluviales au moyen d’un bassin intégré à l’aménagement paysager et par des canalisations souterraines pourvues d’un réducteur de débit à l’égout
  • Stationnements des employés disposés de manière à réduire les déplacements et les émissions de GES sur le site
  • Zones de stationnement ombragées à 40 %
  • Réduction de la pollution lumineuse
  • Apport important de luminosité naturelle
  • Mur végétalisé du côté des habitations bordant le site au nord
  • Bornes de recharge pour véhicules électriques
  • Aménagements paysagers sans irrigation
  • Appareils de plomberie à faible débit
  • Espaces de stationnement pour les véhicules en autopartage
  • Rangement intérieur pour 70 bicyclettes
  •  Etc.