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Le Mountain Co-op Equipment de Longueuil

28 avril 2011
Par Rénald Fortier

Le magasin de Longueuil de Mountain Co-op Equipment : un bâtiment dont la performance repose sur l’équilibre entre les stratégies durables intégrées à son design.

Début des années 2000. Mountain Equipment Co-op (MEC) sort des sentiers battus avec la construction de son bâtiment vert du Marché central, à Montréal. C’est qu’à cette époque pourtant pas si lointaine, il y a encore trop de doigts dans une seule main pour compter les édifices commerciaux, voire institutionnels et industriels aussi, pouvant vraiment afficher cette étiquette au Québec. En témoigne d’ailleurs toute l’attention que les médias, tant ceux grand public que spécialisés, portent alors à ce projet.

Sept ans plus tard, le détaillant coopératif de matériel et de vêtements de plein air emprunte la même voie au moment de s’établir à Longueuil, arrondissement Greenfield Park. Signe que la nouveauté s’est estompée et que le bâtiment écologique a réalisé des avancées significatives dans l’intervalle, son projet ne suscite guère d’engouement médiatique cette fois. N’empêche qu’il se traduit par un magasin qui n’en est pas moins vert que celui de Montréal ; même qu’il est encore plus performant sous certains aspects.

L’architecte montréalaise Vouli Mamfredis était chaque fois de l’aventure, comme la plupart des membres de l’équipe ayant participé au projet du Marché central d’ailleurs. Elle commente : « Pour le magasin de Montréal, il nous fallait carrément innover. Les matériaux écologiques étaient alors beaucoup plus rares, sans compter que bien des technologies éconergétiques commençaient à peine à émerger. En plus, on allait à contre-courant des pratiques dans le secteur du bâtiment, notamment sur le plan de la gestion des déchets de chantier. »

Dans le cas du magasin de Longueuil, l’associée de Studio MMA, atelier d’architecture, convient que l’équipe de projet n’avait pas nécessairement à réinventer la roue. Reste qu’elle n’est pas peu fière ce cette réalisation, d’autant plus qu’on en a par la suite fait un copier-coller intégral, ou presque, lorsque MEC s’est installée à Barrie, Ontario. « Nous avons poussé très loin l’intégration de solutions novatrices, explique-t-elle, mais qui étaient cependant davantage éprouvées. Mieux maîtrisées aussi, autant sur le plan de la conception que sur celui de la mise en œuvre au chantier. »

 

C’est ainsi que le MEC du boulevard Taschereau, inauguré en novembre 2009 après un investissement en construction de 5,7 millions de dollars, est le fruit de l’équilibre établi entre les stratégies durables dont il est la somme. Chacune a été pensée et appliquée pour concourir avec les autres à l’atteinte d’une haute efficacité environnementale.

Comme l’illustre on ne peut mieux l’exemple de la toiture pourvue de dents de scie. À savoir des sections en pente qui rappellent le design classique des toits (en « shed ») des bâtiments industriels du 19e siècle, début 20e, mais dont les proportions donnent plutôt l’impression qu’il s’agit de trappes d’accès de lumière s’ouvrant vers le ciel.

L’idée derrière le recours à cette solution : optimiser l’apport de la luminosité naturelle à l’intérieur du magasin, sans avoir à sacrifier de l’espace d’étalage mural. Non seulement cette solution contribue-t-elle à créer un environnement intérieur agréable, mais aussi à sabrer la consommation d’énergie requise pour éclairer le bâtiment. Ceci en étant intégrée à un système d’éclairage artificiel composé de luminaires T-5 avec ballasts électroniques, ainsi que de détecteurs de luminosité et de mouvement.

« On a calculé qu’au MEC du Marché central, un bâtiment très performant sur le plan énergétique, l’éclairage comptait pour 50 % de la consommation totale d’énergie, explique l’ingénieur Roland Charneux, vice-président exécutif de la société de génie-conseil Pageau Morel. Nous avons donc décidé de miser sur la luminosité naturelle pour le magasin de Longueuil, puisqu’elle permet de réduire de l’ordre de 35 % la part de l’éclairage artificiel. »

 

Intégration du concept

C’est à la suite de l’analyse de différentes options, notamment des puits de lumière conventionnels, qu’a été arrêté le choix du concept en dents de scie. Vouli Mamfredis explique : « Un tel toit permettait de profiter au maximum de la lumière du jour, bien sûr, mais également de définir le caractère du magasin sur les plans de l’esthétique et de la perception. C’est une stratégie que j’aime beaucoup parce qu’elle a notamment permis de faire en sorte que le bâtiment se transforme selon le point de vue, autant de l’extérieur que de l’intérieur. »

Une attention particulière a cependant dû être portée à la conception des dents de scie, au premier chef pour prévenir les risques d’infiltration dans les noues. Elles ont donc été dotées de pentes pour drainer l’eau vers le toit plat (avec drains), à l’est, et vers des descentes pluviales ouvertes en acier inox, à l’ouest. Les détails du toit, dont certains ont même été dessinés en 3D, ont été conçus en collaboration avec le fabricant de la membrane pour assurer l’étanchéité de l’installation.

Il faut dire que l’intégration de cette toiture atypique a été coordonnée dès l’étape des esquisses, notamment pour voir à ce que son système structural (composé de chevrons en bois lamellé-collé et de fermes en acier) ait des portées efficaces permettant des volumes harmonieux. De même pour veiller à ce qu’elle n’affecte pas la performance énergétique du bâtiment, car l’optimisation de l’éclairage naturel signifie évidemment une augmentation de la surface vitrée, donc des gains thermiques en été et de la déperdition de chaleur en hiver. La quantité d’énergie devra nécessairement être plus grande pour climatiser ou chauffer le bâtiment selon la saison.

« Quand on met du vitrage, indique Roland Charneux, on remplace de l’électricité qui aurait autrement été consommée pour l’éclairage. Les pertes de chaleur qu’on occasionne, on peut cependant les traiter avec d’autres sources énergétiques. Au magasin de Longueuil, on a choisi de le faire avec un système géothermique qui, avec quatre pompes à chaleur d’une capacité nominale de 10 tonnes chacune, répond à 100 % des besoins en chauffage et en climatisation. On peut ainsi réduire les pertes avec trois fois moins d’énergie, donc de façon rentable.

L’excès de chaleur, lui, est évacué au moyen d’une ventilation naturelle hybride. Lorsqu’il s’accumule dans la partie haute des dents de scie, des thermostats y actionnent des volets automatisés. Comme le bâtiment est orienté sud-est, les vents dominants venant de l’ouest exercent un effet de succion sur les dents de scie, ce qui rend la solution d’autant plus performante.

Soulignons que le magasin est pourvu d’un système de ventilation par déplacement alimenté au plancher par 148 diffuseurs, couplés à un réseau de gaines enfouis sous la dalle radiante. Cette dernière, et c’est là une autre stratégie particulière concourant à l’optimisation énergétique du bâtiment, fait huit pouces d’épaisseur plutôt que six. Pourquoi ? Tout simplement parce qu’elle a été conçue pour stocker de l’énergie.

« En hiver ou en mi-saison, explique Roland Charneux, on n’a pas besoin de chauffage le jour en raison de la chaleur dégagée par les occupants et l’éclairage ainsi que l’apport du solaire. Pour éviter de rejeter l’excès de gains solaires à l’extérieur, on récupère cette chaleur dans la partie haute de la toiture, on refroidit l’air et l’on injecte la chaleur ainsi récupérée dans la dalle de béton. La nuit, la chaleur est relâchée pour chauffer le bâtiment. »

L’ingénieur montréalais note que cette façon de faire a aussi permis de sous-dimensionner le système géothermique. « La masse thermique au plancher, précise-t-il, permet de faire fonctionner les quatre pompes à chaleur sur une plus longue période. Parce qu’au lieu de répondre instantanément à la demande, on peut s’y préparer à l’avance et accumuler de la chaleur ou du froid dans la dalle. On a donc besoin de moins de puits et de pompes à chaleur. »

D’autres mesures convergent vers l’efficacité énergétique du bâtiment tant sur les plans électromécanique (récupération de chaleur de l’air évacué et des eaux de drainage de deux douches, chauffage solaire de l’eau domestique…) qu’architectural (panneaux structuraux isolés préfabriqués, surface intérieure blanche du toit pour réfléchir la lumière…). Une intégration de solutions durables qui se reflète aussi du côté de l’aménagement du site, de la gestion efficace de l’eau, des matériaux utilisés et de la qualité des environnements intérieurs. Et qui fait qu’aujourd’hui, le projet brigue la certification LEED-NC, niveau Or.

Équipe de projet

Client : Mountain Equipment Co-op
Architecture et consultation LEED : Studio MMA, atelier d’architecture
Génie électromécanique et énergie : Pageau Morel
Génie structural : Cleland Jardine
Génie civil : Vinci Consultants
Urbanisme et aménagement paysager : Fahey + associés Gérance de construction Broccolini Construction
Commissioning : GES Technologies

Faits saillants
  • Réduction de la consommation d’énergie mesurée de l’ordre de 50 % par rapport à la référence du Code modèle national de l’énergie pour les bâtiments.
  • Réduction de la consommation d’eau potable de 73 % par rapport à un bâtiment similaire standard.
  • Réduction de 74 % des eaux rejetées à l’égout.
  • Récupération de 68,4 % des déchets de construction (une performance qui aurait été plus élevée n’eut été des efforts déployés pour réduire les matériaux et la production de débris sur le chantier).
  • Qualité de l’air intérieur supérieure à la norme ASHRAE 62.1

Stratégies durables
  • Optimisation de l’éclairage naturel au moyen d’un toit en dents de scie
  • Éclairage artificiel avec luminaires T-5
  • Détection de luminosité et de mouvement
  • Éclairage extérieur minimisant la pollution lumineuse
  • Enveloppe performante (R-40 au toit ; R-30 aux murs ; R-10 sous la dalle ; R-4 pour le vitrage à faible émissivité)
  • Panneaux structuraux isolés préfabriqués exempts de formaldéhyde et constitués de bois certifié FSC
  • Réduction du volume des matériaux utilisés
  • Matériaux à contenu recyclé ou fabriqués à partir de ressources rapidement renouvelables
  • Ventilation par déplacement alimentée par 148 diffuseurs intégrés au plancher
  • Équipement de plomberie à faible débit et urinoir sans eau
  • Robinetterie à détection de présence
  • Récupération de l’eau pluviale en provenance de la toiture pour alimenter les toilettes
  • Aménagement paysager sans irrigation
  • Jardin de pluie traitant les eaux de ruissellement avant leur rejet à l’égout
  • Membrane de toiture blanche atténuant les îlots de chaleur
  • Chauffage et climatisation géothermiques (100 % des besoins)
  • Plancher radiant comportant un réseau de tuyauterie circulant un mélange eau/propylène/glycol à basse température
  • Stockage thermique dans la dalle de plancher (épaisseur de 8 po)
  • Récupération de la chaleur de l’air évacué par un échangeur à cassette (efficacité de 75 %) pour préchauffer l’air neuf
  • Récupération de la chaleur (35 %) des eaux grises évacuées par deux douches
  • Etc.

 

 

Les dents de scie

La toiture du MEC de Longueuil est composée de six sections de toits en pente de 20 degrés, de 6,1 mètres de large sur 24,4 mètres de long. La portion verticale de 1,2 mètre de chaque dent de scie est vitrée avec une unité à haute efficacité scellée. La partie en angle est bien isolée et couverte d’une membrane TPO blanche qui permet d’optimiser la quantité de lumière réfléchie au travers de la fenêtre. Le côté non visible – l’extrémité de la dent de scie, qui fait face au toit de l’entrepôt, comporte un volet automatisé qui fait sortir l’air chaud du magasin pendant 50 % de l’année.

 

 

L’économie d’énergie

L’éclairage du MEC à Longueuil, selon des simulations réalisées par Pageau Morel au moment de la conception, consomme 129 950 kWh annuellement, alors que la référence du Code modèle national de l’énergie pour les bâtiments s’établit à 200 924 kWh. La consommation énergétique totale mesurée de l’édifice, elle, est de 407 400 kWh par année, soit une réduction de 384 000 kWh par rapport à la référence du CMNÉB. Il en résulte une économie annuelle de l’ordre de 30 800 dollars.