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7 février 2015
Par Marie-Noëlle Deblois

Un concept architectural s’articulant autour de l’utilisation des ressources climatiques environnantes. Au premier chef le vent.

Aquilomorphisme. En latin classique, aquilo signifie vent qui souffle du côté nord et morphisme fait référence à la forme. Et c’est aussi l’appellation du concept qui aura permis à Philippe Charest de mériter la bourse Voir vert à l’occasion du vernissage des Finissants 2015 de l’École d’architecture de l’Université Laval. Une idéation portant sur la réinterprétation de l’aréna communautaire. 

Les sports de glace étant solidement ancrés dans la culture québécoise, on compte plus de 500 arénas étalés aux quatre coins de la province. Comme il s’agit d’espaces confinés en raison des contraintes qu'exigent leur chauffage et leur climatisation, il en résulte trop souvent une architecture banale de type industriel. « Le projet consiste à revisiter la configuration typique de l'aréna en disposant la surface de jeu à l'extérieur pour réaffirmer les origines des sports hivernaux, adapter l'usage au climat et atteindre l'autonomie énergétique », explique Philippe Charest. 

Pour ce faire, il s'est notamment inspiré du concept de l'enveloppe éolienne. Cette théorie démontre le potentiel créateur du phénomène éolien et l'importance de son intégration dans la forme architecturale. « De par son caractère imprévisible, précise-t-il, le vent a été relayé au second plan dans la conception de la forme architecturale. Pourtant, il occupe un rôle primordial dans la mesure du confort, lui qui influe entre autres sur la ventilation naturelle, le confort thermique et l'enneigement. » 

L'étude de l'enveloppe éolienne fusionne deux concepts existants : l'enveloppe solaire, qui détermine les ombres projetées à différents moments de la journée, et le concept d'ombre du vent, qui représente les zones de basse pression générées lors du passage du vent autour des obstacles. En jumelant ces deux concepts, on obtient une volumétrie générée par le vent qui s'apparente davantage à la forme architecturale. 

Moteur de création

Afin d'obtenir un volume optimal, l'environnement devait être ouvert et comporter peu d'obstacles.  Le lieu d'implantation choisi se trouve à Montmagny. Le finissant en architecture explique : « Le site est vaste et plat et accueille, en plus de l'aréna actuel, des pavillons agricoles utilisés pour les foires, les expositions et les festivals. Sa grande perméabilité permettait de faire des simulations éoliennes intéressantes, autant pour comprendre les microclimats que pour le développement formel. » 

L'accueil, les vestiaires et le local mécanique sont entièrement intérieurs, autant d’espaces serviront d'obstacles au vent. « J'ai tout d'abord construit plusieurs maquettes du site et des espaces intérieurs, indique Philippe Charest. J'ai ensuite submergé ces prototypes dans l'eau, puis je les ai fait geler. Puis, j'ai orienté les blocs au sein d'un canal hydraulique en fonction des différents vents dominants. L'eau, plus chaude que la glace, a érodé la matière et créé un volume. La glace fond plus rapidement dans les endroits où il y a plus de turbulence, donc plus de vent. » 

Chacun des volumes a ensuite été transcrit et numérisé. Et, grâce à un logiciel de modélisation, les différentes formes ont été jumelées pour enfin former la structure du bâtiment. « Il aurait évidemment été plus simple de ne faire qu'une fois l'exercice, observe le lauréat de la bourse Voir vert, mais le résultat n'aurait pas été représentatif, car le vent reste un phénomène grandement imprévisible. En essayant plusieurs prototypes, il en résulte des solutions uniques à chacune. » 

Géothermie, système de récupération de chaleur, système de réfrigération à l'ammoniac : plusieurs solutions techniques durables sont maintenant intégrées aux arénas. Bien qu'elles soient efficaces, Philippe Charest a voulu intégrer les stratégies durables de l'aréna au parti architectural dès sa conception. Son objectif n'était pas simplement de bâtir une belle patinoire extérieure, mais plutôt d'exploser l'enveloppe de l'aréna traditionnelle en créant un jeu d'espaces et de sous-espaces qui contribuent à l'atteinte de l'autonomie énergétique, l'intégration du bâtiment au milieu et la connexion des usagers à l'environnement. 

« Pourquoi ne pas tout simplement utiliser davantage le climat pour refroidir la glace, concevoir des espaces confortables en harmonie avec notre environnement et offrir un design spectaculaire, à la hauteur de l'engouement des gens pour les sports de glace », questionne-t-il en concluant.

Le choix du lauréat

Le lauréat de la bourse de 1 000 dollars remise par Voir vert, Philippe Charest, a été choisi sur la base des concepts bioclimatiques intégrés à son concept Aquilomorphisme.

Appelé à étudier les candidatures, André Potvin, professeur titulaire à l’École d’architecture de l’Université Laval, commente : « Ce projet s’attaque à la réinterprétation de l’aréna communautaire dans une perspective de réappropriation extérieure des sports d’hiver et de la minimisation des impacts environnementaux.

« Les techniques à la fois analogiques et numériques de simulation et de traduction du vent en architecture, poursuit celui qui est aussi codirecteur du Groupe de recherche en ambiance physique, démontrent une grande innovation méthodologique et une grande maîtrise de la forme architecturale. »

Outre Aquilomorphisme, les projets finalistes de la bourse Voir vert, concept bioclimatique étaient Jardins miniers, de Marie-Andrée Groleau, et Agrotourisme urbain, de Sarah Landry – lauréate de la bourse Coarchitecture, meilleur projet en développement durable.