Aller au contenu principal
x

L’écoquartier La Cité Verte - Stratégies et technologies éconergétiques

14 juillet 2011
Par Marie-Ève Sirois *

Les stratégies et technologies éconergétiques intégrées par l’équipe de conception du projet de La Cité Verte. 

Suivi du projet :
- Le projet

Stratégies et technologies éconergétiques

Utilisation rationnelle de l’énergie : le slogan de Poly-Énergie, responsable de l’efficacité énergétique et du design environnemental de La Cité Verte, illustre bien l’approche qui a guidé la conception de cet écoquartier et qui fait en sorte qu’il se démarque au Québec sur le plan éconergétique. Non seulement avec sa chaufferie urbaine qui sort de l’ordinaire, mais aussi avec ses systèmes de mesurage et de contrôles, ses équipements de stockage thermique, ses balcons solaires et son système de collecte des matières résiduelles.

À tous moments, les résidents pourront être au fait de leurs consommations d’électricité, de chauffage, d’eau chaude domestique (ECD) et d’eau potable, à partir d’un écran tactile Delta Human to Machine Interface (DHMI), situé dans chaque unité. L’outil DHMI fait office de station de contrôle et de communication ; on pourra même comparer la performance environnementale d’une unité avec la moyenne de la communauté.

Afin de rationaliser davantage les besoins énergétiques de CV, l’enveloppe des bâtiments existants a été réisolée et une nouvelle membrane d’étanchéisation a été installée du côté extérieur. « L’architecte du projet, Pierre Mercier, a insisté sur ces deux aspects, indique d’ailleurs le président de Poly-Énergie, Claude Routhier. D’ailleurs, lors d’une vérification thermographique, on a constaté à quel point l’enveloppe performait bien ». Les bâtiments neufs ne sont pas laissés pour compte. Bien que les critères d’isolation soient plus faibles pour les bâtiments en hauteur à structure de béton, SSQ Immobilier a choisi de viser des valeurs de l’ordre de celles du programme Novoclimat, régi par l’Agence de l’efficacité énergétique.

À l’égard des sources d’énergie, l’objectif principal des concepteurs était d’utiliser l’électricité à bon escient, soit d’éviter de la dissiper en chaleur pour le chauffage direct. Selon Claude Routhier, l’option renouvelable tout indiquée était la biomasse : sous forme de granules de bois, ressource locale et abondante, bilan de carbone quasi neutre, facilité de stockage et de manutention. Avec un tel  combustible, la centralisation des équipements présente plusieurs avantages, d’autant plus s’il est prévu de stocker de la chaleur. « On devrait concevoir plus de systèmes de chauffage centralisé, notamment pour les copropriétés, précise l’ingénieur. Avec une seule chaufferie, il est plus facile de contrôler l’efficacité du système et la source d’approvisionnement énergétique. »

Technologies

Un fournisseur de granules de bois de Saint-Félicien a été identifié pour approvisionner la chaufferie urbaine. Du point de vue environnemental, SSQ Immobilier a conclu un contrat de transport digne de mention. Le ravitaillement en granules de CV permettra de mieux rentabiliser le voyage des camions qui font l’aller-retour entre Québec et le Saguenay-Lac-Saint-Jean. Le marché principal des transporteurs étant d’acheminer des céréales et moulées aux fermes laitières en région, les semi-remorques retournent parfois vides vers Québec. Grâce aux quelque 80  nouveaux chargements de granules annuels vers Québec, les coûts et impacts environnementaux du transport des granules sont grandement réduits.

La granule de bois est un combustible densifié dont la composition influence le rendement énergétique et la qualité de la combustion. Bien qu’il n’y ait pas de norme québécoise ou canadienne traitant de la composition de la granule de bois, « le fournisseur du Saguenay-Lac-Saint-Jean entend respecter la norme européenne en vigueur » pour la granule, indique l’une de leurs préposées, Josée Lamontagne. D’ailleurs, l’efficacité des chaudières en dépend, selon le fabricant Viessmann. Précisément, la norme DIN 51731 dicte la composition des granules de bois de la façon suivante : moins de 10 % d’eau, densité uniforme (1 t/m3) et faibles teneurs en poussières et en cendres.

Les chaudières à la biomasse nécessitent deux heures pour atteindre leur puissance maximale. Face à une demande soudaine en chauffage, la chaufferie de CV peut puiser dans une réserve d’eau chaude de 50 000 litres, qui sert de tampon lorsque les besoins thermiques du réseau augmentent brusquement. Inversement, lors d’une diminution rapide de la demande, la chaleur excédentaire peut y être stockée, le temps de diminuer la puissance de combustion.

Lors de notre visite de chantier, Claude Routhier a souligné l’isolation supérieure du réseau de chauffage : « Souvent, les valves des réseaux ne sont pas bien isolées, ce qui engendre des pertes thermiques significatives. Ici, les tuyaux sont équipés de capsules d’isolation amovibles, en plus d’être recouverts d’une gaine de métal, moins susceptible d’être abimée à long terme. »

Pour des raisons énergétiques, mais aussi d’esthétique et de confort, on a conçu des balcons dits solaires. Ces derniers sont munis de parois de verre amovibles, qui servent à créer une zone tampon. En mi-saison, le balcon solaire est un lieu à température clémente, à l’abri du vent. En hiver, il protège contre les intempéries et sert de couche d’isolation additionnelle. En été, il peut protéger de la pluie ou du soleil, s’il est muni d’un système d’occultation qui protège du rayonnement solaire.

Parmi les options considérées par l’équipe de Claude Routhier, figuraient des éoliennes et des capteurs solaires thermiques « Les éoliennes disponibles sur le marché sont trop chères pour l’énergie qu’elles produisent, fait-il remarquer, alors que les panneaux solaires étaient peu attrayants en comparaison avec l’énergie renouvelable provenant de la biomasse. »

La mécanique des maisons de ville sera tout de même prête à accueillir des capteurs solaires, pour le cas où les propriétaires souhaiteraient en installer. Ce sera un choix individuel à défaut d’être imposé à tous les résidents de CV. La production centralisée d’eau refroidie (pour la climatisation) n’a pas été retenue pour La Cité Verte, mais le concepteur ne ferme pas la porte à la centralisation d’un tel système pour de futurs projets.


* Marie-Ève Sirois est directrice d’Écobâtiment

Les cibles
  • Consommation énergétique 30 % sous la barre des exigences établies par le CMNEB.
  • Pour 93 000 m2 de surface de plancher, les besoins énergétiques annuels ont été évalués selon la répartition suivante : 4 000 000 kWh pour la production d’ECD, 6 000 000 kWh pour le chauffage des espaces et 10 000 000 kWh pour la consommation électrique des appareils. Cela confère une consommation théorique de 0,77 GJ/ m2.
  • Selon le rendement énergétique des granules de bois, évalué à environ 5 kWh/kg, l’efficacité annuelle du réseau de chauffage urbain est estimée à un peu plus de 76 %.
  • L’énergie thermique de CV sera vendue aux résidents au même tarif que l’électricité au tarif D fournie par Hydro-Québec à l’heure actuelle : 0,0753 $/kWh.
  • Consommation d’eau potable prévue pour 172 l/pers./jour, la moyenne canadienne résidentielle, selon Ressources naturelles Canada, est de 350 l/pers./jour.

 

L’enveloppe
  • Dans toutes les unités, des fenêtres ouvrantes sont positionnées de manière à favoriser une ventilation naturelle.
  • Les fenêtres sont équipées de systèmes d’occultation pour prévenir les surchauffes.
  • L’ensemble des bâtiments est recouvert par un isolant extérieur continu, ce qui limite l’effet de pont thermique. De la même manière, les éléments structuraux pénétrant l’enveloppe (telles des solives de balcons) sont munis d’un système de dissociation, qui limite aussi les déperditions thermiques.
  • La fenestration, homologuée Energy Star, est constituée de vitrages doubles (RSI 0.7; R-4).
  • Toitures blanches à faible émissivité.
  • Les brise-soleil favorisent le confort des occupants et la protection de l’enveloppe contre les intempéries.
  • Le niveau d’isolation des bâtiments neufs, même pour ceux en béton, atteint ou dépasse les valeurs du programme Novoclimat :
    • Murs : 4.31 RSI (R-24.5)
    • Toits : 7.22 RSI (R-41)
    • Murs sous-sol : 2.99 RSI (R-17)
    • Dalle : 1.32 RSI (R-7.5)
  • L’isolation des bâtiments existants est, en tout point, égale ou supérieure au barème établi par la norme ASHRAE 90.1-2007. Ainsi, pour CV, on obtient :
    • Murs : 3.9 RSI (R-22)
    • Toits : 4.74 RSI (R-27)
    • Murs sous-sol : 3.52 RSI (R-20)
    • Dalle : 1.76 RSI (R-10)

 

Les technologies

Système de communications et de contrôles

  • Les consommations d’électricité, d’apport thermique, d’eau potable et d’ECD seront mesurées et comparées avec celles des autres résidents de CV.


Collecte pneumatique des matières résiduelles

  • Les matières résiduelles de CV seront acheminées vers un terminal de collecte centralisé, par le biais de bornes de collecte reliées à des conduites souterraines. À l’intérieur de ces conduites, le transport des matières s’effectue par succion.
  • Selon le manufacturier suédois Envac, un tel système réduit de 33 % le kilométrage parcouru annuellement par les véhicules lourds pour la collecte et le transport hors site.


Récupération de chaleur

  • Les petits appareils CVC (chauffage, climatisation, ventilation) de chaque unité possèdent une efficacité de récupération de chaleur de 70 % dans les appartements et de 74 % dans les espaces commerciaux. La chaleur est rejetée dans le réseau de chauffage.


Éclairage et signalisation efficace

  • L’éclairage public est équipé de dispositifs à diodes électroluminescentes (DEL) avec détecteurs de mouvement, dont l’intensité varie selon les besoins des utilisateurs.
  • L’éclairage intérieur est assuré par des ampoules fluocompactes ou encore des dispositifs à DEL.
  • 70 % des luminaires des espaces commerciaux sont contrôlés par des détecteurs de présence.
  • Le niveau d’éclairage est balisé comme suit :
    • appartements : 3,52 W/m2
    • corridors : 7,41 W/m2


Conception solaire passive

  • Le choix des matériaux a notamment été effectué dans le but de maximiser les gains solaires passifs.

 

La chaufferie urbaine

Centrale thermique

  • Une puissance totale de 5 MW est assurée par quatre chaudières à la biomasse Viessmann Pyrotec 1250.
  • L’efficacité des chaudières est évaluée à 85 %.
  • Le coût de la centrale thermique est évalué à 7,5 M$.
  • Les chaudières sont équipées de 2 systèmes (en série) de récupération de chaleur des gaz de combustion : un échangeur de chaleur à contact suivi d’un à refroidisseur par pompe à chaleur.


Biomasse

  • Le rendement énergétique des granules de bois mou est de 5 kWh/kg. La chaufferie consommera 2 600 000 kg de granules par an, pour fournir des besoins thermiques de 10 M de kWh, ce qui équivaut à une efficacité calculée de 76,9 % pour le réseau de chauffage urbain de CV.
  • Le prix de la granule varie entre 180 et 225 $/t métrique à ce jour.
  • Si les granules utilisées sont conformes à la norme européenne DIN 51731, et que les chaudières sont bien entretenues, les émissions de combustion ne devraient pas excéder :
    • 50 mg/Nm3 de particules fines
    • 200 ppm de monoxyde de carbone (CO)
    • 150 ppm d’oxyde d’azote (NOx)
  • Annuellement, 9 000 kg de cendres provenant de CV pourront être utilisés pour amender les terres agraires, en remplacement de la chaux.
  • Le stockage et l’approvisionnement des granules se font à l’aide d’équipements agricoles, dont un silo de 450 m3, haut de 21 m.


Stockage thermique

  • Deux réservoirs en acier, d’une capacité de 25 000 litres chacun, servent à emmagasiner de l’eau chaude sous pression dont la température peut varier entre 90 et 120 °C.


Réseau de distribution du chauffage urbain

  • Les tuyaux d’alimentation (90 °C) et de retour (50 °C) sont logés, côte à côte, dans une seule enveloppe isolante composée de 4 po d’isocyanurate, ce qui procure une valeur isolante d’environ RSI 3.87 (R-22).
  • Le réseau de distribution est composé d’une boucle primaire, longue de 2 km, destinée à alimenter les 21 sous-stations de chauffage, qui ravitaillent les boucles secondaires des bâtiments, par le biais d’échangeurs à plaques.
  • Dans les bâtiments, on distribue de la chaleur par le biais de planchers radiants et de radiateurs à basse température.
  • Sur la boucle primaire, une pompe de 25 HP est nécessaire en hiver ; en été, 5 HP font l’affaire.
  • Les boucles secondaires des bâtiments sont actionnées à l’aide de circulateurs dont la puissance varie de 3 à 7,5 HP.
  • Toutes les pompes sont équipées d’entraînements à vitesse variable.
  • Les pertes thermiques du réseau sont évaluées à 5 %.



Plan d’urgence

  • Redondance du système de chauffage de 100 % assurée par une chaudière d’urgence, d’une puissance de 5,2 MW, qui fonctionne au gaz naturel.