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La Maison du développement durable - Le processus de design intégré de la MDD

18 novembre 2010
Par Rénald Fortier

Jamais un projet de bâtiment écologique n’aura été aussi loin sur le plan du design intégré au Québec. Bienvenue dans l’univers exploratoire de la MDD.

Suivi du projet :
- Le projet
- Le forage des puits géothermiques
- Le processus de design intégré
- Le choix du béton pour la structure

Le processus de design intégré de la MDD

Cinq. C’est le nombre d’années qu’il aura fallu pour que le projet de la Maison du développement durable (MDD) passe de l’idéation au chantier, angle Sainte-Catherine et Clark, au centre-ville de Montréal. Une véritable épopée durant laquelle ses principaux artisans feront fi des idées préconçues pour façonner cet édifice appelé à faire école au Québec, voire à l’échelle canadienne, en matière de stratégies et de technologies environnementales intégrées.

Il faut dire que le promoteur, Équiterre, a placé très haut la barre d’entrée de jeu. Non seulement vise-t-il alors à faire de la MDD un projet écologique phare, à vocation démonstrative de surcroît, mais aussi tient-il à y apposer la certification LEED Platine (minimum de 52 point sur 70) du Conseil du bâtiment durable du Canada. Rien de moins.

Si les défis que pose le projet sont grands, sinon extrêmes pour l’époque – on est encore dans la première moitié des années 2000, n’empêche qu’Équiterre est bien déterminé à atteindre ses objectifs. À telle enseigne que l’organisme environnemental n’hésite pas à sortir des sentiers battus et à imprégner une dimension expérimentale au processus de design.

Le signal lancé à l’équipe de projet, embauchée dans la foulée d’un appel d’offres émis en 2005, est on ne peut plus clair : la MDD verra le jour sous le signe de l’intégration, tant sur le plan de son processus de conception que sur celui de sa composition. Et tous les concepts et technologies susceptibles d’optimiser la teneur écologique du projet devront être considérés, dans la mesure du possible évidemment.

« Il allait de soi que le projet fasse l’objet d’un design intégré, puisque c’est la fondation d’un bon projet d’architecture qui se donne des objectifs de développement durable, commente Sydney Ribaux, coordonnateur général d’Équiterre et président de la MDD. Nous y avons ajouté le volet exploratoire pour contribuer à l’avancement du bâtiment durable, mais aussi pour que nos professionnels en arrivent à concevoir un projet comme ils n’en avaient jamais fait. » 

L’aventure, car c’est bien de cela qu’il s’agit, s’annonce donc tout aussi grisante que déroutante pour le consortium pluridisciplinaire réunissant Menkès Shooner Dagenais LeTourneux Architectes (MSDL), les sociétés d’ingénierie Bouthillette Parizeau (électromécanique) et Pasquin St-Jean et associés (structure et civil) ainsi que l’entrepreneur Pomerleau. Comme en a déjà témoigné le processus menant à sa sélection.

Anik Shooner, associée de MSDL, relate : « Nous avons notamment dû nous soumettre à une entrevue collective qui a duré une bonne demi-journée. On nous posait une question, on nous demandait d’y travailler pendant 25 minutes, puis nous avions cinq minutes pour synthétiser et répondre. Pendant ce temps, on observait nos échanges pour mesurer notre capacité à travailler ensemble et à nous engager dans un processus de conception intégrée, ainsi que pour voir si nous étions ouverts à l’expérimentation. »

Mais la dimension exploratoire prend vraiment tout son sens à compter de l’automne 2006, alors que le design du projet se transporte au Laboratoire de collaboration assistée par ordinateur en conception de l’École de technologie supérieure. L’équipe de la MDD sera la première à utiliser cette installation inédite pourvue de technologies de collaboration visant à supporter le processus de conception : écrans géants interactifs servant de surface de projection, écran 3D rétroprojeté, logiciel de collaboration et de partage d’information TeamSpot, logiciel de dessin et d’annotation Activstudio, etc.

L’équipe de projet y planche sur le concept préliminaire durant huit mois avec le concours de plusieurs autres intervenants. Parmi eux se trouvent notamment des chercheurs, mais aussi une batterie d’experts en enveloppe, en ergonomie, en énergie, en coûts de construction, en gestion des matières résiduelles et en bâtiment durable. Sans oublier la participation d’un agent de mise en service et d’un gestionnaire immobilier.

L’expérience se révèle pour le moins particulière. « Du design intégré, on était à l’aise avec ça, nous en avions déjà fait par le passé, observe Anik Shooner. Mais là, nous étions dans un environnement pourvu de technologies de pointe où travaillait une trentaine de personnes et nous étions filmés en plus. C’était beaucoup plus long comme processus et assez déstabilisant aussi, du moins au début, car nous étions à livre ouvert devant tout le monde. Mais c’était très intéressant en même temps. » 

Faire des choix

Les séances de remue-méninges se multiplient au même rythme que s’intensifie la recherche de solutions. On fait le tour des technologies qui existent un peu partout dans le monde, et même de certaines qui ne sont pas encore commercialisées. On évalue aussi leur contribution potentielle à la performance environnementale de la MDD, tout comme la faisabilité de leur application. Et on fait des choix, non sans les remettre en question plus d’une fois.

Piles à combustibles, accumulateurs thermiques à changement de phases, toilettes à compost, traitement des eaux usées in situ (au sous-sol de l’édifice)…Certaines des solutions envisagées seront finalement déclassées parce qu’elles ne sont alors pas encore vraiment éprouvées, pour les unes, ou parce qu’elles se révèlent tout simplement trop onéreuses, pour les autres.

L’intégration d’autres technologies sera écartée en raison des contraintes que pose le site du projet, notamment du fait qu’il est entouré de grands édifices comme le siège social d’Hydro-Québec et le Complexe Desjardins. Ce sera le cas pour le recours à l’énergie éolienne, les études de vent ne permettant pas de conclure à sa rentabilité. Idem pour l’énergie photovoltaïque, vu l’ensoleillement insuffisant auquel sera exposée la MDD.

« Chaque décision a été arrêtée en toute connaissance de cause, fait remarquer Jacques Lagacé, vice-président, Innovation et projets majeurs chez Bouthillette Parizeau. Nous avons passé énormément de temps à fouiller les technologies nouvelles, à étudier à la fois leurs applications et leurs incidences sur l’entretien et l’exploitation du bâtiment.

« Aussi, poursuit l’ingénieur, nous avions décidé d’articuler le design autour d’une enveloppe utlraperformante, histoire de minimiser le plus possible la capacité installée des équipements électromécaniques. Alors l’installation d’un mur solaire passif, par exemple, ne pouvait se justifier sur le plan de la rentabilité de l’investissement, d’autant plus que nous avions choisi de faire de la récupération de chaleur de façon très efficace. »

Reste que certains choix sont difficiles à faire, dont celui de pourvoir ou non la MDD d’une structure de bois comme le souhaitait vivement Équiterre. Après avoir longuement étudié la question, l’équipe de projet optera finalement pour une ossature de béton, dans laquelle au moins 20 % de la masse du ciment Portland sera remplacée par des cendres volantes, des pouzzolanes naturelles ou des laitiers granulés de haut fourneau.

Cette décision, note Anik Shooner, est notamment arrêtée parce que l’échéancier initial du projet ne le permettait pas. Comme le Code national du bâtiment interdit le recours à des matériaux combustibles au-delà de quatre étages et que la MDD en comptera cinq, il aurait alors fallu formuler une demande de dérogation à la Régie du bâtiment du Québec.

« Nous avions évalué qu’il faudrait six mois avant d’obtenir une réponse, précise l’architecte montréalaise, sans avoir pour autant la garantie qu’elle serait positive. Nous ne pouvions pas prendre le risque de faire un design en bois et de revenir à la case départ dans l’éventualité d’une réponse négative. Si c’était à refaire aujourd’hui, nous ferions probablement les choses différemment, surtout avec l’approche par objectifs que prévoit désormais le chapitre I, Bâtiment du Code. »

N’empêche qu’au final, la MDD constituera la somme d’une foule de stratégies et de technologies durables : géothermie (installée sous le bâtiment), ventilation par déplacement, appareils sanitaires à faible consommation, mur végétal, toits verts, éclairage efficace et matériaux recyclés pour couper court à l’énumération. Des solutions que le processus de design aura permis d’intégrer avec un équilibre faisant en sorte que l’apport des unes ne vienne pas contrecarrer celui des autres.

Aux yeux d’Anik Shooner et de Jacques Lagacé, cette démarche de conception hors de l’ordinaire se sera révélée enrichissante à tous les égards, mais au premier chef parce qu’elle aura amené l’équipe de projet plus loin que jamais dans la recherche et l’application des meilleures solutions. Même son de cloche du côté de Nadine Léonard, directeure de projets chez Pomerleau, pour qui ce mode collaboratif aura notamment permis d’ajouter de la constructabilité  au processus en tenant compte de l’opinion du constructeur lors du développement du projet.

Pour Sydney Ribaux, nul doute que l’expérience s’est avérée concluante. « Comme client, notre courbe d’apprentissage a dû être extrêmement rapide, conclut-il, puisque nous devions comprendre comment on construit un bâtiment de façon générale et, en même temps, comment nous allions nous positionner dans ce processus de design intégré. Ce fut passionnant. »

Prochain suivi : janvier 2011