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La Maison du développement durable – Le contre-la-montre final

6 octobre 2011
Par Léa Méthé *

L’inauguration de la Maison du développement durable (MDD) marquait le point final à un contre-la-montre amorcé en début d’année. Et aussi à la matérialisation du rêve de ses idéateurs d’en faire un pôle de réflexion, d’éducation, d’innovation et de discussion sur le bâtiment écologique.

Le contre-la-montre final

Les premiers mois de 2011 ont vu la MDD prendre forme avec l’installation de l’enveloppe dont l’étanchéité a fait l’objet d’une attention exceptionnelle. Le projet vise en effet l’obtention d’un maximum de points LEED pour l’efficacité énergétique avec une facture de 64 % inférieure au bâtiment de référence du Code modèle national de l’énergie pour les bâtiments. Plusieurs stratégies ont donc été déployées pour atteindre cette cible.

La première est la sélection des meilleures fenêtres disponibles sur le marché. L’équipe a arrêté son choix sur un produit à vitrage triple du fournisseur Gamma présentant un facteur isolant de R-8. Pour s’assurer d’une installation optimale, l’équipe de la MDD a fait appel à la firme Patenaude-Trempe, spécialisée en enveloppe du bâtiment. Les experts ont ainsi révisé les plans et proposé de meilleures pratiques d’installation pour les fenêtres, ce qui a soulevé de grands débats au sein de l’équipe et des sous-traitants.

« Huit semaines ont été nécessaires pour s’entendre sur la meilleure approche d’étanchéisation et coordonner tous les intervenants et exécutants », explique Normand Roy, chargé de projet de la MDD chez Équiterre. Patenaude-Trempe a également supervisé la pose. « Les experts de cette firme ont relevé et fait corriger plusieurs éléments, ajoute-t-il d’un trait. C’est l’argent le mieux investi de ce projet. »

Pour s’assurer d’un résultat impeccable, l’équipe de la MDD a de plus choisi de tester les assemblages définitifs dans une chambre pressurisée bâtie à même le chantier. « On était nerveux parce qu’une majorité des fenêtres était déjà installée au moment de faire les tests. Heureusement, les résultats ont tous été concluants », indique Normand Roy.

Avant la pose de la maçonnerie, les murs extérieurs ont été enduits de 40 à 50 millimètres d’uréthane giclé à base de soya pour atteindre un facteur isolant de R-30 à R-32. Le revêtement de brique brune a été choisi pour ses qualités esthétiques et son inertie thermique. Produite au Nouveau-Brunswick, la brique a été acheminée par train plutôt que par camion à l’insistance du client.

Ventiler autrement

Dans les espaces intérieurs, l’équipe de la MDD a fait le choix d’ériger un plancher scellé surélevé (plénum) de 305 millimètres, posé sur la dalle de béton. L’espace ainsi créé, en surpression par rapport à l’air ambiant, devient le conduit d’alimentation d’air frais et les occupants peuvent contrôler le débit en réglant la position des diffuseurs au sol. Cet aménagement permet d’importantes économies d’énergie puisque, pour le même point de consigne, l’air neuf acheminé par le bas peut être chauffé de quatre degrés de moins que dans un système installé au plafond. La sélection d’un revêtement de sol en tuiles de tapis amovibles préserve l’accès au sous-plancher pour l’entretien et le câblage. Le tapis contribue aussi à l’étanchéité du plénum et améliore la qualité acoustique des espaces.

« Le plancher surélevé a été choisi pour faciliter les réaménagements, note Normand Roy. Mais dans les faits, la flexibilité que ça nous offre a des limites importantes. » En effet, les ouvertures et prises électriques dans le plancher correspondent à la disposition des postes de travail, ce qui restreint les configurations possibles. Dans plusieurs cas, un locataire sensible à la confidentialité de l’information a exigé une cloison fermée de dalle à dalle pour empêcher la circulation du son. On a dû pratiquer des ouvertures sous le niveau du plancher pour la ventilation et installer un dispositif acoustique dans le conduit. Le réaménagement des espaces est donc envisageable, mais néanmoins laborieux.

Pour la science

La MDD est vouée à devenir une vitrine pour le bâtiment durable au Québec et présente notamment un espace d’interprétation consacré aux approches écologiques en construction. Dans cet esprit, et en partenariat avec des chercheurs de l’Université de Sherbrooke, l’équipe a décidé d’inclure une section de plancher de 200 pieds carrés constituée de béton expérimental dans lequel on a substitué 20 % du ciment Portland par de la poudre de verre recyclé provenant de l’entreprise d’économie sociale Tricentris. Reposant sur une dalle structurale en béton conventionnel, la dalle-essai a été équipée de sondes relayant des données sur la température, l’humidité et les micromouvements à une boîte de mesure.

« En étudiant les relevés des trois premiers mois, on a réalisé que la dalle avait gelé la première semaine, ce qui est contre-indiqué, indique Normand Roy. L’épisode de gel explique un retard dans le mûrissement du béton expérimental, mais en dépit de ça, il est déjà plus performant que le béton écologique régulier (dont le mélange de ciment contient de 10 à 20 % de cendres volantes). »

D’autres initiatives motivées par les préoccupations environnementales de l’équipe ont connu des conclusions moins heureuses. Le crédit LEED pour le réemploi de matériaux serait un des plus difficiles à obtenir de l’avis de Normand Roy. Bien qu’il n’ait jamais convoité ce crédit, des efforts ont néanmoins été faits en vue de récupérer du matériel en bon état provenant de bâtiments démolis, parmi eux des cabinets incendie, des cloisons pour les toilettes et des ancrages pour les nacelles des laveurs de vitres.

« Le réemploi n’est pas dans la culture des professionnels du bâtiment. La plupart des éléments usagés que nous avions proposé de réutiliser ont fini par être écartés parce que leur intégration n’avait pas été anticipée avec sérieux. » Par exemple, au lieu de prévoir l’installation des cloisons de toilettes en fonction de la ressource existante, les designers ont prévu un système de fixation par le haut pour lesquelles les panneaux se sont avérés trop courts.

Au final, seuls les ancrages ont été récupérés : « C’est un gain sur le plan environnemental, affirme Normand Roy, mais afin d’avoir l’aval de l’ingénieur en structure, nous avons dû faire tester chacun d’eux pour garantir leur intégrité. Dans ce cas-ci, le réemploi a donc fini par coûter aussi cher qu’acheter du matériel neuf. »

L’expérience de la MDD illustre que le désir de réduire au maximum l’empreinte écologique des bâtiments est parfois confronté à la rigidité des approches conventionnelles en construction. Cependant, la participation assidue du client à la conception et à la résolution de problèmes en cours de réalisation est une stratégie gagnante pour atteindre des objectifs environnementaux élevés.

L’obtention anticipée d’une certification LEED–NC, niveau Platine, récompensera les efforts de toute l’équipe et soulignera la ténacité d’Équiterre et des autres membres de la MDD dans la concrétisation d’un projet vert dans le fond comme dans la forme.

* Léa Méthé est chargée de projets chez Écobâtiment

L’achèvement des travaux
  • Le gros des travaux a pris fin en août dernier ;
  • une équipe de la firme Régulvar était sur les lieux depuis plusieurs semaines pour effectuer la mise en service des systèmes mécaniques ;
  • une purge du système de ventilation a été effectuée en faisant fonctionner le système en continu pendant 15 jours avant l’occupation et pendant 15 jours après l’emménagement dans les locaux ;
  • le toit vert de type extensif a été installé et sera arrosé durant deux ans avant d’être considéré assez robuste pour être laissé à lui-même contre les éléments.

 

Des stratégies durables
  • La cuisine du restaurant le Commensal, qui occupe le coin nord-est du rez-de-chaussée fonctionne exclusivement à l’électricité. Pour convaincre les propriétaires de troquer la traditionnelle cuisinière au gaz contre une plaque à induction, l’équipe de la MDD les a invités à se familiariser avec cet équipement lors d’une séance de démonstration à l’Institut d’hôtellerie et de tourisme du Québec ;
  • la géothermie pourvoira à 100 % des besoins en climatisation et à 80 % des besoins en chauffage de la MDD. Le chauffage d’appoint sera assuré par une chaudière au gaz pour laquelle Gaz Métro s’est engagé à fournir du biogaz ;
  • un système de contrôle hybride permet d’actionner les écrans pare-soleil. Une commande centrale détermine la position par défaut des stores en fonction de l’apport lumineux relevé par des sondes. Les occupants peuvent toutefois modifier cette position à l’aide d’un commutateur prioritaire ;
  • un mur végétal haut de cinq étages égaie l’atrium de la MDD. En plus de ses qualités esthétiques, l’installation contribue à la qualité de l’air ambiant puisque les microorganismes peuplant le système racinaire des plantes auraient la capacité de filtrer les composés organiques volatils. Le mur comporte une dizaine de types de plantes à l’allure vigoureuse sélectionnées pour leur résistance ;
  • l’aménagement des cuisines a été confié à une entreprise d’économie sociale, Boulot Vers, dont la mission est l’insertion en milieu de travail des jeunes en difficulté. Le mobilier est constitué de contreplaqué 15 plis, style « russe » sans urée formaldéhyde.