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Savoir tirer le meilleur de la géothermie

17 juin 2010

Pour faire de la géothermie une option intéressante sur le plan économique dans le secteur ICI, encore faut-il savoir tirer le meilleur de ce puissant outil éconergétique.

Par Rénald Fortier

Le poste de la Sûreté du Québec à Lac-Beauport, l’usine de Stageline à L’Assomption, la succursale Excellence Peterbilt à Laval… La liste des nouvelles constructions pourvues d’un système géothermique pourrait s’allonger encore longtemps tant le recours à cette solution éconergétique s’accentue dans le secteur institutionnel, commercial et industriel (ICI). Mais à l’inverse, combien de fois cette option est-elle écartée du revers de la main sous prétexte qu’elle ne s’avère pas intéressante sur le plan économique ?

« Encore trop souvent, répond du tac au tac Ronald Gagnon, président de Concept-R, une entreprise de génie électromécanique établie à Sorel. Là où l’on tue dans l’œuf les projets de géothermie, c’est quand on considère son installation dans un bâtiment qui n’est pas performant. La géothermie, c’est dispendieux, c’est vrai. Mais si on veut l’utiliser dans une passoire, c’est sûr qu’il va falloir la surdimensionner et qu’elle va devenir hors de prix.

« Dans notre coffre, image-t-il en poursuivant du même élan, la géothermie est l’outil le plus dispendieux, mais il est aussi le plus rentable sur le plan de l’énergie. C’est le seul qui, pour un kilowatt dépensé va nous en donner trois ou quatre en rendement thermique. Et il y a même des configurations avec lesquelles on peut aller jusqu’à cinq. » 

La géothermie, force est de le constater, s’accompagne de plusieurs avantages pour un propriétaire d’immeuble. André Rotondo, superviseur chez Géo-Énergie, une firme de Boucherville spécialisée dans le design et l’ingénierie de projets géothermiques, souligne qu’elle permet notamment de parer les hausses de coûts de l’énergie et, bien sûr, de sabrer dans les dépenses énergétiques encourues pour chauffer et climatiser un bâtiment.

Celui qui est également formateur pour la Coalition canadienne de l’énergie géothermique avance que la géothermie peut permettre d’économiser 65 % des coûts d’électricité pour le chauffage et de 35 à 40 % pour la climatisation dans les immeubles commerciaux, industriels et institutionnels. Et que le rendement de l’investissement peut se situer aujourd’hui dans une fourchette oscillant entre 7,5 et 15 ans, mais qu’il demeure tributaire de plusieurs facteurs dont la vocation du bâtiment.

Cependant, pour les immeubles admissibles à l’aide financière fédérale et provinciale, l’atteinte de la rentabilité peut être beaucoup plus rapide. Dans le cas du Zoo de Granby, par exemple, les travaux ont été subventionnés par le Programme d'encouragement pour les bâtiments commerciaux de l’Office de l’efficacité énergétique (60 000 $) et, surtout, par le Programme d’appui aux initiatives d’Hydro-Québec (500 000$). La cible du rendement de l’investissement a ainsi pu être ramenée à seulement 2,9 ans.

Si tous les immeubles et tous les usages peuvent profiter de la géothermie, certains cas types ont suscité beaucoup d’intérêt ces dernières années. Un système très simple intégré en 2003 au projet de l’École du Tournant, en banlieue de Montréal, a montré une période simple de recouvrement de l’investissement évaluée à 7,4 ans uniquement par les économies d’énergie.

Les écoles, soulignons-le, sont maintenant ciblées parmi les immeubles les plus susceptibles de profiter de la géothermie. La géothermie décentralisée, utilisant plusieurs dizaines de petits appareils, permet de chauffer classe par classe selon les besoins. Ceci a convaincu le ministère de l’Éducation à accepter de financer la géothermie dans toutes les nouvelles écoles.

Optimiser la solution

Pour tirer le meilleur de la géothermie, tant sur les plans énergétique qu’économique, il faut l’intégrer dans un édifice performant. Pour Ronald Gagnon, il importe de considérer le bâtiment comme un tout et non comme un assemblage de greffons. Puis de s’attaquer de prime abord à la réduction de ses besoins énergétiques, notamment en le dotant d’une enveloppe performante sur le plan du rendement thermique, donc bien isolée et bien étanche.

« L’éclairage doit aussi être pris en compte, surtout dans le commercial, indique-t-il. Parce que dès qu’on tombe en climatisation, toute dépense d’éclairage, c’est double dépense au compteur : un kilowatt pour l’allumer, un autre pour le refroidir. Pour chaque kilowatt de lumière soustrait, donc, on enlève deux kilowatts de dépenses. Par exemple, si dans un bâtiment on enlève 37 kW dans un édifice de 50 000 pieds carrés, c’est 67 000 kW que l’on consomme en moins chaque heure. »

Quand tout a été épluché du côté de la réduction, il faut s’attarder aux intrants d’énergie que l’on va payer mais rejeter à l’extérieur, soit de l’eau chaude, de l’air chaud, de l’air climatisé. Car il y a donc là un contenu énergétique à récupérer.

« Rendu là, la géothermie à installer est pas mal plus petite, dit-il, et elle est maintenant justifiable sur le plan économique. Parce que si on a un système qui coûte environ 7 000 dollars la tonne, supposons, en enlevant les deux tiers de la charge, on enlève l’équivalent en tonnage. Et à 7 000 dollars la tonne, ça va vite… »

André Rotondo fait remarquer de son côté que la géothermie se marie très bien à du plancher radiant, puisqu’elle produit des températures autour de 115 ou 116 degrés F, tout en soulignant qu’en géothermie, on n’est généralement pas à 100 % en chauffage. « Si on comble 90 % de la consommation annuelle, précise-t-il, ça représente seulement 70 % de la charge du bâtiment. Ce qui veut dire que 90 % du temps, on a besoin que de 70 % de la capacité de chauffage. »

Il indique que la dernière tranche de 10 % de la consommation à combler va générer un tel surcoût qu’il n’y aura pas d’économie en bout de ligne. Mieux vaut donc alors installer un système de chauffage auxiliaire, qui peut être alimenté au gaz ou à l’électricité, pour combler le chauffage à produire quelques heures par année.

Le coût de la géothermie est aussi fortement relié au forage des puits, comptant pour environ 40 % de la facture totale selon le spécialiste de Géo-Énergie. D’où l’importance de toujours faire bien analyser le sol pour éviter d’engloutir des milliers de dollars en trop. « C’est la capacité du sol qui va déterminer le nombre de puits et la distance entre les puits, explique-t-il. S’ils sont trop près parce que l’on n’a pas de surface, bien il va falloir les faire plus profonds. Et plus le forage descend sous la barre des 500 pieds, plus la facture monte et moins la géothermie devient une option intéressante. »

Il observe que s’il y a 12 pouces de mort-terrain avant le roc, c’est intéressant, mais beaucoup moins si l’on est en présence de 200 pieds de mort-terrain et seulement 300 pieds de roc. « La géothermie n’est pas exclue, dit-il, mais les conditions de sol vont changer le nombre de puits et la conception au complet. Comme on peut aussi alors opter pour un système horizontal en enfouissant la tuyauterie dans des tranchées. »

Tant pour André Rotondo que pour Ronald Gagnon, une chose est sûre. Vu les avantages qu’elle comporte, la géothermie devrait toujours être au moins évaluée comme une option par les propriétaires d’immeubles du secteur ICI. D’autant plus qu’il est possible de la rendre intéressante sur le plan économique.

 

Une énergie propre

La géothermie, ce n’est pas de la production d’énergie, mais plutôt du transfert d’énergie d’un endroit à un autre. Elle utilise le sol comme réservoir énergétique pour soutirer de la chaleur en hiver et de la fraîcheur en été. La chaleur emmagasinée dans la croûte terrestre provient de l’énergie solaire, il s’agit donc d’une énergie renouvelable et très écologique. C’est aussi un système très durable; on estime la durée de vie de la thermopompe géothermique entre 20 et 25 ans. Les puits, eux, sont garantis pour 50 ans.

Les soutiens financiers

Incitatif écoÉNERGIE Rénovation pour les bâtiments de l’OEE
L'Office de l'efficacité énergétique de Ressources naturelles Canada offre une aide financière s’appliquant, entre autres, à la géothermie. Les montants s’élèvent 10 dollars par gigajoule d'économie d'énergie estimé, ou 25 % des coûts admissibles du projet, ou 50 000 dollars par projet.

Appui aux initiatives d’optimisation énergétique des bâtiments
Ce programme d’Hydro-Québec offre de l’aide financière variable, selon plusieurs conditions d’admissibilité et d’applications technologiques pouvant inclure la géothermie. En voici quelques-unes :

  • Pour les immeubles commerciaux ou institutionnels, neufs ou existants, nécessitant plus de 100 000 dollars d’électricité par année, ou de tarif G sous certaines conditions
  • Aide financière pour les frais professionnels d’évaluation des pertes énergétiques et des mesures d’économies d’énergie les plus efficaces
  • 55 ¢ par kWh économisé sur une base annuelle à partir de normes minimales d’isolation et d’efficacité énergétique.

Par exemple, pour un immeuble neuf isolé selon les normes actuelles dont la consommation d’électricité annuelle en chauffage serait prévue à 1 000 000 kWh, des économies de 40 % (400 000 kWh) réalisées par l’ajout de la géothermie pourraient engendrer une aide financière de 220 000 dollars.