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Les avancées de l’ossature légère en bois

4 mars 2021
Par Valérie Levée

Regard sur l’essor de la construction en bois à ossature légère dans les secteurs commercial, institutionnel et multirésidentiel au Québec.

L’ossature légère en bois est à la fois familière et méconnue. Familière parce qu’elle constitue le système constructif de la grande majorité des maisons au Québec. Méconnue parce que son potentiel est sous-estimé. En effet, la portée des fermes atteint maintenant près de 30 mètres et le Code de construction du Québec (CCQ) permet aujourd’hui de construire jusqu’à six étages en ossature légère. De quoi construire bien des hangars, commerces, écoles et bâtiments multirésidentiels.

Les exemples se multiplient et la préfabrication s’inscrit dans ce mouvement. Déjà, en 2009, Ultramar faisait figure de pionnier en construisant sa station-service de Mascouche en ossature légère. Tim Hortons et Subway ont aussi pris le mouvement. Ces petits bâtiments ne font que de 200 à 300 mètres carrés, mais l’usine de Tôle Vigneault, à Saint-Ferdinand, et le CLSC de Naskapi dépassent les 2 000 mètres carrés, alors que les fermes du siège social de Dessercom ont une portée libre de 26 mètres. Les murs préfabriqués de la Maison Mazda de Saint-Félicien, eux, font sept mètres de haut et les copropriétés du 8 Duplessis, à Trois-Rivières, s’élèvent pour leur part sur six étages.

Cette poignée d’exemples illustre le potentiel de l’ossature légère autant dans les dimensions des bâtiments que dans la diversité de leurs usages. « Il y a du potentiel pour des usines, des magasins, des hangars, des petits centres commerciaux », indique l’ingénieur François Chaurette, conseiller technique chez Cecobois. Mais il demeure que « le premier réflexe pour ce type de bâtiments est de les faire en acier. Les gens ne pensent pas qu’ils peuvent les faire en bois », déplore Stéphan Langevin, architecte associé chez STGM architectes, dont le siège social de Québec, certifié LEED Platine, est aussi en ossature légère.

Quincaillerie adaptée et préfabrication

Pour accompagner cette extension de la construction en ossature légère, les fabricants ont déployé une multitude d’étriers, d’ancrages, de vis auto-taraudeuses et autres accessoires métalliques. « Quand j’ai commencé dans ce domaine, on avait un petit catalogue avec quelques étriers standards. Maintenant, il y en a des centaines, relate François Chaurette. Les résistances sont déjà établies. L’ingénieur fait son calcul et peut chercher dans le catalogue l’étrier qui répond à son besoin »

Les fabricants ont aussi développé des compensateurs de retrait adaptés aux bâtiments de cinq et six étages. Le retrait est un tassement du bois qui se produit quand le bois sèche « Il se crée un jeu entre les éléments structuraux. Le compensateur est comme un ressort qui permet de maintenir les éléments en contact », décrit l’ingénieur en structure Jean-Philippe Carrier, associé principal chez L2C Experts Conseils, et qui a déjà plusieurs bâtiments multiétagés en bois d’ossature légère à son actif.

François Chaurette, Jean-Philippe Carrier et Martin Roy

Du côté des produits du bois, les concepteurs ont mis à profit les bois de charpente composite comme le LVL, le LSL, le PSL. Ils sont plus résistants et leur faible teneur en humidité et leur conception réduit le phénomène de retrait.

L’ossature légère se prête parfaitement à la préfabrication. C’est d’ailleurs le cas chez La Charpenterie, qui se concentrait jadis sur les fermes et les poutrelles, et qui construit maintenant des murs avec l’isolation et les membranes. « La préfabrication des murs a augmenté notre volume d’activité avec des petits centres commerciaux et du multilogement de cinq et six étages », relate Richard Létourneau, président de l’entreprise et aussi président du regroupement MSBQ (Manufacturiers de structures de bois du Québec).

Pro-Fab va plus loin dans la préfabrication : « On livre des modules qui comprennent le plancher, les murs, le plafond, le couvre-sol, l’électricité et la plomberie », indique Martin Roy, PDG de l’entreprise. Sur le chantier, il ne reste qu’à assembler les modules et à raccorder électricité, plomberie et mécanique. Tout doit donc être prévu à l’avance, ce qui demande une coordination entre les partenaires du projet.

« C’est l’enjeu majeur, souligne Martin Roy. On pousse pour qu’il y ait des maquettes 3D idéalement en BIM. » Pro-Fab construit des modules pour des blocs appartements, des hôtels et des agrandissements d’écoles.

La préfabrication permet de réduire les déchets, d’accroître la productivité et d’augmenter la qualité en plus de faire les assemblages à l’abri des intempéries, indique Pierre Blanchet, de la Chaire industrielle sur la construction écoresponsable en bois.    

Solution compétitive

Les intervenants du milieu sont unanimes pour dire que la construction en ossature légère offre la solution la moins onéreuse dans bien des projets de construction. Par exemple, la structure est plus légère, ce qui entraîne des économies sur les fondations, illustre Stéphan Langevin.

La préfabrication modulaire ajoute aux économies, en la comparant à la construction en ossature légère sur site; Martin Roy suggère une économie de 10 %. « Le bâtiment coûtera le même prix, voire un peu plus cher, dit-il, mais l’exécution en chantier sera plus rapide et donc moins dispendieuse. Toutes les études nord-américaines démontrent que l’exécution modulaire est 50 % plus rapide qu’une construction traditionnelle. » 

Solution d’avenir

Au-delà de six étages, l’ossature légère se heurte à des contraintes physiques difficiles à résoudre, mais il reste beaucoup d’exploration à faire en mariant les matériaux. Des projets internationaux ont d’ailleurs utilisé l’ossature légère préfabriquée au-delà de six étages avec des successions de plateformes (cf Treet et un hôtel à Amsterdam).

D’autres bâtiments associent l’ossature légère au bois lamellé-collé, comme le centre communautaire de Saint-Éphrem-de-Beauce et le pavillon d’accueil du parc national des Îles-de-Boucherville.

Stéphan Langevin et Richard Létourneau

« Dans la concession Mazda de Saint-Félicien, la salle de montre est en gros bois d’œuvre et le reste est en ossature légère, souligne Richard Létourneau. « Je crois qu’il est possible d’allier les systèmes pour aller chercher le meilleur des deux mondes avec l’attrait esthétique du gros bois et l’aspect économique de l’ossature légère », approuve François Chaurette.

L’esthétique est en effet le point faible de l’ossature légère. Pourtant, « pour son siège social, STGM a fait une belle utilisation des fermes de toit en les laissant apparentes », estime François Chaurette. Elles ont cependant été peintes en blanc pour uniformiser la trame. « Un peu de développement au niveau des attaches métalliques et de la sélection de la qualité du bois décuplerait les possibilités de laisser la charpente apparente », croit pour sa part Stéphan Langevin.

Les applications privilégiées

Avec des portées de plus de vingt mètres, des bâtiments de six étages et la préfabrication, l’ossature légère est un système constructif très polyvalent qui convient à de nombreux usages de bâtiments, tels que les écoles, la restauration et l’hôtellerie, l’habitation multiétagée ainsi que certains établissements d’affaires et industriels.

 

Les avantages

Économiques

  • La rapidité de la construction qui réduit les coûts de travaux en chantier fait de la préfabrication en ossature légère un système constructif économique.

Socioéconomiques

  • Les fabricants de structures légères en bois sont présents sur tout le territoire québécois, tout comme la main-d’œuvre qui n’a pas besoin d’être hyperspécialisée.

Environnementaux 

  • La ressource bois est renouvelable; l’ossature légère est un système optimisé générant un ratio matériel/volume de bâtiment avantageux; la fabrication des produits du bois, particulièrement de l’ossature légère, requiert peu d’énergie et émet peu de GES.

 

Deux préjugés à surmonter
  • L’ossature légère est faite pour la construction des maisons, des duplex et des triplex, décrits dans la partie 9 du chapitre 1 du CCQ. Pourtant, les petits bâtiments d’affaires et les petits bâtiments industriels de risque moyen ou faible relèvent aussi de cette partie 9. Pour les autres bâtiments, le CCQ n’interdit pas de les construire en ossature légère de bois, mais demande de suivre la partie 3 pour la résistance au feu et la partie 4 pour les calculs de résistance conformément à la norme CSA 086-2014.
  • Elle brûle! Pourtant, comme les autres bâtiments, ceux en ossature légère en bois doivent répondre aux exigences de degré de résistance au feu décrites dans les parties 4 et 9 du CCQ. Ces exigences sont atteintes au moyen de panneaux de gypse, de systèmes de gicleurs, de compartimentation et d’éléments coupe-feu.

 

La construction modulaire

La construction modulaire est un niveau de préfabrication plus avancé que celui qui ne concerne que les murs. Les modules comprennent les murs, le plancher et le plafond pour former un volume complet et la structure doit être conçue pour résister au transport et au levage par une grue. Leur résistance est renforcée par l’utilisation de produits d’ingénierie en bois. Les modules incluent l’isolant, les membranes, les finitions de murs et de plancher, l’électricité, la plomberie et les éléments mécaniques. Les fenêtres sont posées et, s’il y a lieu, le mobilier.

La construction modulaire se prête bien à la construction de bâtiments répétitifs comme les hôtels ou les résidences étudiantes, mais n’exclut pas la personnalisation des bâtiments. Avec la robotisation et l’automatisation en plein essor, la construction modulaire en ossature légère pourrait devenir le système de construction de la prochaine décennie.