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Les matériaux biosourcés : un choix santé

6 octobre 2021
Par Myriam Drouin

Les matériaux biosourcés s’invitent de plus en plus dans le design d’environnements intérieurs sains et écoresponsables.

Les populations des pays occidentaux passent une importante partie de leur temps dans des bâtiments. De ce fait, la qualité de l’environnement intérieur constitue un enjeu de taille à la fois pour les individus (propriétaires, gestionnaires, locataires) et pour les organismes et instances concernés par le milieu bâti. Les enjeux relatifs à la santé des occupants revêtent ainsi une importance toute particulière dans les secteurs de l’architecture, de la conception et de la construction.

Cette préoccupation n’est cependant pas nouvelle; l’enjeu du maintien de la qualité de l’air intérieur est notamment traité par les concepteurs, dans le choix de matériaux faiblement émissifs et par l’adoption de principes de conception adaptés permettant de réduire la présence de contaminants dans l’air, qu’ils soient de nature chimique (ex. : COV), microbiologique (ex. : moisissure) ou radiologique (ex : radon).

Les matériaux biosourcés. Crédit : Dany Vachon/Université Laval

Un changement majeur s’est toutefois opéré au regard de la conception des bâtiments au cours des dernières décennies afin de prendre en compte la définition de la santé, au sens plus large du terme, tel que défini par l’Organisation mondiale de la santé. Celle-ci reconnaît la santé comme « un état de complet bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité[1]». Ce faisant, les préoccupations passées, davantage orientées vers la gestion de l’exposition des contaminants délétères, intègrent désormais des enjeux relatifs à la santé mentale, au bien-être et au confort des occupants.

Pour Josée Lupien, présidente de Vertima, firme québécoise spécialisée en certification environnementale, la santé des occupants préoccupe de plus en plus les acteurs du milieu du bâtiment, une tendance qui se reflète d’ailleurs dans les exigences des programmes de certification de bâtiments. La certification WELL, par exemple, garantit aux usagers des espaces intérieurs sains, en proposant une série d’options de gestion du milieu intérieur (matériaux, conception, entretien) axées sur la santé et le mieux-être des occupants.

Pierre Blanchet et Josée Lupien

Cette certification valorise notamment la présence d’espaces favorisant l’exercice physique, la pénétration de lumière naturelle et une offre d’aliments sains. Proposant un environnement de travail plus ergonomique et confortable, les espaces intérieurs certifiés WELL peuvent entre autres contribuer à la stratégie de recrutement des employeurs dans un marché de l’emploi de plus en plus compétitif, affirme Josée Lupien, qui souligne d’ailleurs l’engouement récent pour le processus d’évaluation WELL Health-Safety, développé en réponse à la pandémie de la COVID-19.

Cette nouvelle mouture porte sur la sécurité des environnements post-COVID-19, cherchant à rassurer les occupants et à faciliter le retour dans les lieux de travail. Le processus comprend 22 stratégies qui visent notamment à garder les espaces propres et aseptisés, à communiquer les efforts en matière de santé et de sécurité et à aider chacun à se préparer à une urgence. On retrouve par exemple des stratégies pour réduire les surfaces de contact ou encore sélectionner les produits nettoyants.

Choix des matériaux

Dans cette perspective, le choix des matériaux pour la conception et le design des bâtiments revêt une grande importance; les matériaux biosourcés, comme le bois, offrent une alternative d’intérêt pour pallier certains enjeux sanitaires et environnementaux relatifs à l’occupation des bâtiments. Non seulement leur faible émissivité contribue à la qualité de l’air intérieur, mais le recours à de tels matériaux limite aussi les émissions de carbone lors de leur fabrication et lors de la construction des bâtiments. Ils procurent également des bénéfices corollaires, spécialement au regard de l’efficacité énergétique.

Les matériaux biosourcés. Crédit : Dany Vachon/Université Laval

Bien que les différents types de matériaux biosourcés possèdent des propriétés qui leur sont propres, il est observé que plusieurs d’entre eux partagent des caractéristiques communes, telles que leur bonne capacité d’isolation thermique et acoustique ainsi que leur capacité à réguler l’humidité ressentie dans l’enveloppe ou dans les milieux intérieurs. Enfin, les bénéfices des matériaux biosourcés et d’une conception environnementale prenant en compte les besoins de l’occupant comprennent aussi une gamme d’avantages non négligeables pour le confort et le bien-être des occupants. Par exemple, les biophiles apprécieront particulièrement la présence d’éléments naturels, tel le bois, dans les espaces intérieurs.

Pierre Blanchet, professeur titulaire de la Chaire industrielle de recherche sur la construction écoresponsable en bois (CIRCERB), souligne que certains chercheurs ont réussi à documenter cet avantage de la présence de bois et autres matériaux biosourcés pour la santé des occupants dans les espaces intérieurs. Certaines études démontrent que le fait de voir, de toucher et même de sentir ce type de matériau engendre une réponse émotive et physiologique positive.

Les matériaux biosourcés. Crédit : Dany Vachon/Université Laval

Ces études ont notamment démontré des tendances voulant que la présence de bois à l’intérieur améliore le sommeil, réduit le stress, augmente la concentration et réduit le taux d’absentéisme au travail. Toutefois, le professeur Blanchet précise que « les quelques travaux qui ont été répertoriés ne présentent pas une robustesse suffisante pour permettre d’établir des bonnes pratiques basées sur la science ».

Impacts sur la santé

Ce même constat a été articulé par les spécialistes de l’Institut national de santé publique du Québec (INSPQ) qui se sont penchés sur la littérature scientifique portant sur les impacts des matériaux sur la santé et le confort des occupants des bâtiments. Selon Patrick Poulin, conseiller scientifique à l’INSPQ, « l’intérêt est grandissant pour le sujet, tant au sein de la communauté scientifique que dans la population en général, mais l’impact de l’utilisation de matériaux biosourcés et des choix architecturaux promouvant le confort et la santé des occupants demeure peu documenté à l’heure actuelle. Les études existantes montrent un potentiel d’intérêt, mais ce n’est pas encore assez robuste pour être considéré comme un gain sanitaire réel pour les occupants ».

Patrick Poulin et Maxime Boivin

Par ailleurs, sa collègue Maxime Boivin précise que dans une perspective plus holistique, la conception des bâtiments doit être en phase avec la fonction de ces derniers ainsi que les besoins et les comportements usuels des occupants afin d’optimiser leur confort, tout en minimisant les détriments environnementaux associés à leur utilisation. Bien entendu, il est également possible d’optimiser les comportements et paramètres d’occupation afin de minimiser l’empreinte écologique des bâtiments, mais il s’agit là d’une question encore peu explorée.

Les spécialistes de l’INSPQ témoignent ainsi de la nécessité d’entreprendre de nouvelles études empiriques portant sur la santé physique, perçue et réelle, ainsi que sur les bénéfices psychosociaux pour les occupants de bâtiments résidentiels verts. Le besoin d’explorer plus en profondeur la relation entre l’emploi de matériaux biosourcés et la santé incluant les aspects psychosociaux, de même qu’entre les différents éléments du design d’un bâtiment vert et la santé de ses occupants s’avère également manifeste.

En conclusion en ce qui concerne cette sensibilisation croissante des représentants du milieu du bâtiment au sujet de de la santé et du bien-être des occupants, des besoins persistent afin de mieux connaître l’impact des matériaux sur les différents paramètres de la santé. La recherche scientifique pourra y contribuer en apportant une vision objective sur la question, aidant ainsi les concepteurs à faire des choix éclairés.


 

1. « Préambule à la Constitution de l’Organisation mondiale de la Santé, tel qu’adopté par la Conférence internationale sur la Santé, New York, 19 juin -22 juillet 1946; signé le 22 juillet 1946 par les représentants de 61 États. (Actes officiels de l’Organisation mondiale de la Santé, n°. 2, p. 100) et entré en vigueur le 7 avril 1948. »