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Avancée éconergétique chez Première Moisson

26 septembre 2013
Par Marie-Ève Sirois

La rénovation éconergétique démonstrative de la boulangerie Première Moisson de l'avenue du Mont-Royal Est, à Montréal. Incursion hors des sentiers battus.

La boulangerie Première Moisson du 860, avenue Mont-Royal Est, à Montréal, fait l’objet d’une rénovation éconergétique hors des conventions électromécaniques habituelles. Soutenu à hauteur de 600 000 dollars par le programme Technoclimat du ministère des Ressources naturelles et de celui de l’appui à l’innovation du ministère des Finances et de l’Économie, ce projet de démonstration permettra, à terme, d’éliminer les émissions directes de gaz à effet de serre attribuables à l’exploitation du bâtiment. En plus de réduire la facture énergétique de quelque 70 %. 

La présidente et cofondatrice de Première Moisson, Liliane Colpron, travaille sur ce projet depuis 2011, en compagnie de la propriétaire de la boulangerie, Marie-Odette Charbonneau. En novembre de la même année, elle rencontre pour la première fois celui qui deviendra le concepteur des systèmes électromécaniques du projet, Jean-Claude Tessier, dirigeant et fondateur de la firme Tecnum International. 

« Pour les générations futures, indique cet ingénieur, on se doit de remettre en question les concepts et les principes établis. Nous n’avons plus les moyens d’ignorer les conséquences de nos gestes sur l’environnement. Pour ma part, je conçois des systèmes autonomes, tant sur le plan de l’énergie que sur celui de l’eau. Liliane Colpron était prête à investir dans un projet écologique, respectueux de l’être humain et c’est ce que nous avons conceptualisé. » 

Pour réduire la consommation énergétique de la boulangerie, Jean-Claude Tessier a d’abord analysé les nombreux besoins en congélation, réfrigération, climatisation, chauffage et cuisson de l’entreprise. Il a ensuite sélectionné les mesures d’efficacité énergétique à appliquer : nouveaux appareils d’éclairage, pompes à chaleur thermoélectriques et enceintes de refroidissement ultra-isolées. 

La thermoélectricité est une technologie connue des physiciens, mais non exploitée au Québec jusqu’à ce jour. Plus surprenant encore, les équipements utilisés pour la boulangerie de l’avenue Mont-Royal ont été développés en province par Concept Celsius International, compagnie sœur de Tecnum International. 

Ainsi, Concept Celsius International a fourni des diodes électroluminescentes (DEL) hautement performantes, avec les spectres électromagnétiques appropriés aux besoins de la boulangerie. Ces appareils, installés tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du bâtiment, devraient consommer 90 % moins d’énergie qu’une lampe incandescente. 

Selon les données du fournisseur, le rendement de ces appareils d’éclairage installés varie entre 200 et 300 lumens par watt. À titre comparatif, une ampoule fluocompacte possède un rendement d’environ 60 à 70 lumens par watt, alors que l’incandescente oscille entre 14 à 25. Concept Celsius International travaille actuellement au développement d’une quatrième génération de lampes avec l’objectif d’atteindre entre 500 et 600 lumens par watt. 

Dans la nouvelle boulangerie de Première Moisson, il n’y aura aucun compresseur, ni condenseur sur le toit, éliminant ainsi la pollution par le bruit. Du reste, aucun évaporateur ou frigorigène ne sera requis pour concentrer la chaleur dans un caloporteur ou encore refroidir un espace. 

L’électricité et l’électronique sont à l’honneur pour le chauffage et le refroidissement. Plus précisément, on a fait appel au concept de thermoélectricité pour produire les températures nécessaires à toutes les étapes de production de la boulangerie. La thermoélectricité fait donc office de pompe à chaleur électronique, alimentée d’un courant à basse tension modulable (12 à 24 volts DC), passant entre deux semi-conducteurs placés en sandwich. La résistance au passage de l’électricité crée une accumulation de chaleur d’un côté, et une déperdition de l’autre, tel un système traditionnel basé sur la compression et la détente d’un gaz. 

« Récemment, indique Jean-Claude Tessier, nos recherches et expérimentations ont permis d’améliorer le facteur de mérite des plaques en le faisant graduer de 0,9 à 3,2.  La technologie que nous avons développée permet d’obtenir des delta T [température] variant entre 30 et 80 degrés Celsius. Et comme mes pastilles électroniques de thermoélectricité sont réversibles, je peux produire de la chaleur ou refroidir un espace avec les mêmes appareils. » 

Ces derniers sont combinés à sept puits géothermiques, à une profondeur de 152 mètres, de même qu’à un système aérothermique. Cette configuration permet de puiser ou de rejeter la chaleur concentrée sur les plaques de graphite des pastilles thermoélectriques dans l’air ou dans le sol, tout dépendant des besoins de la boulangerie. Ceci tant pour les climatiseurs, réfrigérateurs, congélateurs, mais aussi pour la production d’eau chaude domestique et les besoins en chauffage. 

« Ces équipements nouveau genre, précise Jean-Claude Tessier, permettent d’utiliser l’énergie thermique gratuite du sol et de l’air tout en produisant des températures bien précises. En 2013, on branche encore nos réfrigérateurs, nos congélateurs et nos arénas dans la prise de courant alors que l’air ambiant extérieur en hiver pourrait satisfaire nos besoins de production de froid. » 

Afin de maximiser l’effet des plaques thermoélectriques, les enceintes de refroidissement sont ultra-isolées par des parois thermiques composées d’un revêtement extérieur, d’un panneau en matériau composite avec isolant, d’une chambre à air avec unités de dissipation thermique et pastilles thermoélectriques, ainsi que d’un revêtement intérieur thermiquement conducteur. 

Ce type de paroi, utilisé pour les enceintes de refroidissement et l’enveloppe du bâtiment, a pour avantage de prétempérer l’air à l’intérieur du mur en plus d’y assurer une température constante et un contrôle accru de l’humidité relative. 

Entre le sujet des semi-conducteurs et celui de l’autonomie énergétique, l’ingénieur Jean-Claude Tessier souligne au passage qu’un tel projet ne serait pas possible sans l’engagement de décideurs cherchant à faire mieux, autrement. « La mise en marché de ces nouvelles technologies a été rendue possible grâce à l’excellente collaboration de Première Moisson, sa présidente Liliane Colpron et la propriétaire de la boulangerie Mont-Royal, qui ont su faire confiance et gérer cette implantation avant-gardiste et porteuse d'avenir. » 

Les travaux menés à la boulangerie Première Moisson de l’avenue Mont-Royal, qui portent également sur  l’écologisation des lieux, ont débuté en février 2013. Ils devraient être complétés vers la fin de l’année.

Cibles déchiffrées
  • 90 % : réduction de la consommation des appareils d’éclairage
  • 65 % : réduction de la consommation des appareils de chauffage
  • 65 % : réduction de la consommation des appareils de réfrigération
  • 70 % (+/-) : économies d’énergie totales, en considérant tous les autres appareils qui consomment de l’énergie et qui ne sont pas touchés par les mesures d’efficacité énergétique

 

Technologies intégrées
  • Diodes électroluminescentes
  • Plaques thermoélectriques réversibles, composées de semi-conducteurs de types P et N servant de pompes à chaleur
  • Géothermie et aérothermie en combinaison avec la thermoélectricité comme pompe à chaleur
  • Enceintes de refroidissement avec des murs isolés au niveau RSI 14,06 (R-80) et des planchers et plafonds isolés au niveau RSI 21,13 (R-120)

 

L'équipe de projet

Architecture : Lemay+Michaud

Génie civil et structural : Rochon Experts-Conseils

Génie électromécanique : Tecnum International

Production et fourniture des appareils technologiques : Concept Celsius International

Construction : EDP