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La déconstruction du 11401 Pie-IX : le bilan

26 octobre 2012
Par Rénald Fortier

Retour sur une déconstruction sélective qui se pose désormais comme un modèle à suivre pour la Ville de Montréal.

À l’automne 2011, la Ville de Montréal s’engageait dans la déconstruction sélective d’un immeuble commercial situé à l’angle des boulevards Pie-IX et Henri-Bourassa Est, une démarche préalable au réaménagement majeur de ce carrefour de l’arrondissement de Montréal-Nord. En choisissant de déconstruire ce bâtiment de 30 000 pieds carrés, plutôt que tout simplement le démolir, elle visait à détourner 95 % des matériaux de l’enfouissement.

Au final, cet objectif pour le moins ambitieux n’aura pas été atteint, le taux de récupération s’étant fixé à 86,13 %, avec 2 987 tonnes métriques de matières déviées de l’élimination : béton, métaux, bois, matériaux souple, verre, céramique... L’objectif de favoriser la réutilisation de 10 % des composantes du bâtiment n’aura également pu être atteint, les éléments dirigés vers la filière du réemploi ne totalisant que 13 tonnes métriques.

N’empêche que l’expérience se sera révélée tout aussi concluante qu’enrichissante pour la Ville. Au premier chef parce qu’elle lui aura permis de jeter les bases au recours à la déconstruction sélective dans l’avenir, une pratique vers laquelle sa Direction des stratégies et transactions immobilières (DSTI) se tournait déjà pour lors de travaux d’aménagement intérieur, mais non dans le cas de bâtiments d’envergure.

« C’est principalement en raison des matériaux de toiture, qui ne pouvaient être recyclés et encore moins réutilisés, que nous n’avons pu atteindre l’objectif de récupération que nous nous étions fixés initialement. Mais en bout de ligne, nous sommes tout de même très satisfaits des résultats obtenus », observe Claudia Pace, gestionnaire du projet à la DSTI, en ajoutant que la Ville avait beaucoup appris de ce projet.

Il faut dire que la déconstruction du 11401, boulevard Pie-IX se voulait en quelque sorte un projet-pilote. Car elle était l’occasion pour la DSTI de se familiariser avec les rouages de cette pratique écoresponsable et, également, d’établir les paramètres lui permettant de la guider dans la réalisation d’autres projets du genre dans l’avenir.

Voilà pourquoi elle aura vu dès le départ à bien planifier et baliser sa démarche. D’abord en veillant à identifier et quantifier l’ensemble des composantes du bâtiment. Ensuite, en s’assurant que le devis accompagnant la demande de soumissions à l’intention des entrepreneurs énonce clairement ses objectifs de recyclage et de réemploi, ainsi qu’une série d’exigences à respecter.

L’entrepreneur retenu en octobre 2011 à la suite de la publication de l’appel d’offres – Entreprises de construction Panzini – aura donc dû se conformer à des façons de faire spécifiées très précisément au devis, comme trier les matériaux sur le chantier et voir à ce que la contamination des matières dans les différents conteneurs soit réduite au strict minimum. Il devait aussi fournir à la Ville un rapport indiquant les destinations et les quantités des matériaux recyclés, réutilisés ou enfouis, bons de livraisons et de pesées à l’appui. Sans compter qu’il lui fallait voir à minimiser la pollution sur le site et les désagréments pour le voisinage.

« Nous avons exercé un suivi très serré au chantier pour nous assurer que les exigences figurant au devis étaient respectées, comme celle de disposer du bois, du métal et autres matières spécifiques dans les conteneurs leur étant destinés. L’entrepreneur s’est montré très collaboratif et la mise en œuvre du projet s’est bien déroulée dans l’ensemble », note Jean-Guy Lambert, associé de l’Atelier TauTem, agence d’architecture montréalaise chargée de la caractérisation du bâtiment, de la confection du devis et de la surveillance des travaux.

Si l’envoi à l’enfouissement de la membrane de toiture, à laquelle se sont ajoutés de l’isolant de mousse plastique et des tuiles de TVC, a pesé lourd dans le fait que l’objectif de récupération des matériaux n’ait pu être atteint, le peu de débouchés pour le réemploi des composantes démantelées y a aussi largement contribué. Parmi celles qui ont trouvé preneur en vue d’une réutilisation figurent notamment de l’isolant souple de fibre de verre – récupéré par une église pour isoler son toit –, des blocs de béton, des éléments en bois ainsi que quelques poutres et colonnes en acier.

« Nous aurions souhaité trouvé preneur pour davantage de matériaux pouvant être réutilisés, indique Jean-Guy Lambert. Comme la structure d’acier, pour laquelle nous avons eu des discussions avec un quelqu’un qui envisageait de l’intégrer dans un nouveau bâtiment. Mais les dimensions et les portées ne correspondant pas à ses besoins, et le design de son projet étant trop avancé pour composer avec les éléments que l’on avait, il a finalement laissé passer. »

Reste qu’à ses yeux, le jeu en valait certainement la chandelle de déconstruire le bâtiment du boulevard Pie-IX. Et ce n’est pas Claudia Pace qui va le contredire : « Ce sont 3 000 tonnes métriques de matériaux qui ont pu être récupérées, en comparaison de 468 tonnes qui auront pris la direction de l’enfouissement. Le bilan environnemental de l’opération s’avère donc très positif », conclut la gestionnaire du projet à la Ville.

Une solution économique

Le coût de déconstruction du 11401, boulevard Pie-IX, se sera élevé à un peu plus de 100 000 dollars, une facture inférieure à celle qu’aurait dû acquitter la Ville si elle avait démoli le bâtiment. Pourquoi ? Tout simplement parce qu’en triant les matières à la source sur le site, l’entrepreneur peut obtenir une meilleure valeur de revente pour les composantes issues de la déconstruction. Les revenus qu’il en tire lui permettent de réduire ses coûts d’exécution et, du coup, ceux associés aux ouvrages de déconstruction.