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5 octobre 2010
Par Rénald Fortier

Un bâtiment vert affichant six années d’exploitation au compteur : le pavillon Gene-H.-Kruger de l’université laval.

Les bâtiments écologiques ayant assez de vécu pour qu’on puisse revenir sur leur performance ne sont pas encore légion en sol québécois. Parmi eux figure le pavillon Gene-H.-Kruger, situé sur le campus de l’Université Laval à Québec. Un édifice qui a pour principale particularité d’être constitué presque entièrement en bois : ossature, revêtement extérieur, murs, planchers, plafonds…
 
Fruit d’un investissement global de 29 millions de dollars – 22 millions en construction, le bâtiment a été érigé entre août 2003 et septembre 2005. Il couvre près de 89 500 pieds carrés, répartis sur trois niveaux s’élevant à partir du sol et un autre en souterrain. Relié au pavillon Abitibi-Price par une aire de circulation, il est constitué de deux volumes : l’un abrite des salles de conférences et de réunion, des locaux d’enseignement et des bureaux ; l’autre, lui, loge 18 laboratoires (10 lourds et 8 légers).

Le pavillon Kruger héberge le Centre de recherche sur le bois, des étudiants des trois cycles en génie et sciences du bois, ainsi que la Chaire de recherche industrielle du CRSNG sur les bois d’ingénierie structuraux et d’apparence. Il s’agit là, soulignons-le, du plus important pôle de recherche en transformation du bois dans l’est du Canada. Les sujets d’études vont de l’anatomie du bois à sa seconde transformation et son usinage, en passant par la chimie analytique, la chimie des polymères et adhésifs, la physique du bois, la charpente et sa première transformation, les essais mécaniques, les panneaux composites et le séchage.

Bien qu’il n’arbore pas le sceau LEED, le pavillon Kruger n’en est pas moins réputé vert dans le milieu du bâtiment. « Le projet a été aligné du début à la fin sur le système LEED, mais n’a pas été enregistré en vue de l’obtention de la certification, indique André Moisan, membre de l’équipe d’architecture qui a vu à la conception du projet. Selon lui, l’édifice aurait pu se qualifier pour la certification de niveau Argent.

Le directeur des immeubles de l’Université, Robert Desmeules, acquiesce d’emblée et précise pourquoi l’institution a décidé de ne pas s’engager plus à fond dans une démarche LEED. « À l’époque, nos professionnels estimaient que la certification coûterait quelque 75 000 dollars. Comme on avait un budget très serré, ce fut donc une décision purement financière de ne pas chercher à faire certifier le bâtiment. »

Il faut dire que ce ne sont pas les stratégies écologiques qui manquaient. Surtout sur le plan des mesures passives de contrôle de l’environnement. « Notre principal objectif était de fournir aux occupants le milieu le plus confortable possible, tout en minimisant la consommation d’énergie. Notre stratégie la plus importante à cet égard consistait à miser sur le chauffage solaire et le refroidissement passif, ainsi que sur la ventilation et la lumière naturelle », expose André Potvin, professeur à l’École d’architecture de l’Université Laval et codirecteur du Groupe de recherche en ambiances physiques, le GRAP, qui a participé au design du bâtiment.

Il note que le GRAP n’a cependant pas fait d’évaluation quantitative post-occupationnelle. Plus particulièrement parce que le Kruger étant un pavillon universitaire, donc comptant très peu d’étudiants en permanence, la masse critique d’usagers que nécessite une telle évaluation n’était pas au rendez-vous.

« Par contre, s’empresse-t-il de signaler, j’ai recueilli les commentaires de gens fréquentant le pavillon et tous s’accordaient pour dire que c’était un bâtiment confortable. En plus d’être “énergisant”, ce qui revient à dire qu’il favorise la productivité parce que les gens s’y sentent bien. D’un point qualitatif, pour moi, c’est très satisfaisant. »

Robert Beauregard, doyen de la Faculté de foresterie et de géomatique, est bien d’accord : « On a créé un environnement très agréable, chaleureux. Dans le corridor qui relie le pavillon au bâtiment voisin, il y a des murs-rideaux et des structures de bois qui rendent ce lieu très agréable, au point où il y a des étudiants qui s’y installent pour travailler en hiver lorsqu’il fait soleil. On observe même qu’il y a des étudiants d’autres facultés qui viennent faire leurs travaux dans la cafétéria du pavillon. »

Mesures de performance
Robert Desmeules souligne que le service des immeubles n’a pas lui non plus réalisé de sondage pour mesurer le niveau de confort des usagers du pavillon. Mais il fait remarquer du même souffle qu’aucune plainte n’a été enregistrée en quatre ans à l’égard de la qualité de l’air, par exemple. Une donnée qui lui semble un bon indicateur du niveau de confort du Kruger lorsqu’il la compare aux plaintes que son service reçoit pour d’autres immeubles du campus, certains faisant même l’objet de doléances assez fréquentes des occupants.

Il est cependant moins évident de s’attarder à l’atteinte des cibles visées à l’origine par le projet, les données permettant de mesurer la performance n’ayant pas été compilées. Difficile donc de savoir si la consommation d’eau est conforme aux attentes puisque l’Université éprouve des problèmes avec le compteur mécanique. Même chose du côté de la réduction énergétique, pour laquelle on visait une baisse de 32 % par rapport à l’édifice de référence du Code modèle national de l’énergie pour les bâtiments, alors qu’aucun suivi comparatif n’a encore été fait.

Le directeur des immeubles est cependant en mesure de fournir des données sur les coûts d’exploitation de l’édifice, à savoir ceux reliés aux appels de service touchant le pavillon mais excluant les dépenses en énergie et en entretien ménager. Et qu’indiquent-elles ? « Actuellement, répond Robert Desmeules, notre coût d’exploitation est de l’ordre de 12,19 dollars le mètre carré par rapport à une moyenne de 14,20 dollars pour l’ensemble du campus.

« L’an dernier, poursuit-il, on parlait de 16 dollars le mètre carré alors que la moyenne du campus se situait à 13 dollars. Donc, on peut voir que le pavillon a nécessité des efforts de rodage et qu’une fois cela fait, les coûts ont commencé à diminuer. Et je crois que ça va continuer de descendre jusqu’aux environs de 10 dollars le mètre carré. »

Il estime que le comportement du bâtiment est très satisfaisant depuis sa mise en exploitation. Pour lui, il s’agit de l’un des beaux pavillons du campus et il répond très bien aux besoins de la clientèle. « On est en plein à l’intérieur des objectifs que l’on s’était fixés au départ », soutient-il.

L’expérience bois
Robert Beauregard, lui, avait une autre bonne raison de suivre à la trace l’évolution du projet : l’occasion d’utiliser le bois pour construire un bâtiment non résidentiel. Quelque 450 mètres cubes en tout, excluant les revêtements extérieurs : poteaux-poutres de lamellé-collé, lamelles de bois franc, poutrelles en « I », panneaux agglomérés…

S’il se montre dans l’ensemble satisfait du résultat final, le doyen de la Faculté de foresterie et de géomatique observe qu’une telle démarche, qui se voulait en même temps une vitrine sur la construction en bois et un projet de recherche pour en identifier les enjeux, ne pouvait se dérouler sans anicroche « Le projet posait un grand défi de synchronisation et d’expertise à l’égard de l’utilisation du bois dans un bâtiment de ce type.

« C’est que les différents acteurs du bâtiment institutionnel et commercial sont habitués à travailler avec l’acier et le béton, précise-t-il, mais plus avec le bois comme ce l’était auparavant. Cela a occasionné certains accrocs en cours de route sur le chantier, notamment aux niveaux organisationnel et logistique. Les problèmes ont été identifiés et on va les corriger dans l’avenir, ce n’est rien d’insurmontable. »

Dans un autre registre, il fait remarquer que le bois a apporté deux contributions majeures au projet sur le plan écologique. À savoir une diminution nette des émissions de GES, du fait que la transformation du bois requiert très peu d’énergie, et un gain thermique en raison de la performance isolante de ce matériau.

Il signale aussi que l’on s’est efforcé dans la mesure du possible de recourir à des fournisseurs offrant des bois locaux, même que cette exigence était spécifiée aux devis. Et qu’en conséquence, les produits du bois utilisés proviennent plus particulièrement du Nord-du-Québec, du Bas-Saint-Laurent et de l’Abitibi-Témiscamingue.

« Le recours au bois arrimait à la fois les dimensions durable, économique et communautaire. Plusieurs communautés au Québec dépendent de l’industrie forestière. Moi, conclut-il, je crois qu’il est beaucoup plus sain comme société de développer des produits de construction à haute valeur ajoutée, comme on le fait avec un bâtiment en bois, que d’exporter en masse des 4x4 non transformés. »

Équipe de projet


Propriétaire Université Laval
Architecture Gauthier Galienne Moisan
Consultant en développement durable Groupe de recherche en ambiances physiques (GRAP)
Génie électromécanique CIMA+/Genivar
Génie de structure et civil BPR
Entrepreneur général Pomerleau

 

Mesures vertes
  • Apport majeur de luminosité naturelle grâce à une fenestration abondante (40 % de la surface des murs extérieurs) et cinq puits de lumière répartis au-dessus des ateliers lourds
  • Orientation du bâtiment dans l'axe nord-est/sud-ouest pour optimiser les gains solaires matinaux
  • Orientation du bâtiment pour optimiser l'effet de cheminée et la ventilation naturelle
  • Ventilation hydride dans les bureaux
  • Brise-soleil en verre givré installés sur les murs extérieurs
  • Trois capteurs solaires (45 mètres carrés chacun) installés du côté sud-ouest
  • Utilisation de matériaux clairs pour réduire les îlots de chaleur, dont une membrane de toiture réfléchissante
  • Bassin de rétention pour les eaux pluviales
  • Aménagement paysager sans irrigation
  • Peinture et vernis respectant les exigences de Green Seal
  • Etc.