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Le système solaire thermique de Cascades à Kingsey Falls

8 octobre 2014
Par Marie-Ève Sirois

Une installation sans nulle autre pareille au Québec : la centrale thermosolaire de Cascades, à Kingsey Falls.

Le complexe industriel de Cascades à Kingsey Falls est maintenant pourvu  d’une centrale thermique dernier cri. Il s’agit non seulement de la première installation de capteurs à concentration solaire parabolique d’une telle envergure en sol québécois, mais également d’une première mondiale dans l’industrie des pâtes et papiers. 

« Les capteurs au sol ont été mis en route et leur installation est actuellement complétée à 99 % », indique d’entrée de jeu l’ingénieur Jacques-Alexandre Fortin, coprésident de Rackam, firme sherbrookoise qui a vu à mener le projet à bien de concert avec Cascades. 

Au total, l’investissement de près de 1,1 million de dollars permettra d’assurer une production énergétique de 4 400 gigajoules par année, ce qui se traduira par une économie annuelle de 139 700 mètres cubes de gaz naturel. En termes d’émissions de gaz à effet de serre, ce sont non moins de 265 tonnes de CO2 équivalent qui ne seront pas émises dans l’atmosphère, soit 5 300 tonnes sur 20 ans. 

Désormais, le procédé de séchage du complexe de Cascades sera alimenté en chaleur par 800 kW de capteurs de type concentrateur installés au sol, juste à côté de l’usine. Vingt rangées de paraboles cylindriques d’environ 15 mètres de long sillonnent l’espace de captation. Au total, ce sont 1 490 mètres carrés de surface réflective qui reflète le rayonnement solaire vers un tube métallique sous vide, placé au foyer de la parabole. 

Le tube métallique est constitué d’acier inoxydable et est enduit d’un revêtement sélectif propre à la technologie développée. À l’intérieur de ce tube focal, circule un caloporteur – de l’huile thermique, qui transfère la chaleur vers un échangeur tubes et calandre situé à l’extrémité du champ de captation. 

Dans le cas de Cascades, la boucle solaire atteint 150 degrés Celsius, mais ce type de capteur peut produire une température plus élevée si le contexte l’exige. « La performance attendue de cette installation spécifique devrait varier entre 50 % et 60 % », selon Jacques-Alexandre Fortin. 

Rackam a participé au projet tant au niveau du concept, de la fabrication des équipements, de leur manutention et de leur installation. « En six mois [automne 2013 au printemps 2014], nous avons à la fois développé un nouveau capteur et le concept solaire thermique du projet de Kingsey Falls », souligne Jacques-Alexandre Fortin. 

Nouveaux concentrateurs

En fait, Rackam a décliné spécifiquement pour ce projet une nouvelle version de son capteur S10, aussi appelé Icarus Heat 10. La génération S20 offre une superficie de captation doublée et son caloporteur peut atteindre 340 degrés Celsius, comparativement à 240 degrés Celsius pour le modèle S10. 

Les nouveaux concentrateurs pivotent toujours sur un seul axe et ils intègrent un miroir parabolique qui reflète le rayonnement incident à 98 %. Jacques-Alexandre Fortin commente le matériau réfléchissant utilisé : « La tôle que nous utilisons provient d’outre-mer, nous n’avons malheureusement pas encore trouvé un produit qui possède les mêmes qualités optiques ici. » 

Les composantes utilisées par Rackam sont au cœur de la différenciation du produit québécois. « Actuellement, indique le coprésident de l’entreprise, les équipements solaires disponibles sur le marché sont fabriqués à partir d’éléments coûteux, issus d’une conception ancienne. C’est pourquoi ils contiennent des éléments souvent lourds ou surdimensionnés, comme des soudures verre-métal par exemple, destinés à des températures d’opération beaucoup plus élevées. Cela provient de l’industrie thermoélectrique. » 

Or, les températures du solaire thermique, beaucoup plus basses, ne requièrent pas ce type de design. C’est pourquoi les ingénieurs de Rackam sont revenus aux bases théoriques pour développer leurs capteurs. Leur conception est axée sur l’utilisation d’une énergie thermique primaire. La simplicité est de mise et le nombre de composantes est restreint au minimum. « Nous avons le produit le plus épuré sur le marché, affirme Jacques-Alexandre Fortin, et notre demande de brevet a été déposée à cet effet. » 

Le capteur de Rackam repose sur une structure sandwich d’aluminium composite, une ossature ultralégère qui permet la manipulation des capteurs à bras d’homme, et les installations en toiture. « Et malgré cette légèreté, la manutention des paraboles demeure très complexe », signale Jacques-Alexandre Fortin. 

De plus, on a pris soin de prévoir la résistance aux intempéries québécoises, notamment en ce qui a trait à la neige et au vent. Ainsi, le système de poursuite solaire sert aussi à protéger l’équipement pour qu’à certaines conditions, le capteur se retourne sur lui-même et maintienne la surface de captation à l’abri. De cette façon, aucun déneigement n’est requis. 

Au passage, Jacques-Alexandre Fortin salue l’audace et la vision de Cascades pour avoir investi dans le solaire thermique québécois. Non sans ajouter que « ce projet n’aurait pas été possible sans l’aide financière du Bureau de l'efficacité et de l'innovation énergétiques [463 500 $] et de Gaz Métro [76 000 $]. » 

En ce qui a trait à la conception énergétique du reste du projet, notamment pour les procédés industriels, c’est le Groupe d’intervention en énergie (GIE) de Cascades qui en a fait l’ingénierie. Les travaux ont pour leur part été gérés et réalisés par Cascades CIP, entre mai et juillet dernier.

Installation évolutive

Les installations de Kingsey Falls pourraient éventuellement intégrer un module de production photovoltaïque (PV). Comme les systèmes solaires thermiques nécessitent de l’électricité pour faire fonctionner les pompes, il serait souhaitable de parfois privilégier la production d’énergie solaire PV à l’énergie thermique. Pour ce faire, Rackam travaille, en partenariat avec l’Université de Sherbrooke, au développement de la technologie nécessaire pour l’implantation de nouveaux éléments PV à même leurs équipements. Ainsi, le site de Cascades pourrait faire partie des champs de démonstration qui serviront à tester la technologie développée.