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L’optimisation éconergétique des Bassins du Havre

5 septembre 2017
Par Rénald Fortier

Les Bassins du Havre : un ensemble d’habitations en copropriété hors du commun sur le plan de l’intégration de stratégies éconergétiques. Étude de cas.

En bordure nord du canal de Lachine, dans le sud-ouest de Montréal, prend forme depuis 2011 un ensemble d’habitations en copropriété pas comme les autres. Ce projet, piloté par un partenariat formé de Groupe Prével et de Rachel Julien, c’est celui des Bassins du Havre. Et il loge résolument à l’enseigne de la haute performance énergétique.

Le projet se décline en quatre phases briguant une certification LEED-NC. Les deux premières, respectivement achevées à l’hiver 2014 et au printemps 2015, se sont traduites par la construction d’immeubles de huit étages. Le bâtiment de la phase 3, actuellement en chantier, s’élèvera à cette même hauteur, tandis que celui qui verra le jour dans le cadre de la dernière phase, au cours des prochains mois, se profilera sur 20 niveaux.

Si ces bâtiments durables seront tous le fruit de l’application d’une batterie de stratégies éconergétiques, ceux issus des deux phases initiales ont en outre la particularité de recourir à l’énergie solaire. Cette énergie est mise à profit pour le préchauffage de l’air neuf ainsi que celui de l’eau chaude dans ces immeubles regroupant 323 unités d’habitation.

Et la performance de ces immeubles, désignés sous les appellations Quai 1 et Quai 2, est à l’évidence au rendez-vous. De savoir que leur consommation d’énergie est réduite de 40 % par rapport à la référence du Code modèle national de l’énergie pour les bâtiments (CNEB) suffit amplement à en prendre la mesure.

Optimiser les technologies éconergétiques

« Ce sont des immeubles qui performent très bien, qui ne coûtent vraiment pas cher en énergie, indique Denis Robitaille, président de Rachel Julien. Il y a certes des économies récurrentes pour les copropriétaires, mais ce n’est pas le cas cependant sur le plan de la construction. Le défi est d’en arriver à optimiser l’intégration de technologies éconergétiques, mais tout en demeurant compétitif sur le marché. Ce n’est pas une mince tâche, mais nous sommes néanmoins heureux d’avoir pris cette direction avec ce projet. »

Ce n’est pas Dominique Frenette, directeur des marchés commercial et résidentiel chez Bouthillette Parizeau, qui va le contredire. Celui qui a travaillé à la conception des systèmes électromécaniques de ces bâtiments observe que peu de projets d’immeubles en copropriété sont aussi avancés en matière d’efficacité énergétique.

« Ce genre de projet n’est vraiment pas courant, affirme-t-il, surtout quand on sait que les bâtiments des Bassins du Havre disposent notamment d’une boucle thermique à partir de laquelle on échange de la chaleur et du froid entre les logements au moyen de thermopompes. Dans des édifices de bureaux, on peut plus facilement appliquer cette stratégie parce qu’il y a beaucoup de chaleur interne à récupérer.

« Mais ce n’est pas le cas dans des immeubles de copropriétés comme aux Bassins du Havre, poursuit-il. Tous les espaces sont situés dans les zones externes et vivent les quatre saisons, ce qui fait que l’on y a moins de potentiel de récupération d’énergie. »

L’optimisation éconergétique des Bassins du Havre - Photo de Prével/Rachel Julien

Il observe d’ailleurs que de tels bâtiments résidentiels misant sur l’énergie solaire pour le préchauffage de l’air neuf et de l’eau chaude domestique ne courent pas les rues. « Dans le cas des Bassins du Havre, on va ainsi chercher de 3 à 4 % d’énergie renouvelable, précise-t-il. Ça paraît peu de prime abord, mais dans le domaine de l’habitation, c’est bel et bien un effort très important. »

Jouer sur deux tableaux

C’est ainsi que l’eau des piscines extérieures surmontant le bâtiment est chauffée par un système de chauffage solaire sous vide durant la période allant de septembre à mai. Ce système s’articule autour de cinq panneaux solaires sous vide de 15 mètres carrés qui, installés au toit du Quai 2, fournissent 33 840 MJ par bâtiment. Ils sont couplés à quatre chauffe-eau au gaz à haute efficacité, dont un à l’énergie solaire, ainsi qu’à des réservoirs de stockage.

Il faut noter que ce n’est pas à cet usage qu’étaient initialement destinés ces capteurs solaires au moment de la conception, mais plutôt au préchauffage de l’eau des piscines. « Nous avons vite constaté que cette énergie-là serait disponible lorsqu’il ne serait pas nécessaire de chauffer les piscines. Un système de transfert a donc été mis en place pour la diriger vers la production de l’eau chaude domestique », explique Dominique Frenette, en soulignant que 20 capteurs solaires à air chaud installés au toit du Quai 1 servent notamment à préchauffer l’air neuf dans les espaces communs.

L’application de ces solutions solaires thermiques contribue donc à accentuer encore davantage la frugalité énergétique des immeubles issus des deux premières phases, en conjugaison bien sûr avec l’ensemble des autres mesures intégrées à leur design. À commencer par une enveloppe thermique performante.

Il faut dire que pour pallier les déperditions et gains thermiques dus à une fenestration abondante, les architectes de Cardinal Hardy – aujourd’hui Lemay – ont notamment augmenté l’isolation des murs et des toitures ainsi qu’opté pour des fenêtres à double vitrage low-e avec gaz argon. « À la conception, nous avions des bâtiments statiques efficaces sur le plan architectural, indique Dominique Frenette; il n’a suffi qu’à insister un peu auprès des architectes pour limiter le pourcentage de fenestration à 42 %.De là, il nous fallait faire le reste du chemin du côté de l’optimisation des systèmes électromécaniques pour atteindre nos objectifs d’efficacité.

 « Cet effort supplémentaire, conclut l’expert de Bouthillette Parizeau, est passé par l’introduction de la boucle thermique et des thermopompes pour déplacer la chaleur, mais aussi par l’intégration de bien d’autres mesures. Comme le recours à des échangeurs efficaces pour récupérer l’énergie sur l’air vicié évacué ou encore à des chaudières au gaz naturel haute performance pour injecter de la chaleur au besoin dans le réseau hydronique. »

Redéveloppement durable

La réalisation des Bassins du Havre s’inscrit dans la foulée du redéveloppement du site de l’ancien centre de tri de Postes Canada, à proximité du Vieux-Montréal et du centre-ville. La démarche a été initiée par la Société immobilière du Canada à partir de 2007 avec l’objectif de transformer cette friche industrielle de 23,5 acres en un quartier mixte LEED-ND (Neighborhood Development).

 

Stratégies éconergétiques

L’optimisation éconergétique des Bassins du Havre - Photo de Prével/Rachel Julien

  • Enveloppes thermiques performantes
  • Chauffage et climatisation des logements au moyen de thermopompes eau-air [capacité variant de 1 à 3 tonnes selon la superficie des logements] reliées à un réseau hydronique à basse température [80 degrés Fahrenheit en hiver, 90 en été]
  • Échange d’énergie entre les logements en mode chauffage et ceux en mode refroidissement selon leur orientation solaire
  • Évacuation de la chaleur excédentaire du réseau hydronique par l’entremise d’une tour de refroidissement installée  au toit de chacun des bâtiments [capacité de 195 tonnes pour la phase 1 et de 240 tonnes pour la phase 2]
  • Injection de chaleur dans la boucle thermique, lorsqu’elle y est en déficit, au moyen de chaudières à condensation [efficacité de 96 %]
  • Ventilateur récupérateur de chaleur pour préchauffer l’air extérieur dans chaque logement
  • Préchauffage de l’air extérieur alimentant les corridors au moyen de collecteurs solaires à air chaud
  • Chauffe-eau [4] au gaz à haute efficacité pour la production de l’eau chaude domestique, dont un chauffe-eau préchauffé avec l’énergie solaire
  • Chauffage solaire des piscines avec transfert d’énergie, lorsqu’elle n’y est plus requise, vers les systèmes de production d’eau chaude domestique
  • Chauffage des stationnements avec des aérothermes au gaz de type à condensation
  • Apport de luminosité naturelle dans les logements
  • Éclairage artificiel efficace
  • Et autres

 

Récupération de l’eau de pluie

L’optimisation éconergétique des Bassins du Havre - Photo de Prével/Rachel Julien

Les immeubles des Bassins du Havre bordent de grands bassins architecturaux extérieurs qui, rappels de ceux ayant servi au transport maritime à l’origine sur le site, nécessitent l’apport de 75 mètres cubes d’eau par semaine pour compenser l’évaporation en période d’ensoleillement l’été.

Plutôt que d’utiliser le réseau d’aqueduc à cette fin, les concepteurs se sont plutôt tournés vers la récupération de l’eau pluviale provenant des toits. C’est ainsi que la totalité de ces eaux pluviales est captée, filtrée et traitée par des ultraviolets. Emmagasinée dans des réservoirs de stockage, elle peut rapidement alimenter les bassins, qui ont été pourvus de jets servant à créer un mouvement et à injecter de l’oxygène pour éviter la formation d’algues.

« C’est une belle avancée environnementale, d’autant plus que l’on fait d’une pierre deux coups, indique Dominique Frenette, de Bouthillette Parizeau. Car en utilisant l’eau de pluie pour compenser l’évaporation des bassins, en plus de s’en servir pour arroser les jardins, on évite en même temps de surcharger le réseau d’égout municipal en la gardant sur le site. »

 

Soutien au préchauffage solaire

L’optimisation éconergétique des Bassins du Havre - Photo de Bouthillette Parizeau

Pour aplanir les coûts additionnels engendrés par l’intégration des technologies permettant de tirer profit de l’énergie du soleil, le projet du tandem Prével / Rachel Julien bénéficie d’un soutien financier en provenance du programme de préchauffage solaire de Gaz Métro. Le distributeur gazier lui a également consenti des appuis pour le recours à des chaudières à condensation et des chauffe-eau  au gaz naturel, ceci dans le cadre de son programme Nouvelle construction efficace.

« Si les technologies éconergétiques ne sont pas intégrées dans l’architecture du bâtiment dès la conception, il s’agira assurément d’un surcoût, observe Mathieu Rondeau, conseiller, Technologies et Efficacité énergétique au sein du Groupe Datech de Gaz Métro. Mais lorsque c’est fait intelligemment, comme dans le cas des Bassins du Havre, le surcoût sera mitigé. Et on vient y pallier avec des subventions, ce qui donne un rendement de l’investissement intéressant. »

Disponible depuis 2003, le programme de préchauffage solaire de Gaz Métro a permis de soutenir plus de 180 projets à ce jour, contribuant ainsi à une réduction d’émissions de C02 avoisinant les 8 000 tonnes, dont 626  dans le cas des Bassins du Havre.