Aller au contenu principal
x
4 février 2016
Par Léa Méthé Myrand

Retour sur le Planétarium Rio Tinto Alcan, une réalisation montréalaise aujourd’hui frappée du sceau LEED-NC Platine. Et sur sa performance environnementale.

Le Planétarium Rio Tinto Alcan séduit le public, tout comme il ravit les employés et excède les attentes de ses concepteurs. Un succès couronné par l’obtention de la certification LEED-NC, niveau Platine, qui n’est pas le fruit du hasard. Parce que dès l’arrivée sur le site, tous les sens du visiteur sont sollicités pour le plonger dans le thème astronomique. 

C’est que d’une vaste étendue de verdure émergent deux cônes tronqués au fini métallique pointant vers le ciel. Le bâtiment, imbriqué dans la dalle du site olympique, trompe d’entrée de jeu les perceptions. « Il est tellement bien intégré à l’environnement qu’il paraît petit de l’extérieur et immense de l’intérieur », observe Pierre Lacombe, directeur du Planétarium Rio Tinto Alcan. 

Ce design, c’est l’œuvre de la montréalaise Cardin Ramirez Julien, en consortium avec Ædifica, qui a obtenu le mandat en remportant le concours international d’architecture pour le concept du Planétarium. Le projet a depuis raflé plusieurs honneurs, dont le Prix d'excellence 2013 de la Société des musées québécois et un trophée Innovation Contech 2013 décerné pour le travail en conception intégrée. 

« Nous avions le double défi de composer avec la structure de béton existante et d’atteindre la certification LEED Platine », explique Jean-François Julien, architecte chez Cardin Ramirez Julien. C’était un projet vraiment singulier, notamment parce que la forme inhabituelle du bâtiment et son intégration sur le site demandaient une compréhension particulière au niveau de l’établissement de la limite du terrain pour l’application de crédits du système d’évaluation LEED. »      

À l’intérieur, les concepteurs ont su maximiser l’apport de lumière naturelle, tout en préservant la pénombre nécessaire à l’acclimatation des yeux pour le visionnement des spectacles multimédias. La fenestration a été maximisée dans les endroits stratégiques comme le restaurant, les salles d’animation et le hall, de même que dans les bureaux. Plusieurs ouvertures donnent sur une cour intérieure, faisant la part belle à la lumière indirecte. 

L’éclairage artificiel est principalement constitué de DEL, de fluorescents et d’halogènes, dont plusieurs combinés dans des arrangements de fantaisie pour contribuer au thème cosmique. Dans le même esprit, les lattes de bois recouvrant une des deux salles de projection sphériques et les divisions faites d’aluminium expansé présentent des textures riches que l’on associe spontanément à l’exploration spatiale. 

Pierre Lacombe se félicite de la réflexion effectuée dans le cadre de l’élaboration du programme fonctionnel et technique pour le nouveau planétarium car celui-ci répond en tous points aux besoins de l‘établissement. Les visiteurs circulent avec aisance et le design intérieur contribue à créer une expérience immersive. La lune de miel dure depuis l’ouverture, en avril 2013. 

Si l’un des murs intérieurs doit déjà être repeint, c’est que l’épaule de 770 000 visiteurs l’a déjà frôlé en chemin vers l’un des deux spectacles diffusés quotidiennement. Lors de l’ouverture, un autre phénomène cocasse s’est produit dans une zone d’attente : les plexiglas protégeant les luminaires de fantaisie encastrés au plancher disparaissaient un à un. 

Attentifs, les membres du personnel chargés d’élucider le mystère ont eu tôt fait d’observer des enfants, assis par terre dans la file d’attente, dévissant les ancrages pour se distraire et venant à bout de déloger les pièces circulaires. « Ce n’était pas pour mal faire, c’était de très jeunes enfants, dit Pierre Lacombe. Mais ça illustre le fait que le public est toujours très imaginatif dans sa manière d’utiliser le matériel… » 

Pour le coup, ce dernier est impressionné par le civisme qu’inspire le bâtiment du planétarium. Aucun bris malveillant n’a encore été constaté et les murs n’ont pas été pris pour canevas par les graffiteurs. « Quand on bâtit quelque chose de beau, les gens sont sensibles à l’intention et à l’effort, dit-il. La qualité du bâtiment est telle que cela suscite le respect. On constate toujours le même ébahissement de la part du public. » 

Alors que l’on se méfiait de l’attitude des planchistes attirés dans le secteur par le skate park voisin, on constate que ceux-ci circulent sagement dans les allées sans s’attarder ni laisser d’autres traces qu’un vrombissement éphémère. 

Mousses à l’essai

C’est plutôt les astrophiles de la première heure qui ont posé problème lors de l’inauguration. En effet, les végétaux n’avaient pas sitôt pris racine sur les vastes toits verts qu’une section gazonnée a été élue zone de pique-nique par les visiteurs enthousiastes. Un pictogramme invitant ceux-ci à rester dans le sentier balisé a suffi à les contenir, mais force est de constater que les plantes ont la vie dure sur le site. 

Dans la cour intérieure, par exemple, la mousse sélectionnée comme couvre-sol n’est pas suffisamment robuste. En collaboration avec les architectes paysagistes Fauteux et Associés, les collègues du Jardin botanique et l’équipe chargée de l’entretien, cette déception a été tournée en opportunité de recherche. « Nous avons de belles pistes pour améliorer la résistance des végétaux, dit Pierre Lacombe. À l’été 2015, nous avons subdivisé la cour en parcelles et planté différentes mousses. Au printemps 2016, nous sélectionnerons celle qui a le mieux résisté à l’hiver et la planterons dans le reste de la cour. » 

Les végétaux peinent un peu, mais le système de drainage des eaux de ruissellement, lui, fait ses preuves. Le premier millimètre d’eau de précipitations est absorbé par les toitures vertes et le reste est filtré et emmagasiné dans deux réservoirs de 20 mètres cubes et destiné à l’alimentation des sanitaires. Selon l’architecte Jean-François Julien, l’obtention des cinq  points relatifs à la gestion efficace de l’eau a fait la différence dans ce projet entre l’atteinte du niveau LEED Or et l’obtention du niveau Platine, un investissement estimé à 100 000 dollars. 

Lieu de travail convoité

Si tout a été mis en œuvre pour rehausser l’expérience des visiteurs, les employés du planétarium ne sont pas en reste. « On a su combiner les besoins du personnel et la qualité des espaces », dit Pierre Lacombe, qui souligne la luminosité des bureaux et la présence d’aménagements cyclistes dont un rangement à vélo sécurisé et un vestiaire avec douche. « Nous avons réussi à recruter des employés qui ont saisi l’opportunité spécifiquement pour l’environnement de travail. »   

Un emménagement sans faute en janvier 2013 a permis à la trentaine de membres du personnel de se remettre au travail en moins de 24 heures. La transition a exigé de menues adaptations, notamment sur le plan sonore. En troquant les anciens bureaux individuels pour les nouveaux locaux à aire ouverte, les occupants ont dû baisser la voix, d’autant plus que la ventilation par plénum ultrasilencieuse n’occasionne aucun bruit de fond. 

Même pour l’équipe chargée de l’entretien, le nouveau planétarium est un lieu de travail apprécié. Celle-ci dispose d’un entrepôt bien équipé et d’un centre laveuse-sécheuse. En dépit des opérations ponctuelles pour le nettoyage en hauteur des puits de lumière avec une équipe spéciale du fournisseur Coforce, le nouveau bâtiment n’engage pas de coûts d’entretien particuliers. 

L’obtention de la certification LEED 1.0 niveau Platine, en juillet 2015, couronne donc deux ans et demi d’occupation heureuse. Grâce à cette reconnaissance, on observe au planétarium un regain d’intérêt pour les visites de groupe axées sur les performances du bâtiment. Par ailleurs, le grand public peut découvrir certains des éléments de construction écologique intégrés au bâtiment grâce au Parcours LEED de l'application Espace pour la vie.

Branché sur le Biodôme

Le Biodôme a mis en place en 2009-2010 un vaste programme d’économie d’énergie s’articulant autour de la récupération de chaleur entre ses quatre écosystèmes et l’installation d’une géothermie à boucle ouverte alimentée à même une nappe d’eau située sous le bâtiment. Compte tenu des surplus de chaleur générés grâce à ces interventions, la Ville de Montréal et Espace pour la Vie ont résolu d’alimenter le Planétarium Rio Tinto Alcan en chaleur et en froid à même le réseau géothermique du Biodôme, situé à quelques dizaines de mètres.

Le Planétarium Rio Tinto Alcan - Photo de Espace pour la vie / Raymond Jalbert

Comme le bâtiment est très performant sur le plan de la conservation énergétique, l’essentiel des besoins en chaleur est comblé par la thermopompe du Planétarium. La demande générée par ce « parasite » représentant moins de 10 % de celle du Biodôme, la nouvelle synergie ne compromet donc en rien la performance de l’ensemble.

« Pour le projet du Planétarium, il s’agit d’une économie en équipements initiale évaluée entre 300 000 et 400 000 dollars », explique Jean Bouvrette, ingénieur et chef de section au Service technique d’Espace pour la vie. Cela représente aussi des économies annuelles de 50 000 à 100 000 dollars sur les frais d’exploitation. »

Soulignons que l’optimisation éconergétique du Biodôme, une réalisation d’EcoSystem, a récemment mérité le prix de l’Association of Energy Engineers.

International Energy project of the year

 

Performance énergétique
  • Sept points LEED obtenus sur 10 possibles pour le crédit Optimisation de la performance énergétique, soit 47,9 % d’économie par rapport au seuil de référence ASHRAE 90.1
  • Enveloppe isolante (R-26) comportant seulement 20 % de fenestration
  • Échange de chaleur avec le réseau géothermique du Biodôme grâce à deux boucles d’eau glycolée, une chaude et une froide
  • Ventilation basse pression par déplacement d’air au moyen de plénums aménagés au plancher
  • Échangeur à cassette efficace à 90 % permettant la récupération de chaleur sur l’air évacué
  • Ventilation naturelle avec assistance mécanique actionnée lorsque la température extérieure le permet. Pour prévenir les bris et infiltrations, une station météo commande la fermeture des volets en fonction des précipitations et de la direction du vent
Dans le mille !
  • Certification LEED 1.0 niveau Platine obtenue en cumulant 55 points (on visait entre 54 et 57 points lors de la conception)
  • Sept points sur 10 obtenus dans le crédit Optimisation de la performance énergétique, alors qu’on en visait cinq au minimum
  • Réduction de la consommation d’eau potable d’environ 55 % par rapport à celle du bâtiment de référence, notamment grâce à la récupération de l’eau de pluie (tous les points possibles ont été obtenus dans cette catégorie)
  • Comme prévu, 75 % des murs, planchers et toits existants ont été réutilisés, dans ce cas-ci la dalle structurale et l’espace souterrain aménagé
  • 75 % des débris de construction ont été détournés des sites d’enfouissement
  • Les matériaux intégrés au projet sont constitués à 15 % de contenu recyclé et 20 % des matériaux sont d’extraction ou de fabrication régionales

 

Équipe de projet

Propriétaire Ville de Montréal Architecture Consortium Cardin Ramirez Julien & AEdifica Aménagements paysagers Fauteux et associés – Architectes paysagistes Génie structural et civil SNC-Lavalin Génie électromécanique Dupras Ledoux Ingénieurs Construction Decarel Coordination LEED exp Commissioning exp, en collaboration avec l’équipe technique d’exploitation d’Espace pour la vie Montréal