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La ville sobre en consommation de ressources, pierre angulaire du développement durable

3 juin 2016

Centre de formation en développement durable CHRONIQUE DU CENTRE DE FORMATION EN DÉVELOPPEMENT DURABLE
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En parcourant divers pays, surtout dans les pays en développement, une image qui revient sans cesse est celle d’ « échafaudages » plantés un peu partout pour ériger des bâtiments et des infrastructures. Les villes poussent comme des champignons au gré des mois et des années.

Depuis au moins le quatrième rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), il est commun d’entendre que la construction est l’un des secteurs qui offrent les plus grandes opportunités en termes de réduction des émissions de CO2 ; les opportunités les plus grandes et les plus faciles à réaliser. 

Le bâtiment vert est alors devenu un objectif commun pour tous, et chaque pays, chaque ville, cherche à afficher ses quelques bâtiments verts certifiés. Cela représente certes un pas, qui s’inscrit généralement dans le cadre d’une politique nationale ou locale de réduction des émissions de GES ou qui résulte simplement d’actions volontaires, mais qui sont encore loin de pouvoir contribuer aux objectifs ambitieux de l’Accord de Paris de la COP21, qui vise à limiter l’accroissement de la température à moins de 2 °C, voire plutôt 1,5 °C. 

Responsable de près de 30 % des émissions globales de CO2, le secteur de la construction demeure un moteur économique clé dans tous les pays. Pour s’orienter de manière sérieuse vers l’objectif de 2 °C, il faudra améliorer l’efficacité énergétique des bâtiments, nouveaux et existants, de plus de 30 %, voire de 50 %, d’ici une trentaine d’années. Les solutions techniques existent et sont généralement « à portée de main ». Si, dans certains cas, cela peut représenter un léger coût additionnel, celui-ci sera amorti dans les premières années d’utilisation du bâtiment. 

Toutefois, pour un impact qui puisse faire la différence, qui puisse inscrire le changement dans la tendance à long terme, il est vital et urgent d’y associer tous les acteurs concernés par la chaine de valeur de la construction, et d’user d’une politique proactive voire agressive de communication et d’information sur le pourquoi et le comment, ainsi que sur les enjeux et les opportunités ; les outils et les mécanismes existants et accessibles. La communauté internationale ne s’est pas trompée en décidant d’avoir une journée spéciale « bâtiments » lors des réunions annuelles de la COP sur le climat. 

Cependant, pour que les actions en faveur d’un bâtiment vert portent leurs fruits, il est essentiel de placer le bâtiment dans son espace ou son écosystème, à savoir la ville, tel un arbre dans sa forêt. Le bâtiment est lié à des infrastructures diverses et variées, des transports, des services de distribution de ressources, de modes de consommation et de production et des modes de vie. Le bâtiment s’inscrit et « évolue » dans un système : celui de la ville et du tissu urbain. 

Or, c’est bien dans les villes que se concentrent les consommateurs et acteurs économiques ; consommateurs de biens et services, qu’ils soient entités publiques, entreprises privées, société civile ou citoyens. À cet égard, la classe moyenne et ses demandes méritent une attention particulière, dans la mesure où la croissance mondiale, de la population et économique, mettra sur le marché près de trois milliards de consommateurs additionnels de classe moyenne. Les villes, que j’ai coutume de qualifier comme « les industries des trois quarts » seront la force motrice du développement durable. 

En effet, pour certains secteurs et certaines régions aujourd’hui, ou dans environ un quart de siècle, les villes accueilleront près des trois quarts de la population mondiale, généreront près des trois quarts du produit national brut, consommeront près des trois quarts des ressources naturelles et énergétiques et généreront pas moins des trois quarts des émissions de CO2 et des déchets. 

Cependant, en recherchant systématiquement une meilleure productivité et plus grande efficience lors de l’exploitation et l’utilisation des ressources, sur la chaine de valeur et tout au long du cycle de vie d’un produit, les possibilités en termes d’économie en ressources naturelles et financières sont colossales, pour ne pas dire infinies. Et cela passe par une promotion proactive et stratégique des modes de consommation et de production responsables et durables, tant dans les pays développés qui doivent montrer l’exemple, que dans les pays émergents ou en développement. 

Malheureusement, bien peu de villes et de collectivités considèrent les modes de consommation et de production de leurs citoyens et institutions ainsi que le flux des ressources, dans leur processus de planification d’urbanisation. Et pourtant, les opportunités d’innovation sont multiples, et ce, dans tous les secteurs. Les données relatives au métabolisme urbain et à la productivité urbaine manquent cruellement afin de pouvoir inscrire et intégrer les flux et l’utilisation des ressources dans une planification urbaine qui vise des actions transformatrices en vue de la promotion de villes sobres en consommation de ressources, inclusives et durables. 

Les villes doivent donc jouer leur rôle essentiel de force motrice sur la voie d’un développement durable. Et dans ce contexte, le monde de l’enseignement et de la recherche a sa part de responsabilité, mais aussi d’immenses opportunités pour renverser la tendance par une révision adéquate et appropriée des programmes et des méthodes. À chacun sa part de responsabilité dans les problèmes, comme dans la recherche de solutions. 

 


Par Arab Hoballah

Par Arab Hoballah, Chef du service styles de vie durables, villes et industrie, Division technologie, industrie et économie, Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) et partenaire international du Centre de formation en développement durable (CFDD)