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Tendances et enjeux de productivité du secteur de la construction

22 août 2018

Bâtiment durable Québec CHRONIQUE DE BÂTIMENT DURABLE QUÉBEC
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« Là où il n'y a plus d'amélioration possible, le déclin est proche. »

- Sénèque

Le McKinsey Global Institute est un des plus grands groupes de réflexion privés à l’échelle internationale. L’Institut a développé une méthode d’analyse alliant le management et l’économie pour mieux comprendre les facteurs macroéconomiques influençant les stratégies d’affaires et les politiques publiques. Ce bref article vise à souligner les grandes lignes du rapport Reinventing construction : a route to higher productivity1  publié en 2017.

Ce sont 10 trillions de dollars qui sont dépensés chaque année dans le secteur de la construction à l’échelle mondiale, ce qui représente 13 % du PIB mondial et 7 % des emplois dans le monde. Mais ce secteur montre une plus faible productivité comparativement aux autres domaines, soit une croissance de seulement 1 % depuis les 20 dernières années.

La croissance de l’économie mondiale a été, quant à elle, de 2,8 % et celle du secteur manufacturier de 3,6 %. Cependant, il faut noter que la productivité est inégale entre les pays. En 2015, le Canada se plaçait dans le groupe des pays performants avec la Suède et l’Allemagne. D’autres comme les États-Unis, la France et l’Espagne se retrouvent dans le groupe des leaders en déclin. Alors que la Belgique se démarque comme un leader mondial.

L’analyse révèle trois sources principales derrière ce manque à gagner. Premièrement, les facteurs extérieurs au secteur, notamment la complexité croissante des projets et des sites à développer. Deuxièmement, la lourdeur des règlementations et la déformation du marché par la corruption et les activités informelles. Troisièmement, des facteurs opérationnels à l’échelle micro. Notamment, l’inadéquation entre le processus de conception et les investissements, les lacunes dans la gestion de projet et l’exécution, le manque de qualification de la main-d’oeuvre de première ligne et de supervision, et surtout le sous-investissement du secteur dans l’innovation et la numérisation. À la lumière de ces observations, le rapport suggère sept pistes d’amélioration.

Améliorer les règlementations pour plus de transparence, notamment dans les processus d’approbation. D’ailleurs, l’Australie s’illustre comme un bon exemple pour l’application de l’International Construction Measurement Standard Project, une initiative visant à réduire la corruption en encourageant la transparence des coûts et des performances.

Revoir l’environnement et la structure contractuelle en reléguant aux oubliettes les systèmes rigides actuels basés sur un modèle transactionnel. Il est fortement suggéré de passer vers des modèles contractuels intégrés de type integrated project delivery (IPD) axés sur la performance et le partage des risques.

Intégrer le design et les processus d’ingénierie pour intégrer en amont les enjeux de la constructibilité des options de design et en favorisant les éléments reproductibles. De plus, une intégration des constructeurs dans le processus optimiserait ce dernier. 

Repenser l’approvisionnement en améliorant la gestion de la chaîne d’approvisionnement grâce à des plateformes numériques de gestion. Pour faciliter la planification de la logistique, réduire les délais de livraison et améliorer la transparence.

Améliorer l’exécution sur le site. Malgré l’existence de bonnes pratiques de gestion de chantier, peu sont réellement appliquées. L’enjeu majeur est l’intégration du management et du système technique en utilisant de façon optimale les compétences des travailleurs. Le rapport recommande une numérisation des outils de collaboration et l’utilisation de l’internet des objets pour pister les équipements, les matériaux et les mouvements pour améliorer la transparence et la gestion des chantiers.

Intégrer les technologies numériques et l’innovation en allant au-delà du BIM 3D et en l’utilisant conjointement avec des outils collaboratifs tels que les drones, les capteurs de monitoring, la géolocalisation et l’internet des objets. D’ailleurs, l’implantation d’un système infonuagique pour la gestion et le partage des données augmente significativement la productivité; on parle d’environ 50 % dans le rapport.

Améliorer la qualification des travailleurs car l’avancée des innovations technologiques rattrape de plus en plus rapidement les professionnels. Ceci est particulièrement un enjeu en ce qui concerne des travailleurs de première ligne.

Ces mesures ont le potentiel de rehausser la productivité du secteur de la construction de 50 à 60 %. Pour un prochain article, je vous propose de découvrir l’étude de cas de la Belgique. Considéré dans le rapport de McKinsey comme un leader mondial du secteur, ce pays et son industrie de la construction ont mis en oeuvre des mesures qui ont porté leurs fruits.


François Cantin

Par Leyla Lardja, M. Sc. A. PA LEED-ND 
L’auteure est chargée de projet en développement durable chez Ædifica, spécialiste en certification de quartiers durables, en processus de conception intégrée et en outils d’analyse du cycle de vie économique, sociale et environnementale. Elle est également bénévole pour le Conseil du bâtiment durable – Québec (CBDCa-Qc).

 

1 McKinsey Global Institute. (2017). Reinventing Construction: A Route To Higher Productivity. McKinsey & Company (February), 168. Retrieved from http://www.mckinsey.com/industries/capital-projects-and-infrastructure/…;