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Bureaux à aire ouverte : solutions acoustiques

17 mai 2023
Par Cynthia Bolduc-Guay

Sept clés et tendances pour optimiser le confort acoustique dans les espaces de bureaux à aire ouverte.

Dans un contexte postpandémie où plusieurs ont pu goûter au travail à la maison, le confort des travailleurs devient le cheval de bataille des employeurs, surtout dans une période de rareté de main-d’œuvre. Si le retour dans les espaces de bureaux à aire ouverte favorise la collaboration, la créativité et le sentiment d’appartenance, il pose aussi des enjeux importants au plan du confort et des ambiances acoustiques, pouvant générer un sentiment de frustration et un manque de concentration chez les employés. Tour d’horizon des meilleures pratiques d’aménagement afin de favoriser une transition en douceur et une meilleure rétention des talents.

Peu importe les stratégies d’aménagement préconisées, l’important est d’abord de bien comprendre les besoins des occupants. « Dans une même organisation, on a tous des emplois du temps et des activités différents, que ce soit du travail individuel qui nécessite un haut niveau de concentration ou du travail plus axé sur la collaboration », explique l’architecte François Cantin, associé et directeur avant-garde chez Coachitecture. À cela s’ajoutent nos préférences personnelles, nos personnalités et la neurodiversité que certaines personnes peuvent présenter, comme les TDAH, par exemple. Deux personnes ayant le même emploi du temps peuvent ainsi performer de manière inégale dans une aire ouverte selon leur facilité à se concentrer dans ce type d’environnement.

Bien configurer l’espace

« Avant même de penser à améliorer l’acoustique à l’aide de surfaces absorbantes, on essaie de positionner les différents départements de manière stratégique en fonction du niveau de bruit, » fait savoir Marco Brissette, designer d’intérieur principal chez ACDF Architecture et vice-président de l’Association professionnelle des designers d’intérieur du Québec. « Par exemple, tout ce qui génère du bruit, comme les salles de réunion, on va le placer près de l’entrée pour ne pas gêner les employés avec le va-et-vient. » Connaitre les besoins du client, le niveau de bruit produit par les différents départements et la culture d’entreprise est donc la première étape d’une conception acoustique bien pensée.

Choisir les bonnes cloisons

Pendant longtemps, les cloisons, aussi appelées cubicules ou partitions, ont été privilégiées afin de réduire le niveau sonore dans les aires ouvertes. Encore aujourd’hui, plusieurs croient que celles-ci les protègent des bruits ambiants.

François Cantin croit pour sa part qu’il est préférable d’éviter les partitions élevées. « Quand on ne voit pas les autres, on a tendance à oublier qu’ils sont là, et on se permet malgré nous de parler plus fort », explique-t-il. Il donne l’exemple de l’aire ouverte dans le siège social de GSK, à Québec, où Coarchitecture a proposé d’aménager des espaces de travail très peu cloisonnés. « Il y a très peu de bruit dans cet espace parce que les gens se voient et font attention, il y a une sorte de bienveillance », observe François Cantin. Si un niveau de concentration plus élevé est requis dans un espace, il recommande alors de hausser le cloisonnement, sans toutefois excéder 1 300 mm (52 po) et d’opter pour une portion supérieure de cloisonnement en verre ou en acrylique clair ou faiblement givré. Lorsque requis, ce niveau de cloisonnement permet d’offrir un bon équilibre entre la territorialité et la coprésence entre collègues.

Marco Brissette et François Cantin

Marco Brissette est d’avis que des partitions qui couvrent le visage sont plus adéquates afin d’améliorer l’acoustique d’une aire ouverte et d’encapsuler le son autour de la personne. Les partitions plus basses n’ont pas beaucoup d’effet au niveau acoustique, selon lui, surtout dans le cas où des employés sont assis l’un en face de l’autre. « On va d’ailleurs essayer de les mettre dos à dos afin d’éviter que la voix porte », prône-t-il.

Établir un code de conduite

Étonnamment, François Cantin croit qu’une des stratégies les plus efficaces pour améliorer l’acoustique dans les aires ouvertes, c’est d’abord de s’entendre sur la façon d’y vivre et d’y travailler, incluant le niveau de bruit acceptable. Cela passe par la mise en place d’un code de vie qui officialise le comportement à adopter. « Quand il y a un code de vie, si je suis dans l’espace calme et que je parle fort, un collègue peut venir me voir et me dire : “Hé! François, rappelle-toi, ici c’est supposé être plus calme, tu devrais peut-être aller parler un peu plus loin!” », estime-t-il. Il donne l’exemple d’une église, où c’est très silencieux, alors qu’il y a très peu de surfaces absorbantes. « Il y a en quelque sorte une loi non écrite qui incite les gens à chuchoter dans ce type d’espace. »

Scinder l’aire ouverte

Le choix du mobilier permet également d’encadrer et de dicter le comportement à adopter. « L’environnement conditionne le comportement des occupants », fait remarquer François Cantin. Une aire ouverte peut donc être scindée en différents secteurs afin de proposer des zones volontairement plus bruyantes et dynamiques pour les personnes qui veulent collaborer et d’autres plus calmes pour du travail plus individuel. « On fait aussi de plus en plus de murs végétaux pour compartimenter les aires ouvertes », indique Marco Brissette. Cette division de l’espace demande souvent de créer des aires de circulation entre les différentes sections, permettant de distancer encore plus les groupes.

Aire ouverte de l’édifice de GSK, à Québec, intégrant des panneaux acoustiques suspendus. Photo : Stéphane Groleau

« Une des tendances émergentes est de créer des lieux de rencontres informelles dans les aires ouvertes, comme le long d’un couloir, par exemple. Ça permet de rendre l’espace intuitif où les gens peuvent collaborer », ajoute le designer.

Varier les espaces

« L’erreur avec l’aire ouverte, c’est de dire : “On t’assigne un poste et toutes tes tâches, incluant tes appels téléphoniques et tes conférences Zoom, c’est à cet endroit que tu vas les faire” », avance François Cantin. La solution réside selon lui dans un aménagement offrant une variété d’environnements adaptés à différentes tâches, aussi appelé « milieu de travail axé sur les activités » (MTAA). Le gouvernement du Québec et celui du Canada ont d’ailleurs adopté ce type d’environnement il y a quelques années. « Maintenant, tous les ministères et organismes publics, quand ils s’aménagent, doivent faire des milieux de travail axés sur les activités avec des principes d’aménagement à valeur ajoutée », confirme François Cantin, qui a d’ailleurs collaboré à la rédaction d’un guide sur le sujet avec la Société québécoise des infrastructures.

L’intérêt de ce type d’espace est que l’employé n’est plus limité à un seul point de travail, si bien qu’il peut choisir l’environnement qui lui convient le mieux selon les tâches qu’il a à faire, devenant une sorte d’électron libre.

« Pendant la pandémie, les entreprises n’ont pas eu le choix de se déployer en télétravail, ce qui les a forcées à revoir leur organisation du travail et à offrir de nouveaux outils informatiques. Ces changements ont permis de bonifier la mobilité du personnel et de réinventer notre relation avec le milieu de travail. Grâce à ça, on a facilement gagné 10 ans en matière d’aménagement », s’enthousiasme François Cantin, qui rêve depuis longtemps d’une organisation des espaces adaptés aux besoins changeants des employés.

Marco Brissette est quant à lui plus nuancé. « Même si la technologie nous rend plus mobiles et que les gens peuvent travailler d’un peu partout, je remarque qu’ils ont tendance à s’asseoir au même endroit, avec les mêmes personnes qui leur ressemblent », souligne le designer.

Consulter un acousticien

François Cantin et Marco Brissette estiment que lorsqu’il est question de confort acoustique, consulter l’expert en la matière en amont du projet est un atout précieux. « Ce n’est pas de mandater l’acousticien pour qu’il nous fasse un rapport à tout prix, mais plutôt de s’offrir l’opportunité d’une réelle conception intégrée, où il est possible de s’assoir ensemble et de déterminer les enjeux et les solutions potentielles », précise François Cantin.

Un acousticien pourra ainsi faire des simulations afin de confirmer si on a besoin de cloisonner davantage un espace donné ou d’ajouter des surfaces absorbantes, comme des panneaux muraux ou suspendus. Il peut aussi conseiller sur l’épaisseur des parois vitrées et la composition des portes et de leurs cadres, et même proposer d’ajouter du masquage sonore au besoin.

Diversifier les surfaces absorbantes

Aujourd’hui, les produits acoustiques sont plus accessibles et nombreux qu’avant. « On voit maintenant des tuiles de couleur, des luminaires ou des lampes de table recouverts de feutre », énumère Marco Brissette.

Une des surfaces absorbantes les plus efficaces : les tapis. Non seulement ceux-ci contribuent à limiter la réverbération du son, mais ils réduisent aussi les bruits d’impact causés par les souliers. Alors qu’il est généralement recommandé de prévoir une superficie de surfaces absorbantes similaire à l’aire de plancher, les tapis peuvent aider les concepteurs à atteindre cet objectif. Les tapis ont d’ailleurs beaucoup évolué et sont désormais conçus en tuiles, ce qui facilite leur remplacement si une partie de ceux-ci est tachée ou brisée. Ils sont aussi plus résistants et écologiques.

Pour les panneaux muraux, François Cantin suggère de les placer en haut des murs le plus possible. « Cette astuce permet de mettre des panneaux moins dispendieux et moins robustes, car on les voit moins et ils sont inaccessibles », explique-t-il.