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23 mai 2013

Le projet des Bassins du Havre, dans le sud-ouest de Montréal, illustre bien que le redéveloppement durable d’une friche urbaine n’est pas sans écueils pour ses concepteurs. La chargée de projet chez IBI-CHBA, l’architecte et urbaniste Josée Bérubé, raconte. 

À la suite de consultations publiques et de concours, la Société immobilière du Canada a retenu le bureau IBI-CHBA pour réaliser quatre des cinq îlots des Bassins du Havre : un projet de 2 000 unités d’habitation (dont 30 % de logements sociaux et abordables), avec 350 000 pieds carrés d'espaces commerciaux. Le site d’implantation : celui de l’ancien centre de tri de Postes Canada – emplacement où se déployait auparavant un port intérieur. 

Le plan directeur du Groupe Cardinal Hardy, élaboré en collaboration avec  L'ŒUF, faisait le pari de remettre en eau les quatre bassins de ces installations. « Les analyses de caractérisation du sol ont cependant révélé le degré de contamination élevé au fond des bassins et nous avons opté pour une évocation de ces infrastructures avec des bassins de deux pieds de profondeur », relate Josée Bérubé. 

Les bassins serviraient à la gestion des eaux pluviales avec marais filtrant et seraient reliés au canal Lachine. Chaque bassin équivaut en superficie à celle de la Place Jacques-Cartier et il y en a quatre : deux privés, à l'est ; deux publics, à l'ouest (en fait, 29 % de la superficie totale du projet est destinée à des fins publiques). 

Mais voilà, Parcs Canada a refusé de relier les bassins au canal par crainte de contamination. Il faut savoir que les stationnements se trouvent sous les bassins, ce qui ajoute à la complexité de ces ouvrages. Comment assurer la propreté de l'eau ? Josée Bérubé a peut-être trouvé une solution à Sherbourne Common, un projet riverain torontois qui utilise les rayons UV et des plantes pour filtrer l'eau et éviter l'accumulation d'algues. Pas question après tout d'utiliser des agents chimiques pour nettoyer l'eau dans ce qui se veut un projet écologique ! 

« Nous avions aussi proposé le chauffage collectif à même la chaleur des eaux d'égout comme cela se fait au Village olympique de Vancouver », a souligné  l'architecte et urbaniste. Suggestion qui s'est butée à l'attentisme des autorités municipales, qui « devraient étudier » avant de donner leur aval. 

« Ironie du sort, la pompe à chaleur utilisée au Village olympique provient de... Montréal, note Josée Bérubé. Il s'agit d'équipement industriel conçu pour un fonctionnement continu. Nous avons même approché l'École de technologie supérieure qui se dit prête à étudier son application à un usage moins intensif. » 

Les Bassins du Havre - Image de IBI-CHBA

Afin de créer un milieu de vie agréable, le projet se compose de bâtiments entourant les bassins et aussi des cours intérieures. Pour assurer la pénétration du soleil dans les cours intérieures, tout en contrant les gains solaires, IBI-CHBA a étudié avec soin l'ensoleillement, la hauteur des édifices et les revêtements qui servent à réfléchir la lumière dans les coins plus ombragés. « En visitant d'autres projets, nous avons trouvé qu'à plus de six étages, il y avait une sensation de fermeture désagréable », note la chargée de projet. 

Comme dans les projets visités (Dockside Green, Malmö, Hammarby et le  Village olympique de Vancouver), IBI-CHBA a privilégié la verdure le long des canaux et aussi l'ouverture, la distinction entre l'espace privé et public se faisant à travers l'aménagement plutôt qu'avec des clôtures. Les plantations servent aussi à gérer le bruit. Pour favoriser la vie familiale, les unités de type familial sont situées aux étages inférieurs avec accès direct sur les allées piétonnes, ce qui rend la ballade avec fiston et le petit dernier en poussette nettement plus agréable.   

Un projet de cette taille appelle aussi des solutions novatrices pour la gestion des déchets. « On imagine un peu la cueillette à trois voies sur un site aussi dense ! », lance Josée Bérubée. Pas de système pneumatique comme à la Cité verte de Québec : le tout se fera au niveau des stationnements, de façon traditionnelle. 

Autres tracasseries : la rigidité du zonage et la durée du projet. « Cela prend une bonne dose de courage pour venir s'installer sur ce qui est pratiquement une friche urbaine, indique-t-elle. Dix ans pour voir la section commerciale se réaliser (…), c'est long. Pour ajouter quelques commerces de proximité dans la section est, où nous travaillons actuellement et ainsi animer les lieux, il faudrait une consultation publique auprès de l'OCPM », tonne-t-elle. 

Le projet de 750 millions de dollars, en construction depuis un an et demi, vise la certification LEED-ND (Neighborhood Development) pour son aménagement, tandis que les bâtiments brigueraient la certification LEED-NC Argent. « Nous réfléchissons à comment vendre un projet vert dans un contexte de forte compétition, dit Josée Bérubé. Il faut vraiment croire en ce que l'on fait » 

Note : Josée Bérubé présentait dernièrement le projet dans le cadre d’une conférence des Mardis verts de l’Ordre des architectes du Québec.