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7 avril 2011
Par Michel De Smet

L’optimisation de l’efficacité énergétique de l’aéroport Montréal-Trudeau, ces dernières années, a permis d’y réduire substantiellement les émissions de gaz à effet de serre.

En 2009, Aéroports de Montréal (ADM) a émis quelque 6 500 tonnes de carbone dans l’atmosphère. Une performance hors du commun quand on considère que l’aéroport Montréal-Trudeau aurait émis 10 500 tonnes si on n’y avait pas mis en place, à partir du début des années 2000, un ambitieux programme en matière d‘environnement et de réduction de la consommation énergétique.

En fait, entre 2004 et 2009, ADM a réussi à réduire de l’équivalent de 24 203 tonnes ses émissions de CO2 grâce à l’implantation d’une nouvelle centrale thermique. Dans le même temps, celle-ci aura permis de réduire considérablement la facture énergétique des installations aéroportuaires montréalaises. « Depuis 2004, nos économies à ce chapitre dépassent chaque année les 50 % », indique d’ailleurs Anne Marcotte, directrice des communications et responsabilité sociale pour ADM.

La centrale fut construite au coût d’environ 15 millions de dollars. Le concept et la gérance du projet ont été assumés par les ressources internes chez ADM avec la collaboration de BPH, de Québec, qui a agi à titre de consultant externe en éco-ingénierie. Le génie électromécanique et la gérance de construction relevaient respectivement des consortiums BPH (Bouthillette Parizeau, Pageau Morel, HBA) et DVPT (Decarel, Verreault, Pomerleau et Tecsult).

Les composantes de la centrale thermique comportant un récupérateur de chaleur particulièrement performant, ont été conçues par Sofame, une firme montréalaise spécialisée en projets durables de production d’eau chaude et d’énergie.

Entreprise de longue haleine

La décision de construire une nouvelle centrale thermique fut prise dans la foulée du programme d’expansion et de modernisation de l’aéroport Montréal-Trudeau, qui a été entrepris au début des années 2000 et dont la facture totale s’établit à 1,5 milliard de dollars. Le système thermique a la particularité de comporter deux mécanismes distincts de production d’énergie de récupération.

Le premier se compose de deux refroidisseurs centrifuges hermétiques avec une capacité totale de 1 030 tonnes de refroidissement. Il permet la recirculation des retours d’eau à basse température à l’intérieur des refroidisseurs afin de récupérer la chaleur dégagée par ces équipements. Le second possède un mécanisme de production de récupération d’énergie comportant un refroidisseur d’une capacité de 450 tonnes.

L’hiver, le réseau de distribution qui est au cœur de la centrale permet d’acheminer les surplus de chaleur dans certaines zones vers d’autres zones plus froides, alors qu’autrefois ces surplus étaient tout simplement évacués vers l’extérieur des bâtiments.

« Un grand avantage de la nouvelle centrale, souligne Gérald Cormier, directeur – Architecture et Ingénierie chez ADM, c’est que notre système nous permet désormais de chauffer l’eau à basse température. L’ancienne centrale produisait de l’eau à haute température. De sorte qu’elle dégageait un panache de fumée susceptible de gêner les opérations du trafic aérien. C’est pourquoi, il fallait l’acheminer jusqu’à l’aéroport dans un tunnel souterrain long de 1,5 kilomètre. Il en résultait une importante déperdition de chaleur. La nouvelle centrale se situe en sous-sol à proximité immédiate de l’hôtel Marriott, tout près de la zone aéroportuaire. »

La mise en service de la centrale s’est déroulée en deux phases. En 2002-2003, on a tout d’abord procédé à l’installation d’un système de refroidissement servant à la climatisation, puis, entre 2004 et 2005, ce fut le tour de l’installation du système de chauffage de la nouvelle centrale.

« Nous avons été confrontés à un défi de taille, signale Gérald Cormier, pendant les trois années qu’il a fallu pour remplacer progressivement les équipements de l’ancienne centrale par le nouveau système. Car durant la longue période qu’ont duré ces travaux, il a fallu maintenir un niveau constant de confort et de performance thermique dans l’aéroport. »

Mesures complémentaires

D’autres mesures ont également contribué à réduire les coûts énergétiques de l’aéroport, tout en réduisant son empreinte environnementale. On peut mentionner l’installation de régulateurs de vitesse sur les escaliers roulants, la construction d’un stationnement souterrain chauffé à l’eau chaude à basse température utilisant de la chaleur récupérée ainsi que l’implantation d’humidificateurs à récupération d’eau.

ADM a également remplacé la plupart des groupes électrogènes utilisés pour l’alimentation des avions au sol par des prises d’alimentation électriques de 400 Hz incorporées dans les passerelles, une initiative qui permet aux compagnies aériennes de ne plus devoir recourir aux groupes qui fonctionnaient autrefois au diesel, gros producteur de gaz à effet de serre.

Enfin, ADM a également eu l’idée de tirer profit de l’immense fenestration que l’on trouve dans les sections d’embarquement pour les destinations internationales et vers les États-Unis. Ces dernières offrent une magnifique vue aux voyageurs, mais elles engendrent également une forte accumulation de chaleur solaire qu’il faut ensuite réduire en poussant à fond la climatisation. En 2007, ADM a donc entrepris un projet de gestion de cette énergie solaire avec le Réseau de recherche sur les bâtiments solaires de l’Université Concordia.

« Avec pour résultat que nous avons installé des stores motorisés intelligents, conçus par la firme Somfy, doté de capteurs de luminosité, indique Denis Boilard, ingénieur en mécanique chez ADM. Toutes les huit minutes, le système mesure le niveau d’ensoleillement et la température dans les différentes zones. En fonction de ces informations, les stores se mettent en mouvement afin de réduire la consommation d’éclairage et la climatisation tout en maintenant un éclairage suffisant pour le confort des voyageurs. »

Résultats quantifiés

Au total, ADM estime que l’ensemble des mesures préconisées lui permet de réduire sa facture énergétique d’environ un million de dollars annuellement. Pour Yves Legault, vice-président financement alternatif chez Solutions L2i,  la performance à la fois environnementale et énergétique réalisée par l’aéroport Montréal-Trudeau est tout simplement stupéfiante. Son entreprise a quantifié, puis, parce qu’elle agit également à titre d’intermédiaire de marché, acheté les crédits de carbone d’ADM pour les revendre ensuite à profit à Greening Canada Fund, un fonds torontois qui se spécialise en investissement dans les technologies vertes.

Dans le cas d’ADM, Solutions L2i a acheté l’équivalent de la totalité des émissions de carbone qui n’ont pas été rejetées dans l’atmosphère grâce aux efforts environnementaux déployés par l’aéroport entre 2004 et 2009, soit 24 203 tonnes au prix de 5 dollars la tonne, pour un montant total de 121 015 dollars. « Selon mes connaissances, certains aéroports en Amérique du Nord ont tenté d’implanter des mesures comparables à celles de Montréal-Trudeau, mais sans jamais atteindre les performances exceptionnelles d’ADM », affirme Yves Legault.

Soulignons encore que les efforts entrepris par l’aéroport au chapitre de l’efficacité énergétique ont permis à l’aéroport de remporter un prix Énergia de l’Association québécoise pour la maîtrise de l’énergie ainsi qu’un prix Mercure décerné par la Chambre de commerce de Québec.